Lexique Médico-Juridique

 Le Livre d'Or
 

 
 
 

L'Action en Justice

 

En matière civile, l'action est en droit pour l'auteur d'une prétention d'être entendu sur le fond de celle-ci afin que le juge la dise bien ou mal fondée. Pour l'adversaire, l'action est le droit de discuter le bien fondé de cette prétention. Toutefois dans la pratique, on emploie aussi bien le mot action pour désigner une demande en justice, bien que celle-ci soit seulement l'acte de procédure au moyen duquel s'exerce précisément le droit de recours à justice.

Les actions font partie des choses incorporelles, incluses dans notre patrimoine : elles constituent une véritable propriété résultant de la loi ou des obligations que des tiers ont contractées avec nous. Elles se transmettent activement ou passivement.

Est demandeur, celui est engage l'action ; est défendeur celui contre lequel est engagée. Mais dans une instance, les 2 parties peuvent être respectivement demandeur et défendeur : il en est ainsi lorsque le défendeur initiale introduit une demande reconventionnelle ou soulève un incident (incompétence, nullité...). Il peut arriver également qu'à l'occasion de l'inexécution du contrat, l'autre peut en demander la résiliation : en ce cas, les parties sont respectivement demandeurs et défendeurs.

Enfin, plusieurs actions peuvent s'offrir au choix du titulaire d'un droit pour le faire valoir en justice. Parfois, elles peuvent être exercées simultanément : ainsi un vendeur cumule contre l'acheteur 2 actions, l'une en paiement du prix, l'autre en résolution de la vente. En d'autres situations, les actions s'excluent les une des autres : il y a "concours d'actions".

Ainsi, le demandeur qui a agit au pétitoire ne peut plus agir au possessoire. De même, les dommages-intérêts peuvent être réclamés devant le juge civil ou le juge criminel, mais la partie lésée qui a opté pour la première de ces 2 voies n'est plus recevable à prendre l'autre.

 

I) Les différentes actions privées

L'on divise généralement les actions entre actions publiques et actions privées : l'action publique est celle qui est exercée au nom de la société, dans l'intérêt de tous, par des fonctionnaires auxquels elle est confiée par la loi, et spécialement par les magistrats ; cette action prend quelquefois le nom d'action criminelle lorsqu'elle a pour objet la répression d'un crime, d'un délit ou d'une contravention. L'action privée est celle qui appartient à chaque citoyen en particulier et n'a pour objet que son intérêt personnel ; mais comme cette action s'exerce dans un nombre de cas infinis et que les règles auxquels son exercice est soumis varient suivant les circonstances et les espèces, il a fallu la subdiviser en des noms différents pour éviter toute confusion.

C'est pourquoi les actions privées font l'objet de la classifications traditionnelles fondées notamment, tantôt sur la nature, tantôt sur l'objet du droit qu'elles ont pour but de faire sanctionner. L'on distingue ainsi, en se fondant sur les articles 42 et suivants du Nouveau Code de Procédure Civile :

- les actions personnelles, réelles et mixtes

- les actions mobilières et immobilières

On peut d'ailleurs combiner ces 2 catégories d'actions et on a alors des actions personnelles mobilières ou immobilières ou réelles mobilières ou immobilières.

    1.1 Actions personnelles : réelles et mixtes

        1.1.1 Les actions personnelles

L'action personnelle est celle par laquelle s'exerce un droit personnel, elle qu'une demande en paiement. Elle est dirigée contre une personne obligée envers le demandeur par un contrat, un quasi-contrat, un délit, un quasi-délit ou par l'effet de la loi. Elle est fondée dans la créance du demandeur contre l'obligé et s'attache à la personne de ce dernier et se transmet passivement à ses héritiers.

Les actions personnelles sont multiples : elles varient selon la volonté des contractants et les événements de la vie courante.

A titre d'exemple, on peut citer les sanctions en dommages-intérêts en raison de la mise en oeuvre de la responsabilité délictuelle, les actions qui résultent des contrats et obligations, celles qui dérivent des obligations légales, comme l'obligation alimentaire, celles qui naissent du voisinage lorsqu'elles sont imposées à la personne et non à la propriété.

            1.1.2 Les actions réelles

L'action réelle est celle par laquelle on exerce un droit réel, c'est-à-dire un droit portant sur une chose. On réclame non plus contre telle personne déterminée, mais contre tout possesseur ou détenteur, soit la propriété, soit la possession, soit le libre usage que l'on doit avoir d'une chose ou encore l'exercice d'un droit réel qui nous appartient sur la chose d'autrui, ou sur une universalité des choses.

Tandis que l'exercice des actions personnelles exige du demandeur la preuve non seulement qu'il est créancier, mais encore qu'il l'est de telle personne déterminée, l'exercice d'une telle action réelle se fonde sur un droit non plus seulement relatif, mais absolu dont il suffit au demandeur d'établir l'existence à son profit pour pouvoir l'invoquer envers et contre tous. Par conséquent, l'action réelle ne dérive d'aucun engagement personnel du défendeur, mais d'un droit du demandeur sur la chose réclamée, indépendant de toute obligation de la part de celui contre lequel est dirigée l'action ; et le défendeur, qui n'est obligé personnellement qu'en raison de la chose détenue par lui, peut, en la délaissant, se soustraire à l'action, le demandeur pouvant toujours poursuivre la chose en quelques mains qu'elle se trouve.

Les actions réelles sont, comme les droits réels, limitées en nombre. Citons 

- l'action en revendication, sanction du droit de propriété

- l'action confessoire ou négatoire, suivant qu'elle tend ou non à nier l'existence d'une servitude ou d'un usufruit

- l'action du créancier hypothécaire, gagiste ou privilégié, sanction du droit réel d'hypothèque

- l'action en pétition d'hérédité, sanction de la qualité d'héritier.

On tend à considérer aussi comme action réelle, l'action en bornage en raison de la place qu'elle occupe dans le Code Civil dans un chapitre qui traite des servitudes.

            1.1.3 Les actions mixtes

Aux actions personnelles et réelles, l'article 46 du NCPC, ajoute l'action mixte : cette action emporte tout à la fois contestation sur un droit personnel et sur un droit réel nés d'un même acte juridique qui a créé ou transféré un droit réel immobilier en même temps qu'il a fait naître un droit de créance, telle l'action de l'acheteur d'un immeuble en délivrance de la chose achetée. Il en est de même des actions qui tendent à l'annulation, à la rescision ou à la révocation d'un acte translatif de propriété ou créateur d'un droit réel immobilier lorsque, par exemple, le vendeur de l'immeuble agit en résolution de la vente en vertu de l'article 1654 du Code Civil pour défaut de paiement du prix alors que la chose a été livrée à l'acquéreur.       

L'action qui tend à la réalisation d'une vente sera mixte ou personnelle suivant qu'elle sera intentée par l'acquéreur ou par le vendeur. Elle tend, dans le premier cas, à faire acquérir à l'acheteur un droit réel, comme conséquence de l'exercice de son droit de créance, tandis que, dans le second cas, le vendeur se désintéressant du droit réel, dont il prétend précisément n'être plus titulaire, ne se prévaut que de sa qualité de créancier.

            1.1.4. Intérêt de la distinction

L'intérêt de la distinction apparaît d'abord au point de vue de la détermination des règles de compétences en raison du lieu : en matière personnelle le défendeur sera assigné (sauf dérogations légales) devant le tribunal de sa demeure, ce qui est logique puisque l'action est dirigée essentiellement en considération de la personne. Par contre, en matière réelle immobilière, la juridiction du lieu où est situé l'immeuble est seule compétence (article 42 et 44 du NCPC).

En matière mixte, le demandeur peut assigner à son choix devant la juridiction du domicile du défendeur ou celle du lieu où est situé l'immeuble (article 46 du NCPC).

D'autre part, selon qu'elles sont personnelles ou réelles, les actions ne relèvent pas, à raison de la matière, de la même juridiction.

        1.2. Actions mobilières et immobilières

Cette classification est fondée sur l'objet réclamé : suivant que cet objet est meuble ou immeuble, l'action est mobilière et immobilière

- toute action qui a pour objet immédiat de procurer un meuble est mobilière

- toute action qui a pour objet immédiat de procurer un immeuble est immobilière.

Certaines actions peuvent avoir pour but à la fois des meubles et des immeubles.

En pratique, c'est le caractère immobilier qui l'emportera, notamment du point de vue de la compétence.

Les intérêts de la distinction sont réduits :

- quant à la compétence d'attribution du Tribunal d'Instance qui ne peut connaître que des actions mobilière et des actions possessoires.

- quant à la compétence territoriale : les actions mobilières sont portées devant le tribunal du lieu du domicile du défendeur, alors que les actions immobilières sont portées devant le tribunal de la situation de l'immeuble litigieux.

Les actions immobilières sont moins nombreuses que les actions mobilières, mais elles sont plus variées, du fait des divers démembrements de la propriété : différentes actions selon qu'il s'agit de la pleine propriété, de l'usufruit, de la servitude...

        1.3. Combinaison des classifications

Il peut exister des actions personnelles mobilières ou immobilières et des actions réelles mobilières ou immobilières.

            1.3.1 Action personnelle mobilière

C'est l'action très générale par laquelle on fait valoir un droit de créance portant sur une somme d'argent, un meuble, un fait ou une abstention.

            1.3.2. Action personnelle immobilière

Cette action permet de réclamer la reconnaissance d'un droit de créance portant sur un immeuble.

Toutefois, elle paraît difficilement utilisable en raison du principe selon lequel le transfert de la propriété d'un immeuble est réalisé dès l'échange des consentements (article 1138 du Code Civil). Pour qu'elle soit intéressante, il faut supposer une convention portant sur un immeuble insuffisamment individualisé, constituant non un corps certain mais une chose de genre : ainsi, il est décidé à l'occasion de l'achat de terres incultes non délimitées, que la propriété en sera transférée à l'acheteur non au jour de la vente, mais à partir du moment où les terres auront été mesurées ou arpentées.

            1.3.3 Action réelle mobilière

Par cette action, le demandeur se prévaut d'un droit réel portant sur un meuble ; bien que la revendication des meubles soit en principe interdite, elle est en effet possible en cas de perte ou de vol (article 2279 du Code Civil).

            1.3.4. Action réelle immobilière

Le demandeur veut ici se faire reconnaître un droit réel portant sur un immeuble (droit de propriété ou ses démembrements ; jouissance d'une servitude). Cette catégorie d'actions se subdivise elle-même en action possessoire et en action pétitoire.

La distribution entre actions possessoires et actions pétitoires présente un grand intérêt ; en effet, seules les actions possessoires :

- constituent un simple acte possessoire

- sont, à charge d'appel, de la compétence du Tribunal d'instance

- bénéficient en appel de la procédure sans représentation obligatoire.

    1.4. Les actions possessoires

Nous savons que la propriété est le droit de jouir et de disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois et les règlements (article 544 du Code Civil).

3 éléments constituent le droit de propriété

- le droit d'user de la chose (usus)

- le droit de jouir de la chose (fructus), c'est-à-dire retirer tous les fruits, produis, revenus que cette chose est susceptible de donner.

- le droit de disposer de la chose (abusus).

Ce droit est en principe absolu : ce droit est opposable à tous et les propriétaires peut tirer de la chose tous les avantages par des actes juridiques ou matériels.

Le droit de propriété dure en principe autant que la chose sur laquelle il porte et ne peut s'éteindre par le non-usage : il n'existe pas de prescription extinctive pour l'action en revendication. Cependant, le propriétaire négligeant peut se voir opposer la prescription acquisitive lorsque la chose est possédée par une autre personne qui réunit les conditions requises pour l'usucapion : l'usucapion consiste en effet à acquérir le droit réel du simple fait de l'écoulement du temps plus ou moins long, à condition d'avoir la qualité du possesseur :

- la possession ne doit pas être viciée.

- en l'absence de bonne foi, le délai est de 30 ans.

Toutefois, l'on peut avoir l'usucapion abrégé qui soit réuni chez le possesseur la bonne foi (qui est toujours présumée et s'apprécie à la date de l'acquisition - c'est la conscience d'avoir acquis du véritable propriétaire) et le juste titre (c'est un titre translatif et régulier). Le délai de la prescription abrégée est de 10 ans si le propriétaire habite dans le ressort de la Cour d'Appel ; 20 ans dans le cas contraire (article 2265 et 2266 du Code Civil). Elle profite donc au possesseur acquéreur "a non domino" ; l'usucapion abrégée ne s'applique pas aux servitudes.

La possession est le fait d'avoir une chose à sa disposition, sans en être propriétaire, mais avec la pensée que l'on exerce sur cette chose, un droit de propriété, ou avec l'intention de l'exercer. Deux éléments sont donc nécessaires et suffisants pour qu'il y ait possession : 

- un élément matériel : le corpus. C'est le fait d'exercer sur la chose des actes matériels qui sont les prérogatives du droit de propriété. Par exemple :  user de la chose.

- un élément intellectuel : l'animus. C'est la "conscience d'être le maître" c'est-à-dire la volonté de se comporter en titulaire du droit réel. La preuve de l'animus est grandement facilitée par deux principes : l'animus est toujours présumé (article 2230 du Code Civil) et le possesseur n'a donc pas la charge de la preuve. D'autre part, il s'apprécie in abstracto et le juge n'a donc pas à faire une recherche d'intention ; il appréciera l'état d'âme après les éléments de fait, d'après la "cause et le principe de la possession".

La possession jouant un rôle très important dans nos relations juridiques, le droit français s'efforce de la protéger pour elle-même. Tel est l'objet des différentes actions possessoires : la complainte, la dénonciation de nouvel oeuvre, la réintégrande.

Depuis la loi du 9 juillet 1975, la simple détention, si elle est paisible, confère elle aussi, la faculté d'exercer l'une de ces actions.

Le Code Civil renvoie au Nouveau Code de Procédure Civile pour la réglementation des actions possessoires. Le décret du 12 mai 1981 a instauré de nouvelles dispositions figurant aux articles 1264 à 1267, textes qui sont entrés en vigueur le 1er janvier 1982.

Le NCPC ne distingue pas ces différentes actions possessoires, en les appelant par leur dénomination traditionnelle : complainte, réintégrande, dénonciation de nouvel oeuvre. Mais cette différenciation à été l'œuvre de la jurisprudence.

Les modes de protection de la possession sont les suivants :

            1.4.1 En matière mobilière

Il n'y a pas lieu à protection, car en vertu de l'article 2279 du Code Civil, "possession vaut titre". La possession confère donc instantanément et directement au possesseur le droit de propriété sur la chose. Le possesseur peut donc agir en vertu de son droit réel.

                1.4.1.1. Conditions

Il faut qu'il s'agisse d'une chose mobilière susceptible d'être détenue matériellement et qui n'ai été ni perdue, ni volée.

Il s'agit donc de tous les meubles corporels (par exemple les meubles meublants) à l'exception :

- des biens non susceptibles d'appropriation privée : exemple : meuble de domaine public

- des meubles dont le transfert est soumis à publicité : navires, bateaux de plaisance, aéronefs...

- des meubles perdus ou vols, c'est-à-dire frauduleusement soustraits, si le meuble a été détourné par abus de confiance (article 408 du Code Pénale) ou escroquerie (article 405 du Code Pénale). Possibilité de revendication ici du propriétaire pendant 3 ans.

Elle ne s'applique donc pas aux meubles incorporels (par exemple : une créance).

                1.4.1.2 Effets

Aucune preuve n'est à faire par le possesseur ; c'est un revendiquant qu'il appartient de prouver qu'il s'agit d'une simple détention, ou que la possession est entachée d'un vice, ou encore que le possesseur est de mauvaise foi.

L'action réelle est de la compétence exclusive du TGI.

            1.4.2. En matière immobilière

Les actions possessoires sont des actions réelles immobilières, qui ont pour but de protéger la possession des immeubles, sans toucher au fond du droit. Il faut distinguer les différentes actions.

                1.4.2.1. Non cumul du possessoire et du pétitoire

L'article 1265 al.1 du NCPC dispose : "la protection possessoire et le fond du droit ne seront jamais cumulés".

C'est la règle du non-cumul du possessoire et du pétitoire.

Conséquences :

- la possession ne peut être attribuée à l'une des parties, sur le seul fondement de son droit de propriété, ce qui aboutirait à supprimer la protection possessoire en tant qu'elle est distincte de la propriété. Il faut établir le fait matériel de la possession (corpus et animus). Cette interdiction s'impose aux parties et au juge.

- si le demandeur choisit le pétitoire, il renonce au possessoire (article 1266 du Code Civil). En fait, le demandeur agira le plus souvent au possesseur, plus rapide et sa possession établie, elle entraînera présomption de propriété.

                1.4.2.2. Les actions possessoires

Les atteintes, contre lesquelles la possession est judiciairement protégée, sont soit les troubles, soit les voies de fait. La protection possessoire prend diverses formes.

                    1.4.2.2.1. La complainte

La complainte est considérée comme l'action possessoire type. Elle est couverte aux possessions d'un immeuble, dont la possession est troublée par autrui.

Il peut y avoir trouble de fait (c'est-à-dire une agression matérielle contre la possession; par exemple, des actes de passage sur le terrain d'autrui) ou des troubles de droit (résultant de toute prétention contraire à la possession dans une déclaration ou un acte juridique, par exemple : dénégation en justice de la possession).

Cette action est ouverte à tous ceux qui possèdent ou détiennent paisiblement et ce depuis une année au moins.

                    1.4.2.2.2. La dénonciation de nouvel oeuvre

C'est une véritable action possessive, mise à disposition du demandeur, au cas où sont entrepris des travaux, qui après leur achèvement, seraient de nature à causer un trouble de fait à sa possession.

Son but n'est pas de les faire supprimer, mais de les faire suspendre. Elle apparaît comme l'exercice préventif de la complainte. L'exercice de cette action est subordonné à 2 solutions :

- il doit s'agir de la prévention d'un trouble futur, qui résultera des travaux entrepris sur un autre fonds que celui du demandeur (sinon, il s'agit d'un trouble actuel justiciable de la complainte).

- ces travaux sont en cours d'exécution et ne sont pas encore terminés.

                    1.4.2.2.3. Action en réintégrande (ou action en réintégration depuis 1981).

La réintégrande, s'appelant désormais l'action en réintégration, est l'action possessoire, offerte à celui qui a été dépouillé par violence ou voie de fait de la possession d'un immeuble ou d'un droit réel immobilier, pour se faire réintégrer dans sa possession.

La réintégrande sanctionne la dépossession brutale causée par le trouble.

Cette action est efficace du fait de sa rapidité d'intervention et de ses conditions d'exercice plus souples.

- elle n'existe pas une possession annale mais simplement actuelle

- il suffit qu'elle soit paisible et publique, ceci dans un but de paix sociale, afin que nul ne soit tenté de se faire justice à soi-même.

En pratique, la réintégrande est souvent exercée pour protéger le possesseur contre l'occupation de son terrain par un tiers, contre les actes d'obstination comme l'établissement de barrières...

 

II) Les conditions de recevabilité de l'action en justice

Plusieurs conditions sont nécessaires pour la recevabilité des actions en justice ; on les ramène traditionnellement à 3 : il faut avoir à la fois, qualité, capacité et intérêt.

        2.1. Qualité

Pour exercer une action en justice, il faut avoir qualifié, c'est-à-dire un titre en vertu duquel on figure à l'instance. Avoir qualité, c'est pouvoir justifier d'un intérêt personnel et direct. La qualité constitue pour le sujet de droit l'aptitude à saisir la justice dans une situation concrète.

Ont qualité : le titulaire du droit ou son représentant légal ou conventionnel et dans certains cas son créancier ou un contribuable.

            2.1.1. Action exercée par le titulaire du droit

Si le droit litigieux est né dans la personne d'un demandeur capable, aucun problème ne se pose. Les ayants cause universels du droit (héritier absolu, intestat, légataire) peuvent exercer l'action en ses lieu et place à condition de justifier de la transmission du droit opérée à leur profit.

            2.1.2. Action des créanciers

Les créanciers ont qualité pour exercer, au moyen de l'action oblique, les droits et actions de leur débiteur insolvable ou négligent, à l'exception de ceux qui sont exclusivement attachés à la personne (article 1166 du Code Civil).

            2.1.3. Action exercée par un contribuable

Tout contribuable inscrit au rôle de la commune a le droit d'exercer, tant en demandeur qu'en défense, à ses frais et risques, avec l'autorisation du tribunal administratif, les actions qu'il croit appartenir à la commune et que celle-ci préalablement à en délibérer, a refusé ou négligé d'exercer (Code Communes article L316-5).

            2.1.4. Action exercée par le représentant légal du titulaire

Quand le titulaire du droit ne peut le faire valoir en justice en raison de son incapacité ou parce qu'il s'agit d'une personne morale, un représentant (père, mère, administrateur légal prévu par les statuts) a légalement qualité pour agir en ses lieu et place.

            2.1.5. Action exercée par un mandataire conventionnel

Le titulaire d'un droit peut donner à un mandataire le pouvoir d'agir en son nom et ce dernier puisse dans le mandat qualité suffisante pour agir.

Mais en justice la règle "nul ne plaide en France par procureur" interdit de se dissimuler derrière un tiers pour plaider, de cacher sous le nom et l'individualité de ce tiers son nom et sa personne, de façon que l'adversaire ne puisse opposer à la partie véritable les moyens et exceptions qui lui seraient personnels. Ainsi, le mandataire est irrecevable à agir sous son seul nom en justice.

Dans la mesure où le Code de Procédure Civile admet la représentation par mandataire devant certaines juridictions, ce n'est qu'en cette qualité que celui-ci doit figurer dans la procédure ; mais tous les actes introductifs d'instance doivent porter mention des nom, prénoms, profession, demeure, nationalité, date et lieu de naissance du mandant, seul habilité à agir (article 648 NCPC). Si le demandeur est une personne morale, l'acte introductif d'instance devra mentionner la forme, la dénomination, le siège social et l'organe qui représente légalement cette personne morale. Cela à peine de nullité.

            2.1.6. Action exercée par les groupements et la défense des intérêts collectifs

La nécessité de justifier d'un intérêt direct et personnel a posé problème, lorsque des syndicats des organismes professionnels, des associations ont émis la prétention d'agir, dans le but de défendre des intérêts à caractère collectif.

C'est le cas du syndicat, qui agit pour la protection générale d'une profession.

La recevabilité de ces actions a été fortement discutée au début du XXème siècle mais la jurisprudence, longtemps hésitante, se montre aujourd'hui dans l'ensemble favorable encouragée par le législatif.

Cependant, tous les groupements ne bénéficient pas des mêmes droits

- le droit d'action des syndicats est aujourd'hui reconnu par le législateur. Il faut non seulement que le fait intéresse la profession même à laquelle appartiennent les membres du syndicat, mais encore qu'un préjudice ait été causé aux intérêts collectifs de la profession. Il y aura intérêt collectif chaque fois que le préjudice allégué sera distinct du préjudice individuel subi par chacun de ses membres.

- Le droit des associations privées n'est pas aussi ouvert. Les actions intentées par ces groupements ont été le plus souvent rejetées pour défaut de qualité.

Cependant, un courant législatif nouveau paraît se dessiner, tendant à accorder dans les cas de plus en plus nombreux, le droit d'action à certaines associations qui doivent remplir certaines conditions (reconnaissance d'utilité publique...).

        2.2. Capacité

La capacité d'une personne s'analyse d'une part dans son aptitude pour acquérir un droit et d'autre part dans cette même aptitude à exercer les droits acquis. On distinguera donc 2 sortes d'incapacité.

- l'incapacité de jouissance, c'est-à-dire l'inaptitude à jouir d'un droit considéré, à en être titulaire. Dans l'antiquité, l'incapacité de jouissance était commune : l'esclave, en effet, était privé de l'ensemble de des droits reconnue à tous les individus : l'incapacité générale de jouissance n'atteint plus que les groupements sans personnalité, lesquels sont dépourvus d'existence juridique (association, congrégation non déclarées...) ; la mort civile par laquelle tout condamné à une peine perpétuelle perdait toute personnalité (sa succession s'ouvrait, son mariage était dissous) a été supprimée par la loi du 31 mai 1854. Par contre, l'incapacité spéciale de jouissance subsiste dans des cas exceptionnels : interdiction légale de faire le commerce (loi du 30 août 1947), interdiction de donner ou de recevoir, frappant le condamné à certaines peines criminelles, déchéance de l'autorité parentale ou son retrait partiel (loi du 4 juin 1970)...

- l'incapacité d'exercice, c'est-à-dire l'inaptitude à exercer un droit dont on a la jouissance. Elle suppose un incapable et est organisée pour le protéger, à l'exception de l'interdit légal (tout individu condamné à une peine criminelle, afflictive et infamante, est interdit légal (article 29 du Code Pénal)) qui pour fondement un but répressif.

Les incapacités d'exercice tiennent donc, à l'exception de l'interdiction légale, d'une part à l'âge : le mineur doit être protégé contre son inexpérience et d'autre part, à l'état de santé : l'altération des facultés personnelles d'un sujet, qu'il s'agisse de ses facultés mentales ou corporelles, sa prodigalité, son inaptitude à gérer ses propres affaires ou à administrer le patrimoine familial rend nécessaire une protection.

            2.2.1. Incapacité des mineurs : le mineur étant frappé d'une incapacité d'exercice, devra être représenté dans les actes de la vie juridique 

Pour assurer la protection des mineurs non émancipés, c'est-à-dire des individus de l'un ou l'autre sexe qui n'ont pas encore atteint l'âge de 18 ans (article 388 du Code Civil), le Code Civil a institué 2 régimes de protection : 

- l'administration légale

- la tutelle

Avant la réforme de 1964, l'administration légale s'appliquait seulement aux enfants légitimes ayant leurs deux parents vivants, tous les autres mineurs étaient soumis à la tutelle. La loi du 14 décembre 1964 a considérablement étendu les cas d'application de l'administration légale, aux dépens de ceux de la tutelle.

                2.2.1.1 Cas où fonctionne l'administration légale pure et simple

Sont soumis au régime de l'administration légale pure et simple, les enfants légitimes et les enfants adoptés par 2 époux, si les conditions suivantes sont remplies :

- les père et mère légitimes ou adoptifs sont vivants (il existe cependant un cas où l'enfant est placé sous ce régime, bien qu'il n'ait été adopté que par une seule personne : c'est celui où l'adoptant est le conjoint du père ou de la mère de l'adopté (article 365 du Code Civil)).

- les deux parents exercent en commun l'autorité parentale.

- aucun des deux parents n'a perdu l'autorité à titre définitif ou provisoire.

                2.2.1.2. Cas où fonctionnel l'administration légale sous contrôle judiciaire

Sont placés sous ce régime

                    2.2.1.2.1 Les enfants légitimes et adoptifs

- lorsque le père ou la mère est décédé

- lorsque le divorce ou la séparation de corps a été prononcée entre le père et la mère, à moins que les parents n'exercent en commun l'autorité parentale.

- lorsque le père ou la mère se trouve dans l'un des cas prévus à l'article 373 du Code Civil

- pour les enfants adoptifs, s'ils ont été adoptés par une seule personne, lorsque celle-ci est vivante et n'est pas privée de l'exercice de l'autorité parentale.

                    2.2.1.2.2 Les enfants naturels

S'ils ont été reconnus par un seul des deux parents. En effet, si l'enfant naturel n'a pas fait l'objet d'une reconnaissance volontaire par l'un au moins des parents, il est sous tutelle.

                2.2.1.3. Cas d'ouverture de la tutelle

                    2.2.1.3.1. Les enfants légitimes ou adoptifs

- la tutelle s'ouvre en principe au décès du dernier conjoint survivant de ses père et mère (ou au décès de la personne qui a adopté).

- de même quand les parents de l'enfant, bien que vivants, ont perdu l'autorité parentale auront été provisoirement privés.

- pour les enfants adoptifs, naturellement en cas de révocation de l'adoption.

                    2.2.1.3.2. Les enfants naturels

- lorsque ni l'un ni l'autre de ses parents n'a reconnu l'enfant

- lorsque le parent qui l'a reconnu ou le survivant, s'il a été reconnu par les deux parents, vient à décéder

- lorsque le ou les parents qui l'ont volontairement reconnu sont privés de l'exercice de l'autorité parentale.

                    2.2.1.3.3. Cas d'ouverture exceptionnelle

Si le mineur est sous le régime de l'administration légale pure et simple, le Juge des Tutelles pourra ouvrir la tutelle, mais seulement pour causes graves : lorsque les parents se rendent coupables de malversations ou de détournement à leur profit des capitaux du mineur. D'autre part, la loi du 4 juin 1970 sur l'autorité parentale a prévu des cas d'ouverture de la tutelle, à l'initiative du TGI, lorsque l'enfant n'est pas une situation familiale normale : article 373 al.2 et 3 et article 380 al. 2 du code civile.

            2.2.2 Incapacité des majeurs

Lorsque les facultés mentales sont altérées par une maladie, une infirmité ou un affaiblissement dû à l'âge, il est pourvu aux intérêts de la personne par l'un des 3 régimes suivants : 

- la sauvegarde de la justice

- la tutelle

- la curatelle

Il en est de même en cas d'atteinte des facultés corporelles, la personne se trouvant de ce fait dans l'incapacité d'exprimer sa volonté même si elle reste lucide

Enfin, peut aussi l'objet d'un régime de protection le majeur qui par sa prodigalité, son intempérance et son oisiveté s'expose à tomber dans le besoin ou compromet l'exécution de ses obligations familiales.

Il appartient dans tous les cas au Juge des Tutelles de choisir, en collaboration avec les médecins, le régime, le mieux adapté et l'article 490-1 a posé deux principes fondamentaux s'appliquant à tous les régimes de protection : 

- le régime de protection applicable aux intérêts civils et indépendant du traitement médical et réciproquement.

- les décisions du Juge des Tutelles relatives à l'organisation de la protection des intérêts civils doivent toujours être précédés de l'avis du médecin traitant.

Il faut enfin signaler que le Procureur de la République du lieu de traitement et le Juge des Tutelles peuvent visiter ou faire visiter par une assistance sociale les majeurs protégés, quel que soit le régime applicable.

                2.2.2.1 La sauvegarde de justice

La sauvegarde de justice apparaît comme une création entièrement originale : on ne trouve en effet aucune institution semblable ni dans notre législation, ni dans celle des autres pays. Ce n'est pas un régime d'incapacité véritable : la personne placée sous sauvegarde de justice est en principe capable de faire tous les actes patrimoniaux, même les plus graves, mais ces actes pourront être attaqués en cas de lésion ou réduits en cas d'excès.

                2.2.2.2 La tutelle des majeurs

Une tutelle est ouverte quand un majeur, en raison de l'altération de ses facultés mentale ou corporelles, a besoin d'être représenté d'une manière continue dans les actes de la vie civile. C'est l'incapacité la plus grave : le majeur va se trouver privé de la gestion de ses biens au profit de son représentant légal :  le tuteur.

L'ouverture de la tutelle est prononcée à la requête :

- de la personne qu'il y a lieu de protéger

- de son conjoint, à moins que la communauté de vie n'ait cessé entre eux

- des parents proches : ascendants, descendants, frères et sœurs

- du curateur : s'il en a été désigné un

- du ministère public

- du Juge des Tutelles qui a la possibilité de se saisir d'office.

Toute autre personne (parents éloignés, alliés, amis, médecin traitant, directeur de l'établissement de traitement) pourront aviser le juge de la cause qui justifierait l'ouverture de la tutelle, mais le juge n'est pas tenu de suivre leur avis.

La procédure débute par la présentation d'une requête au Juge des Tutelles ; la requête doit contenir l'énonciation des faits allégués à l'appui de la demande et contenir l'énumération des proches parents de la personne à protéger, du moins autant que leur existence est connue. Elle sera obligatoirement accompagné d'un certificat médical délivré par un médecin spécialiste figurant sur une liste établie par le Procureur de la République après consultation du préfet. Le juge compétent est celui du domicile de la personne qu'il s'agit de la protéger.

Le Juge des Tutelles va se comporter comme le ferait un juge d'instruction en matière pénale : 

- l'instruction débute normalement par l'audition de la personne à protéger, à laquelle il est donné connaissance de la procédure introduite. Toutefois, si l'audition est de nature à porter atteinte à sa santé, le juge peut, par disposition motivée, y renoncer.

- il consultera ensuite s'il le juge opportun le médecin traitant sur l'opportunité des mesures à prendre.

- il entendra lui-même autant que possible les parents, alliés et amis de la personne à protéger et aura la faculté de réunir le conseil de famille pour recueillir son avis.

Une fois l'instruction terminée, le Juge fixe la date de l'audience où l'affaire sera appelée et communique le dossier au Procureur de la République, un mois avant l'audience. Le Procureur de la République assiste toujours à l'audience qui se tient hors de la présence du public.

Les jugements portant ouverture de la tutelle ou de la curatelle ou rejetant la requête seront notifiés à la personne visée dans celle-ci ainsi qu'au requérant par LRAR à moins que le juge n'ordonne l'emploi du ministère d'un Huissier ou la voie administrative. Toutefois, le juge peut décider qu'il n'y a pas lieu de notifier à la personne protégée l'ouverture de la tutelle ; seuls les jugements prononçant le rejet de la requête en ouverture, la mainlevée de la tutelle, ou étendant la capacité de la personne en tutelle seront obligatoirement signifiés à l'intéressé lui-même.

Toutes les personnes ayant qualité pour requérir l'ouverture de la tutelle, ainsi que les parents, alliés, amis, le médecin traitant, le directeur de l'établissement de soins, même s'ils ne sont pas intervenus à l'instance pourront former recours contre le jugement qui a ouvert la tutelle. Ce recours est formé soit par un mémoire rédigé par avocat, soit même par simple lettre sommairement motivée signée par l'une des personnes ayant qualité pour agir, et déposée au Greffe du Tribunal d'Instance ou expédiée par  LRAR dans les 15 jours du jugement.

                2.2.2.3. La curatelle

Lorsqu'un majeur pour l'une des causes prévues à l'article 490 du Code Civil (altération des facultés mentales ou corporelles empêchant l'expression de la volonté) sans être hors d'état d'agir lui-même a besoin d'être conseillé ou contrôlé dans les actes de la vie civile, il peut être placé sous le régime de la curatelle.

De même, le majeur qui par sa prodigalité, son intempérance ou son oisiveté, s'expose à tomber dans le besoin ou compromet l'exécution de ses obligations familiales.

La procédure suivie pour parvenir à l'ouverture de la tutelle s'applique également pour la mise sous curatelle, y compris la publicité. Toutefois, lorsque la demande en ouverture de curatelle est fondée sur la prodigalité, l'intempérance ou l'oisiveté, il n'y a pas lieu de joindre à la requête le certificat d'un médecin spécialiste.

La curatelle ne frappe le majeur placé sous ce régime que d'une incapacité partielle : les actes d'administration lui demeurent permis mais il ne peut accomplir les actes dits de disposition qu'avec l'assistance de son curateur. D'autre part, aucun procès auquel le majeur sera partie ne se déroulera sans que son curateur en ait connaissance ; toutes les significations adressées au majeur devront l'être également au second à peine de nullité (article 510-2 du Code Civil) et le curateur aura aussi la possibilité d'intervenir à l'instance.

Il n'y a dans la curatelle en effet d'autre organe que le curateur, dont le choix appartient au juge des Tutelles, mais comme pour le tuteur une exception est prévue en faveur de l'époux qui sera curateur légal de son conjoint, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé.

Cependant, comme dans la tutelle, le juge aura la faculté de modifier l'étendue de la capacité du majeur en curatelle, en adaptant le régime de protection à chaque cas d'espèce.

        2.3. Intérêt

L'action est ouverte à ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention ou pour défendre un intérêt déterminé (article 31 NCPC). Cette condition s'exprime sous l'adage "pas d'intérêt, pas d'action". La notion d'intérêt est indécise, mais l'on considère traditionnellement que cet intérêt doit présenter certains caractères, il doit être légitime et juridiquement protégé, direct et personnel, né et actuel.

            2.3.1. Intérêt légitime juridiquement protégé

Il faut, pour exercer l'action, être titulaire d'un droit reconnu et protégé par la loi.

L'intérêt juridique est tantôt patrimonial ou pécuniaire, tantôt purement moral. Cet intérêt existe dans tous les cas où il est porté atteinte à la personne, à son intégrité physique, à son honneur... Il peut être soit individuel, soit collectif (action exercée par une personne morale).

            2.3.2. Intérêt direct et personnel

Des températures sont de plus en plus apportée à ce principe. Ainsi : 

- le créancier peut exercer l'action oblique

- le contribuable peut exercer l'action de la commune

- les syndicats et les unions de syndicats peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile relativement aux faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt de la profession qu'ils représentent (code du travail article L411-11 et L 411.23)

            2.3.3. Intérêt né et actuel

Un intérêt simplement éventuel ne suffit pas, en principe, à justifier l'exercice d'une action. Cependant, la solution inverse est admise.

- pour l'action en dénonciation de nouvel oeuvre, ouverte dans l'hypothèse d'un trouble éventuel.

- par la jurisprudence qui considère que la personne menacée d'un préjudice imminent, qu'elle peut éviter en agissant de façon préventive, a intérêt à agir. D'ailleurs, la procédure de référé permet de concevoir d'une manière très large l'intérêt né et actuel : à condition qu'il y ait urgence, le juge des référés peut ordonner une expertise en dehors de tout procès.

 

III) L'action publique et l'action civile

Ces deux actions naissent d'une infraction : crime, délit ou contravention. La première tend à l'application d'une peine, exercée au nom de la société ; le second tend à réparer le dommage subi, elle est exercée par la victime. Toute infraction à la loi pénale entraîne pour la société, représentée par les magistrats du ministère public, la possibilité d'agir contre l'auteur de cette infraction en vue de provoquer à son encontre l'application des peines et mesures de sûreté par la loi : c'est "l'action publique" (article 1er CPP).

Mais toute personne physique ou morale, qui aura subi un préjudice du fait de l'infraction, aura le droit de poursuivre la réparation de ce préjudice au moyen d'une "action dite civile" (article 2 CPP).

        3.1. L'action publique

            3.1.1. Exercice de l'action publique

L'action publique peut être exercée en premier lieu et plus généralement par le ministère public ; en second lieu, en quelques cas, par certains fonctionnaires ; enfin, par la partie lésée.

                3.1.1.1. Exercice par le ministère public

Le ministère public constitue un corps hiérarchisé ayant à sa tête la Garde des Sceaux, ministre de la Justice, qui a qualité pour donner des instructions aux procureurs généraux, lesquels, à leur tour, ont autorisé sur les officiers du ministère public de leur ressort (procureur de la République et officiers du ministère public près des tribunaux de police), le procureur de la République ayant lui-même autorité sur les officiers du ministère public près les tribunaux de police de son ressort. Ce principe de hiérarchie entraîne comme conséquence l'obligation pour tout officier du ministère public d'exécuter les ordres de ses supérieurs hiérarchiques et de prendre des réquisitions écrites conformes aux instructions reçues, par contre, "il développe librement les observations orales qu'il croit convenable au bien de la justice" (article 323 CPP) et c'est là une application de l'adage "la plume est serve mais la parole est libre".

D'autre part, l'article 40 CPP, reconnaît au procureur de la République la possibilité d'apprécier la suite à réserver aux plaintes et dénonciations ; dès lors, et bien entendu, sous le contrôle de ses chefs hiérarchiques, le procureur de la République est seul juge de l'action publique. Il est cependant des cas où la mise en mouvement de l'action publique est subordonnée : 

- soit à une plainte ou dénonciation préalable, par exemple, en matière d'injure ou de diffamation (article 48 de la loi du 29 juillet 1881)

- soit à une autorisation préalable : par exemple à l'égard des personnes protégées par l'immunité parlementaire (article 26 Constitution du 4 octobre 1958).

Enfin, pour exercer valablement l'action, le ministère public doit être territorialement compétent : sont compétents le procureur de la République.

- du lieu de l'infraction

- celui de la résidence de l'une des personnes soupçonnées d'avoir participé à l'infraction

- celui de l'arrestation d'une de ces personnes même lorsque cette arrestation a été opérée pour une autre cause.

                3.1.1.2. Exercice par certains fonctionnaires

Certaines administrations publiques peuvent exercer l'action publique pour la répression des infractions qui les concernent. Ce sont : 

- les douanes

- les contributions indirectes

- les eaux et forêts

- les ponts et chaussées

Du fait que l'exercice de l'action publique est destiné à permettre à ces administrations de défendre les intérêts dont elle ont la charge, un pouvoir de transaction leur es reconnu.

En tout état de cause, lorsque l'action publique est exercée par ces administrations, le ministère public est toujours partie jointe.

                3.1.1.3. Exercice par la partie lésée

Pour lui permettre de vaincre une inertie possible du ministère public, le CPP consacrant en cela une solution jurisprudentielle, accorde à la partie lésée le pouvoir de mettre l'action publique en mouvement en lui permettant soit de citer directement l'auteur de l'infraction devant la juridiction, soit de porter plainte en se constituant partie civile devant le juge d'instruction. Mais, l'exercice de l'action publique, une fois la mise en mouvement effectuée, reste l'apanage du ministère public.

            3.1.2. Mise en mouvement de l'action publique

                3.1.2.1 Contre qui ?

Il est de principe que les peines sont strictement personnelles : il s'ensuit que l'action publique ne peut-être exercée que contre une personne physique et qu'elle ne peut l'être que contre le seul délinquant. Si ce dernier décède au cours des poursuites, l'action publique est alors éteinte (article 6 CPP).

                3.1.2.2. Comment ?

Le Procureur de la République peut, avant de décider de la mise en mouvement de l'action publique, chercher à recueillir de plus amples informations au moyen d'une enquête dite "enquête préliminaire" effectuée sur ses instructions et sous son contrôle par des officiers de police judiciaire.

S'il estime que l'infraction n'est pas légalement constituée ou encore que son imputation à une personne déterminée n'est pas suffisamment certaines, ou encore qu'en raison de circonstances de fait dont il est juge les poursuites sont inopportunes, il peut procéder au "classement sans suite" de l'affaire. Mais une telle décision, qui n'a aucun caractère juridictionnels, peut être révoquée à tout moment, à condition que l'action publique ne soit pas éteinte.

Par contre, si le Procureur de la République décide de mettre l'action publique en mouvement, il peut le faire de 2 façons :

- soit par citation directe : la citation directe est une assignation à comparaître devant la juridiction de jugement ; elle a pour effet de saisir cette juridiction de l'action publique.

- soit par réquisition afin d'informer : c'est un acte par lequel le Procureur de la République requiert un juge d'instruction d'ouvrir une information soit contre une personne désignée, soit contre X lorsque l'auteur de l'infraction n'est pas identifié. L'instruction préparatoire est facultative en matière de contravention et de délits, mais obligatoirement en cas de crimes.

Lorsque l'action publique a été valablement mise en mouvement le ministère public ne peut en arrêter le cours.

            3.1.3. Causes d'extinction de l'action publique

Aux termes de l'article 6 CPP, l'action publique s'éteint :

- par la mort du prévenu

- par l'amnistie

- par l'abrogation de la loi pénale

- par la chose jugée

- par la transaction "lorsque la loi en dispose expressément".

- par le retrait de la plainte, lorsque celle-ci est une condition nécessaire de la poursuite

- par la prescription qui est une situation juridique créée par le fait d'un certain délai s'est écoulé depuis la commission de l'infraction, sans que son auteur ait été poursuivi ; une telle disposition trouve son fondement d'une part dans l'atténuation, avec le temps, de l'émotion causée par l'infraction, et d'autre part dans l'aggravation des difficultés de preuve. Le point de départ du délai part du jour où elle est commise ; s'il s'agit d'une infraction continue, le délai part du jour où l'infraction a cessé. On peut avoir aussi interruption ou suspension de la prescription : l'interruption a pour effet d'anéantir le délai écoulé jusqu'à l'acte interruptif de telle sorte que le délai tout entier recommence à courir à partir de cet acte (actes accomplis par le juge d'instruction, actes de police judiciaire); quant à la suspension, c'est une création jurisprudentielle et il n'en existe pas de définition et le délai écoulé jusqu'à l'événement reste acquis et s'ajoutera au délai qui recommencera à courir dès la disparition de l'événement.

        3.2. L'action civile

            3.2.1 Exercice de l'action civile

L'action civile est ouverte à la victime de l'infraction ; or aux termes de l'article 2 CPP, la victime admise à se constituer partie civile sera toute personne justifiant avoir subi, du fait de l'infraction, un dommage personnel, actuel et direct, le dommage pouvant être aussi bien corporel, matériel ou moral.

D'autre part, l'action civile appartient aussi bien aux personnes physiques qu'aux personnes morales telles que par exemple, les syndicats, les ordres professionnels, les associations.

                3.2.1.2. L'action civile des personnes physiques

L'action civile appartient à la victime et il faut entendre par là en particulier qu'elle peut en disposer en y renonçant purement et simplement ou par voie de transaction. De là découle également le caractère patrimonial de l'action civile et la question se pose dès lors de savoir si l'action civile de la victime peut être exercée par ses héritiers, par un créancier, par un subrogé.

                    3.2.1.2.1 L'héritier

L'héritier dispose à la fois d'une action personnelle en réparation d'un préjudice propre et d'une "action successorale" puisque l'action en réparation que possédait le "de cujus" faisant partie de son patrimoine se trouve transmise avec lui. Il convient toutefois de distinguer les situations suivantes :

- la victime décède avant engagement de l'action civile : celle-ci passe alors à ses héritiers, sauf en ce qui concerne  la réparation du préjudice moral qui est exclusivement personnel à la victime et s'éteint avec elle.

- la victime constituée partie civile décède en cours d'instance pour une cause étrangère à l'infraction : ses héritiers recueillent l'action engagée qu'ils peuvent alors exercer dans son intégralité, y compris le préjudice moral.

- la victime constituée partie civile décède pour une cause en relation avec l'infraction : les héritiers peuvent prétendre à la réparation du préjudice causé par le décès en vertu d'un droit qui leur est propre.

                    3.2.1.1.2. La créancier de la victime

Sur le plan général, l'article 1106 du Code Civil donne pouvoir aux créanciers d'exercer les actions de leur débiteur à l'exception de celles exclusivement attachées à leur personne (action oblique) et l'interprétation stricte de l'article 3 CPP exclut la possibilité pour un créancier d'exercer l'action civile appartenant à son débiteur victime d'une infraction.

La même solution a été retenue pour les cessionnaires de l'action civile qui ne peuvent agir que devant la juridiction civile.

                    3.2.1.1.3. Le subrogé

Le subrogé ne peut lui aussi se prévaloir d'un préjudice direct : dès lors la même interprétation restrictive de l'article 2 CPP exclut la recevabilité d'une action civile subrogatoire devant la juridiction pénale.

Ainsi, l'assureur, même bénéficiaire d'une subrogation légale ou conventionnelle pouvant justifier la saisine du juge civil et sans qualité pour exercer l'action civile devant le juge pénal.

Toutefois, certains textes spéciaux permettent l'intervention devant les juridictions répressives des subrogés que sont les Caisses de Sécurité Sociale et le Fonds de Garantie Automobile.

                3.2.1.2. L'action civile des personnes morales

Il faut dans ce cas que l'infraction ait lésé directement l'intérêt particulier de la personne morale ou les intérêts collectifs qu'elle représente. C'est ainsi que l'exigence d'un intérêt professionnel collectif par opposition au préjudice subi personnellement par un membre de la communauté, a conduit la Cour de Cassation à rejeter la constitution de partie civile d'une chambre régionale intervenue dans les poursuites pour outrages envers un Huissier de Justice (Crim. 9 janvier 1958).

De même, un syndicat ou un ordre professionnel ne serait pas recevable à se substituer à celui de ses membres victimes d'une infraction pour exercer, en ses lieu et place, l'action personnelle qui lui appartient. Mais l'action individuelle et l'action syndicale ou collective peuvent coexister dans la mesure où l'intéressé et le syndicat (ou l'ordre) peuvent justifier de préjudices distincts qui donneront lieu à des réparations distinctes.

Par contre, les conditions de recevabilité des constitutions de partie civile des associations sont plus complexes : l'association ne représente pas en effet ses membres et aussi doit-elle justifier à l'appui de son action civile d'un préjudice distinct, collectif, direct, certain et actuel. Toutefois, la Cour de Cassation, qui se tient à une interprétation restrictive de l'article 2 CPP a notamment refusé aux associations à but désintéressé le droit d'intervenir dans des poursuites où seuls des intérêts de principe sont en jeu. Un arrêt du 14 janvier 1971 fait cependant exception en ce qu'il admet qu'une association créée pour conserver la mémoire des personnes décédées dans les camps de déportation subit un préjudice direct et personnel du fait de l'apologie de crime de guerre ; la recevabilité de son action découle, en ce cas, de la spécialité du but et de l'objet de sa mission. Ainsi, il nous faut distinguer selon le type d'association : 

- les associations de chasseurs ou de pêcheurs : on peut retenir, malgré les hésitations de la jurisprudence, que leur action civile n'est recevable que si elle est fondée sur la justification d'un préjudice résultant d'un dépeuplement en gibier ou en poissons, et de l'obligation, pour l'association, d'assurer les frais de repeuplement. Par contre, la jurisprudence demeure encore très partagée sur la recevabilité des constitutions de partie civile de la Société Protectrice des Animaux dans les poursuites pour mauvais traitement à animaux.

- par contre, certaines associations se sont vu reconnaître par la loi la possibilité d'exercer les droits reconnus à la partie civile  dans le domaine des intérêts généraux qu'elles se sont donné pour mission de défendre : Ligues Anti-Alcooliques (lorsqu'elles sont reconnues d'utilité publique et qu'elles interviennent dans les poursuites intentées pour infractions aux dispositions du Code des Débits de Boissons). L'Union Nationale et les Unions Départementales des Associations familiales (relativement aux frais de nature à nuire aux intérêts moraux et matériels des familles) ; les Associations de Défense de la moralité publique (outrages aux bonnes mœurs par voie de la presse et du livre) ; les Associations de lutte contre le racisme (lorsqu'elles sont régulièrement déclarées contre le racisme) ; Associations de lutte contre les violences sexuelles ayant reçu l'accord de la victime (loi du 23 décembre 1980) ; Association pour la défense de l'enfance martyrisée, lorsque l'action a été mise en mouvement par le ministère public ou la partie lésée (loi du 2 février 1981 et loi du 25 juillet 1985) ; Associations combattant les discriminations fondées sur le sexe ou sur les mœurs (loi du 25 juillet 1985)...

            3.2.2. Mise en mouvement de l'action civile

                3.2.2.1. Contre qui ?

L'action civile peut être exercée, non seulement contre l'auteur de l'infraction dommageable, contre ses co-auteurs, mais encore contre ses héritiers ou contre toutes personnes "civilement responsables" dans les conditions fixées par l'article 1384 du Code Civil (responsable civile solidaire des parents en ce qui concerne les délits commis par leurs enfants mineurs non émancipés ; des commettants en ce qui concerne les délits commis par leurs préposés). Il faut ici rappeler que la loi du 31 décembre 1957 attribue aux tribunaux judiciaires compétence pour statuer sur les actions en responsabilité des dommages causés par tout véhicule terrestre et dirigée contre une personne morale de droit public (État, département, commune) ; si l'auteur de l'infraction est un fonctionnaire, l'action civile ne pourra être dirigée contre lui que dans la mesure où la faute reprochée est une faute personnelle.

                3.2.2.2. Comment ?

C'est par une véritable faveur au profit de la victime qui la loi a dérogé aux principes généraux de la compétence en permettant à la partie lésée de porter son action civile devant la juridiction répressive saisie de l'action publique (article 3 CPP), et il en résulte pour la partie lésée une simplification, une économie, et le bénéfice des preuves réunies pour l'exercice de l'action publique. Mais, il est évident que la partie lésée conserve la possibilité de porter son action civile devant la juridiction civile normalement compétente (article 4 CPP) et de cette option ouverte à la victime découlent plusieurs conséquences : 

- l'option de la partie lésée est en principe définitive : la partie lésée qui a choisie la voie civile ne peut plus l'abandonner pour la voie criminelle (article 5 CPP) mais toutefois tant qu'un jugement sur le fond n'est pas intervenu devant la juridiction civile primitivement saisie, la partie lésée pourra abandonner son action devant cette juridiction pour la porter devant la juridiction répressive lorsque celle-ci, dans l'intervalle, a été saisie par le ministère public. D'un autre côté, la partie lésée qui aurait primitivement choisi la voie criminelle pourra toujours y renoncer pour porter son action devant la juridiction civile.

- si la voie civile a été choisie et que par ailleurs, l'action publique a été mise en mouvement devant la juridiction répressive, la juridiction civile doit surseoir à statuer jusqu'à décision définitive sur l'action pénale (article 4 paragraphe 2 CPP), c'est ce principe qu'exprime l'adage "le criminel tient le civil en état". Et lorsque la juridiction répressive aura statué définitivement, le juge civil ne pourra contredire la décision pénale : c'est la règle de "l'autorité au civil de la chose jugée au criminel".

D'autre part, en ce qui concerne la constitution de partie civile, il convient de distinguer suivant que l'action publique a été préalablement mise en mouvement ou au contraire ne l'a pas été (il va de soi que l'action civile portée devant la juridiction civile obéit aux règles ordinaires de la procédure civile) :

- si l'action publique n'a pas été préalablement mise en mouvement, la partie lésée aura la possibilité de mettre elle-même l'action publique en mouvement soit par citation directe soit par plainte avec constitution de partie civile. La citation directe ne peut être utilisée que devant le tribunal correctionnel ou le tribunal de police, puisque les crimes doivent obligatoirement faire l'objet d'une information judiciaire préalable. La citation est régularisée par acte d'Huissier conformément aux dispositions des articles 550 et suivants CPP. Quant à la plainte avec constitution de partie civile, elle a pour effet de saisir le juge d'Instruction ; cette procédure ne peut être utilisée qu'en matière de crime ou de délit et ne serait pas recevable en matière de contravention (article 85 et suivants CPP). Le juge d'Instruction saisie doit ordonner communication de la plainte au Procureur de la République, si la plainte est insuffisamment motivée ou insuffisamment justifiée par les pièces produites, le Procureur de la République pourra requérir "qu'il soit provisoirement informé contre toutes personnes que l'instruction fera connaître".

- La constitution de partie civile, qu'elle ait lieu par voie de citation directe ou par voie de plainte devant le juge d'Instruction doit respecter 2 conditions : 

* d'une part la partie civile qui ne bénéficie pas de l'aide juridictionnelle doit préalablement consigner au greffe de la juridiction la "somme présumée nécessaire pour les frais de la procédure", et cette consignation est obligatoire à peine d'irrecevabilité de la constitution de la partie civile, chaque fois que l'action de la partie civile n'est pas jointe à l'action préalable du ministère public ; le montant de la consignation est fixé, selon le cas, par la juridiction saisie à la première audience où l'affaire est portée (article R 241) ou par ordonnance du Juge d'Instruction et un supplément de consignation peut être exigé en cours de poursuite s'il apparaît nécessaire.

* d'autre part, la partie civile qui n'est pas domiciliée dans le ressort de la juridiction saisie est tenue d'y faire élection de domicile par acte passé au greffe de cette juridiction ; cette élection de domicile n'est pas inscrite à peine d'irrecevabilité et son absence aura seulement pour conséquence de priver la partie civile de la possibilité de se prévaloir du défaut de signification des actes qui auraient dû lui être signifiés aux termes de la loi (article 89 CPP).

- la mise en mouvement de l'action publique déjà signalée, la constitution de partie civile a pour conséquence de conférer à la victime la qualité de "partie au procès" d'où les effets suivants :

* interdiction d'être entendu comme témoin ; la partie civile ne peut être entendue qu'à titre de simple renseignement, sans protection de serment.

* la partie civile ne peut être interrogée par le juge d'Instruction, ni confrontée avec l'inculpé en dehors de la présence de son conseil à la disposition de qui la procédure aurait dû être mise 24 h au plus tard avant chaque interrogation.

* la partie civile peut faire appel des ordonnances de Juge d'Instruction de non informer, de non lieu, et des ordonnances faisant grief à ses intérêts. Elle peut aussi faire appel des jugements des Tribunaux correctionnels ou de Police en ce qui concerne ses intérêts civils.

* par suite de sa qualité de partie au procès, la partie civile qui succombe dans sa demande peut être condamnée aux dépens du procès.

* en vue d'éviter les constitutions de partie civile abusives ou téméraires, l'article 91 CPP prévoit la possibilité pour l'inculpé ou pour toute personne qui avaient été visée dans la plainte d'exercer une action en responsabilité contre le plaignant lorsque l'information suivie sur sa plainte sera clôturée par une décision de non lieu.

- si l'action publique a été préalablement mise en mouvement, la partie civile se constituera devant la juridiction saisie de l'action publique, soit par déclaration, soit par conclusions. Devant l'une quelconque des juridictions (Cour d'Assises, Tribunal Correctionnel, Tribunal de Police), la constitution de partie civile peut juridiction saisie, pendant l'infraction poursuivie et contenant élection du domicile dans le ressort du tribunal saisi si la partie civile n'y a pas son domicile réel ; cette déclaration est transmise, par le greffier au ministère public, qui fera alors citer la partie civile pour le jour de l'audience. Pendant l'audience, la constitution s'effectue par déclaration consignée par le greffier ou par dépôt des conclusions ; le ministère d'avocat n'est pas obligatoire (article 418 paragraphe 2 CPP) et pour être recevable, la constitution de partie civile doit intervenir avant les réquisitions du ministère public sur le fond (article 421 CPP). On notera enfin que la constitution de partie civile ne peut être formée pour la première fois en appel, cette solution étant dictée par le principe du double degré de juridiction.

            3.2.3.  Extinction de l'action civile

                3.2.3.1. Causes tenant à la même nature de l'action

Du fait qu'elle est une action privée, en réparation d'un préjudice, l'action civile peut être éteinte pour des raisons tenant à sa nature même : par exemple, le paiement ou ses équivalents (compensation, remise de dette, novation), la transaction, la renonciation, le désistement, la chose jugée sur l'action civile.

Mais, de ce que l'action civile a sa source dans une infraction et possède de ce fait un lien avec l'action publique découlent 2 conséquences

- le droit d'option cesse et l'action civile ne peut plus être exercée que devant la juridiction civile lorsque l'action publique se trouve éteinte.

- le droit d'option cesse également lorsqu'il a été statué sur l'action publique devant la juridiction répressive compétente (sous réserve des règles particulières à la procédure simplifiée en matière de contravention).

En matière de contravention, si l'ordonnance pénale intervient avant toute manifestation de la partie civile, 2 situations peuvent se présenter

- ou bien la victime cite le prévenu après que l'ordonnance pénale soit devenue définitive : le tribunal de Police statuera sur la seule action civile.

- ou bien la victime cite alors que l'ordonnance est frappée d'opposition par le prévenu ou par le ministère public : en ce cas, le Tribunal statuera à la fois sur l'action publique et sur l'action civile.

                3.2.3.2. Incidence de la prescription de l'action publique

L'article 10 CPP posait en principe que l'action civile ne pouvait être engagée après l'expiration du délai de prescription de l'action publique. Ce principe traditionnel de droit français était celui de "l'unité ou de la solidarité des prescriptions". Mais, la loi du 23 décembre 1980 a supprimé la solidarité des prescriptions.

Désormais les deux délais sont indépendants.

                3.2.3.3. Incidence de la chose jugée au pénal.

Il convient de distinguer selon que la décision pénale est une décision de condamnation ou une décision d'acquittement.

- s'il s'agit d'une décision de condamnation : il ne restera plus à la victime qu'à prouver que l'infraction ainsi constatée et sanctionnée lui a causé un préjudice pour en obtenir réparation.

- en cas de décision d'acquittement : la juridiction répressive qui aurait été saisie conjointement de l'action publique et de l'action civil ne pourrait que se déclarer incompétente pour statuer sur l'action civile ; seule la Cour d'Assise en vertu de sa plénitude de juridiction, a la faculté de statuer sur l'action civile après acquittement (article 373 CPP). La partie civile aura cependant la possibilité d'interjeter appel en ce qui concerne ses intérêts civiles et la Cour, saisie de ce seul appel, aurait la possibilité de constater l'existence de l'infraction, non pour la sanctionner puisque par hypothèse, elle n'est pas saisie par un appel du ministère public, mais pour asseoir sa condamnation civile. Si l'action civile a été portée seulement devant la juridiction civile, la décision d'acquittement s'imposera au juge civil, en tant que possédant l'autorité de la chose jugée, en ce sens que le Tribunal ne pourra prononcer une décision sur l'existence de l'infraction ou sur son imputabilité qui soit en contradiction avec la décision d'acquittement ; mais la juridiction civile pourra valablement se prononcer sur l'action civile fondée sur une cause juridique distincte de la faute pénale écartée par la juridiction répressive.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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