Lexique Médico-Juridique

 Le Livre d'Or
 

 
 
 

L'entreprise en difficulté

 

Prévention des difficultés : Information

La loi de 1984 s'organise autour de 3 axes : l'information, les procédures d'alerte et le règlement à l'amiable.

Au delà de la publication des comptes annuels, la loi instaure dans certaines entreprises une information prévisionnelle. L'information prévisionnelle est obligatoire dans les entreprises importantes (essentiellement celles qui occupent plus de 300 salariés et dont le chiffre d'affaires >= 18,3 millions d'euros).

La loi impose 4 documents

la situation de l'actif réalisable et disponible (valeurs d'exploitation exclues) et du passif exigible

le tableau de financement ou tableau des emplois et ressources pour l'exercice écoulé

le compte de résultats prévisionnel

le plan de financement prévisionnel.

A noter que des informations sur les cautionnements et hypothèques doivent aussi être précisées. Ces informations et documents doivent être transmis par les dirigeants aux commissaires aux comptes, au comité d'entreprise, au conseil de surveillance (aux associés en général), au président du tribunal de commerce. Grâce à ces documents, les personnes informées peuvent attirer l'attention des dirigeants afin qu'ils corrigent leurs erreurs. Les PME non soumises à ces règles peuvent adhérer à des groupements de prévention agréés qui ont pour mission de déceler les difficultés et d'informer le chef d'entreprise.

Prévention des difficultés : Alerte

Il faut qu'officiellement les dirigeants soient prévenus des difficultés éventuelles. Cette alerte peut être donnée par le commissaire aux comptes, le CE (possible par définition dans les entreprises > 50 salariés), ou le président du tribunal de commerce. Les associés ne bénéficient pas de droit d'alerte mais peuvent poser des questions écrites aux dirigeants et sous certaines conditions demander la désignation d'un expert de gestion.

Prévention des difficultés : Règlement Amiable

L'objectif est de résoudre les difficultés avant la constatation de cessation de paiements. Un conciliateur est désigné par le président du tribunal de commerce dont le rôle est de trouver un accord amiable, notamment avec les créanciers.

Un document écrit doit officiellement être établi, et stipuler le contenu de l'accord, ses modalités d'application et sa portée, les risques de non-exécution (procédure de redressement judiciaire).

Ce système apparemment séduisant souffre du manque de confiance des créanciers face à une entreprise chancelante. Le règlement amiable ne peut pas, c'est évident, remédier aux causes d'une défaillance économique inévitable.

Redressement et liquidation judiciaire

Esprit de la loi de 1985

Procédure "destinée à permettre la sauvegarde de l'entreprise, le maintien de l'activité et de l'emploi et l'apurement du passif". En fait 3 solutions sont envisageables : continuation de l'entreprise, cession, liquidation avec 2 régimes : un régime général et un simplifié.

Déclenchement de la procédure

Toutes les entreprises privées (individuelles ou sociétés) sont concernées à partir du moment où elles sont en cessation de paiement (impossibilité de faire face au passif exigible avec l'actif disponible constatée par le tribunal). La saisine du tribunal peut être faite de plusieurs manières : 

par le débiteur lui-même (déclaration de cessation des paiements ou dépôt de bilan) faite au greffe du tribunal compétent dans les 15 jours qui suivent la cessation de paiements.

sur assignation d'un créancier ou d'office par le tribunal.

Le tribunal compétent est le tribunal de commerce pour les artisans et commerçants et le tribunal de grande instance dans les autres cas. Le tribunal ne peut statuer sur l'ouverture de la procédure de liquidation qu'après avoir entendu le débiteur, les représentants du personnel, éventuellement toute personne dont l'audition est jugée utile.

Le tribunal déclare alors l'entreprise en état de redressement judiciaire. Il fixe éventuellement la date de cessation effective du paiement (à défaut, celui-ci part à compter de la date du jugement qui le constate).

La période entre la cessation effective de paiement et la date officielle du redressement et qualifiée de "période suspecte". En effet, la tentation peut être grande de dilapider tout le patrimoine ou d'avantager certains créanciers. C'est pourquoi certains actes conclus pendant cette période peuvent être annulés.

En même temps que l'ouverture du dossier sont désignés les organes de la procédure : 

le juge-commissaire, véritable "homme-orchestre" de l'opération

l'administrateur judiciaire chargé d'élaborer un bilan économique et social de l'entreprise et un projet de redressement.

le représentant des créanciers qui agit au nom de la masse, et non au profit d'un créancier en particulier.

le représentant des salariés élu par les salariés.

les experts en diagnostic chargés de renseigner le tribunal avant que celui-ci ne rende définitivement son verdict.

Déroulement de la Procédure 

La durée de la période d'observation dans le régime général, ne doit pas excéder 6 mois (exceptionnellement jusqu'à 18 mois). Un projet de plan de redressement doit être élaboré : l'administrateur doit établir un bilan économique et social (véritable diagnostic comptable, financier, social et juridique). L'administrateur reçoit tous renseignements et documents utiles du "juge-commissaire", peut se faire assister d'experts en diagnostics, peut s'informer auprès des personnes de son choix... Compte-tenu de ce bilan, un projet de plan de redressement orienté vers l'avenir sera établi. 

Pendant la période d'observation, l'entreprise continue en principe son activité. Si la situation évolue mal, le juge peut ordonner la liquidation judiciaire. Un certain nombre de limites aux droits individuels des créanciers et autres partenaires éventuels existe.

Dénouement de la Procédure

A l'issue de la période d'observation, le tribunal décide du sort de l'entreprise par un second jugement. Il y aura continuation de l'entreprise, cession ou liquidation.

Redressement Judiciaire

Il suppose que l'entreprise soit saine. Le tribunal désigne les personnes chargées d'exécuter le plan prévu. Le redressement doit être réalisé dans un délai fixé par le tribunal. Il est confié à l'administrateur désigné. Si des possibilités sérieuses existent, il y aura continuation de l'entreprise. Si des plans de l'entreprise sont viables ou si un repreneur peut tout régler (apurement du passif...) la cession partielle ou totale sera organisée.

Liquidation Judiciaire

C'est le constat de l'échec. L'entreprise disparaîtra, l'emploi ne sera pas sauvegardé et bien souvent l'apurement du passif ne permettra pas de payer complètement les créanciers (qui seront réglés compte-tenu des priorités, les créanciers chirographaires étant bien entendu les plus mal servis). Le tribunal procède à la clôture des opérations de liquidation lorsque tout l'actif récupérable a été vendu et que les créanciers auront reçu ce qui doit (et peut) leur revenir.

Le sort du Chef d'entreprise

En cas de non respect de règles légales ou de fautes majeures de gestion, des sanctions sont prévues.

Sanctions Financières

Elles peuvent toucher les dirigeants de personnes morales ayant commis des fautes de gestion à l'origine d'une insuffisance de l'actif. Dans les cas les plus fréquents, cette responsabilité financière n'est que partielle. Si par contre, ils ont commis des actes destinés à leur propre enrichissement personnel ou autres malversations. Ils peuvent être poursuivis en apurement du passif sur l'ensemble de leur patrimoine.

Sanctions Professionnelles

Si fautes très graves (détournement de fonds, pas de tenue de comptabilité consciente d'exploitation déficitaire...) la faillite personnelle peut être prononcée par le tribunal. Elle entraîne l'interdiction de diriger, contrôler, administrer directement ou indirectement une entreprise pendant une durée au moins égale à 5 ans. Elle peut s'accompagner de la cession forcée des titres détenus dans la société.

Sanctions Pénales

Pour les faits les plus graves. Le délit de banqueroute est alors établi, assorti de peines d'emprisonnement pouvant aller jusqu'à 5 ans et d'amendes jusqu'à 30 490 euros.

Régime Simplifié pour les PME.

La désignation d'un administrateur est facultative (seulement si le débiteur ne peut pas continuer lui-même). La période d'observation est scindée en 2 : une période d'enquête est très courte de 60 jours au plus qui permet au juge-commissaire d'établir un bilan de situation. Si une procédure de redressement est établie, elle doit durer 6 mois au plus. En l'absence d'administrateur, le commissaire du plan assiste le débiteur.

Loi de juin 1994

La loi de 1985 postulait que toute entreprise pouvait être sauvée (alors que bien souvent le sauvetage était tout à fait impossible). Son application posait de très sérieux problèmes notamment vis-à-vis des créanciers.

La réforme de 1994 renverse le dogme du "sauvetage coûte que coûte". Désormais, une entreprise "ayant cessé toute activité" ou pour laquelle le redressement judiciaire est "manifestement impossible" pour faire l'objet d'une liquidation judiciaire immédiate. Ces dispositions nouvelles ont finalement pour but d'éviter la "faillite dans la faillite" vont dans le sens d'une plus grande moralisation et finalement plus réalistes.

L'alerte

La réforme veut qu'elle soit donnée très vite. Ainsi les commissaires aux comptes sont tenus d'alerter le président du tribunal de commerce dès que des signes de difficultés notoires apparaissent. Le président du tribunal se voit attribuer des prérogatives qu'il n'avait pas auparavant dans le cadre du règlement amiable. Le Trésor Public et l'URSSAF doivent publier leur privilège quand les retards dépassent 12 000 euros.

Le règlement amiable

C'est à ce niveau que les changements sont les plus sensibles. Dans l'ancien système, le conciliateur devait tenter de trouver un accord amiable avec les créanciers (procédure qui se voulait confidentielle). En fait de confidentialité, le règlement amiable était un secret de polichinelle et souvent, les créanciers "dans le coup" ne jouaient pas le jeu, essayant à tout prix de recouvrer leurs créances avant les autres, ce qui bien souvent précipitait la chute qu'on voulait éviter. La réforme prévoit que le conciliateur (mission de 4 mois maximum) a la faculté de demander au président du tribunal de prononcer la suspension provisoire des poursuites, c'est-à-dire en pratique le gel des créances. Pendant ce délai de 4 mois, le conciliateur recherche les modalités d'un redressement et d'un accord avec les créanciers.

Le redressement

Toujours une période d'observation de 6 mois renouvelable 2 fois au plus.

Nouveautés :

les contrats en cours devront, s'ils sont poursuivis, être réglés au comptant (sauf si le fournisseur ou prestataire de services accepte des délais de paiement).

les dettes nées dans la période d'observation seront non prioritaires par rapport au super privilège salarial, frais de justice et créances antérieures assorties de sûretés réelles.

Ces principes ont pour effet de rendre la recherche de nouveaux partenaires par l'entreprise défaillante plus difficile, et de décourager les tentatives désespérées de sauvetage.

Continuation ou Cession

La tendance est à une plus grande sévérité, les plans aberrants de continuation devant être bannis. La durée maximale autorisée par la loi est de 10 ans.

Le plan de cession a fait l'objet d'une attention particulière, afin de moraliser les pratiques :

le dirigeant, ses parents ou alliés ne sont pas admis à proposer un plan de cession.

le tribunal devra s'accorder un délai d'analyse de 15 jours après connaissance des conditions de reprise, afin d'éviter des solutions précipitées (bien souvent conclues d'avance).

l'encadrement de cette reprise sera accru. Notamment le tribunal peut décider l'inaliénabilité des biens cédés (ou d'une partie) même la résolution de la cession.

Ces mesures sont sévères mais elles peuvent permettre une plus grande moralité des opérations de reprise.

Sort des dirigeants

Pas de changement notable pour les dirigeants. Pour ce qui est des cautions personnelles, elles ne pourront être poursuivies avant le jugement de redressement ou de liquidation => une plus grande souplesse pour les dirigeants de bonne foi. Cette mesure devait accélérer la date de dépôt de bilan.

Sort des créanciers

Créanciers titulaires de sûretés

La loi considère mieux leurs intérêts légitimes (avant ils étaient plutôt vus comme des gêneurs). Les "contrôleurs" désignés par le tribunal seront plus nombreux et ils pourront fournir au tribunal leurs observations. Ils pourront même demander, si les choses se passent mal, la liquidation judiciaire. Ils auront communication des offres de reprise. Ainsi les créanciers peuvent ils espérer que le suivi de leurs créances soit plus précis.

Les créanciers titulaires de sûretés seront mieux garantis (priorité par rapport aux nouvelles créances). Cela est particulièrement important pour les établissements de crédit.

Créanciers chirographaires : ils sont aussi mieux protégés

poursuite par paiement immédiat des contrats en cours si ces contrats sont maintenus

meilleure protection des entrepreneurs du BTP et des sous-traitants (notamment par affectation du prêt éventuel contracté par le maître d'ouvrage, ou par un cautionnement solidaire d'une banque ou assurance).

clause de réserve de propriété : disposition la plus favorable au plus grand nombre. A partir de maintenant, le contexte d'établissement de ces clauses sera plus souple, plus facile à mettre en oeuvre (auparavant une marchandise incorporée, la stipulation livraison par livraison... ne seront plus exigées). Aux fournisseurs de convaincre le client d'intégrer de telles clauses dans un contrat.

Le Ministère Public

Le rôle des parquets devra être beaucoup plus fort, plus présent. Pour qu'ils jouent ce nouveau rôle, les parquets ne sont vus attribuer par la nouvelle loi un caractère suspensif à la plupart de leurs recours.

 

 

 




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