Lexique Médico-Juridique

 Le Livre d'Or
 

 
 
 

L'organisation Judiciaire

 

I) Les juridictions

On appelle "juridictions", les organes chargés de trancher les litiges au moyen d'une décision à laquelle, dans un sens très large, on donne le nom de jugement. Ces organes sont chargés de "dire de droit".

En France, ce qui ne se retrouve pas souvent ailleurs, l'organisation judiciaire est constituée par deux ordres de juridictions : juridictions de l'ordre judiciaire et juridictions de l'ordre administratif.

    A) Les juridictions judiciaires

Il faut distinguer entre les juridictions qui tranchent les litiges civils et les juridictions répressives. Ces juridictions se subdivisent en juridiction de droit commun (celles qui ont une compétence générale) et celles qui sont dites d'exception (elles ne peuvent connaître que des litiges qui leur sont limitativement attribués par la loi). Toutes ces juridictions sont soumises au contrôle de la Cour de Cassation.

        1.1 Les juridictions civiles

            1.1.1 Juridictions de droit commun

a) La première instance c'est-à-dire au premier degré, nous trouvons les tribunaux de grande instance : à moins d'une disposition légale attribuant compétence à une juridiction d'exception, tous les litiges civils doivent être portés devant le tribunal de grande instance.

Ces tribunaux comprennent des juges (magistrature assise) et des magistrats du ministère public (parquet); seuls les magistrats assis rendent les jugements.

Devant ces tribunaux, les parties sont obligatoirement représentées par un avocat.

b) Les décisions des tribunaux de grande instance peuvent être frappées d'appel : dans ce cas, elles sont portées devant une juridiction de second degré : les cours d'appel.

                1.1.2 Juridictions d'exception

a) Le tribunal d'instance : il ne comprend qu'un juge unique (juge d'instance) et juge des procès civils jusqu'à 7 762.45 euros. Mais sa compétence a été si étendue par la loi que l'on en arrive à lui contester son caractère de juridiction d'exception, d'autant que, sur appel, ses décisions sont portées devant la cour d'appel.

b) Le Tribunal de Commerce : il n'y en a pas partout et là où il y en a pas, c'est le Tribunal de Grande Instance qui statue commercialement. Il est compétent pour les litiges d'ordre commercial ; il est constitué de magistrats élus par les commerçants. Sur appel, les jugements sont soumis à la cour d'appel.

c) Le Conseil des Prud'Hommes : Les Conseils de Prud'Hommes sont chargés de trancher les litiges qui sont nés entre employeurs et salariés à l'occasion de l'exécution des contrats de travail. Ils sont composés, par moitié d'employeurs et pour l'autre moitié de salariés (juridictions paritaires).

d) Le Tribunal Paritaire des Baux Ruraux : Ces tribunaux connaissent des litiges nés de la formation, de l'exécution des baux ruraux. Ils sont composés d'assesseurs élus pour moitié par les bailleurs et pour l'autre moitié par les preneurs et sont présidés par le juge d'instance.

e) Les Tribunaux aux affaires de Sécurité Sociale : Ils sont présidés par un magistrat et composés de juges élus.

        1.2 Les juridictions répressives

             1.2.1. Juridictions de droit commun

L'organisation de ces juridictions repose sur la grande classification des infractions en crimes, délits et contraventions.

a) Les cours d'assises jugent les accusés de crimes. Elles comprennent 3 magistrats professionnels et un jury.

b) Les tribunaux correctionnels jugent les prévenus de délits correctionnels : c'est une formation des tribunaux de grande instance.

c) Les tribunaux de police qui sont composés par les juges d'instance, statuent sur les contraventions.

            1.2.2. Juridictions d'exception

La loi du 4 août 1981 a supprimé la Cour de sûreté de l'État et restitué aux juridictions de droit commun compétence pour connaître de ces infractions sauf exception.

La loi du 21 juillet 1982, relative à l'instruction et au jugement des infractions en matière militaire, a supprimé à son tour, les juridictions militaires en temps de paix. Cependant, les juridictions militaires disparaissent pas totalement : elles sont maintenues en temps de guerre, l'importance de survie de la collectivité nationale l'emportant sur toute autre considération. Du fait de la spécificité de certaines infractions militaires, cependant, 2 juridictions spécialisées au sein même des juridictions de droit commun sont instituées : un Tribunal de Grande Instance, et une cour d'assises (pour connaître, par exemple, des infractions tendant à soustraire leur auteur à ses obligations militaires...).

Il subsiste aujourd'hui les juridictions pénales spéciales pour les mineurs âgés de moins de 18 ans au moment des faits, qui sont soustraits aux juridictions de droit commun.

La juridiction principale est le tribunal pour enfants, compétent pour juger des contraventions de 5ème classe, des délits et des crimes commis par des mineurs âgés de 16 ans au plus.

Le juge des enfants, quant à lui, peut statuer seul. Sa compétence est la même que celle du tribunal pour enfants, mais son pouvoir se limite seulement à des mesures de réduction. Il ne peut infliger de peines.

Enfin, la Cour d'assises des mineurs, connaît des crimes commis par des mineurs âgés de 16 à 18 ans.

        1.3. La Cour d'Appel

La Cour d'Appel statue sur les appels des décisions des juridictions inférieures. Elle rejuge l'affaire.

 1.4  La Cour d'Assises d'Appel

Depuis le 1er janvier 2001, il est possible d'interjeter appel d'une condamnation criminelle devant la Cour d'Assises d'Appel. 

La loi prévoit qu'il ne sera pas possible de remettre en cause un acquittement prononcé en premier ressort et que la Cour d'Assises d'Appel ne pourra pas sur le seul appel de l'accusé aggravé le sort de ce dernier

 1.5. La Cour de Cassation

La Cour de Cassation contrôle l'activité de toute la justice en statuant sur les pouvoirs formés contre les décisions rendues en dernier ressort émanant d'une juridiction de l'ordre judiciaire. 

Elle n'est pas un 3ème degré de juridiction car elle ne se prononce que sur les questions de droit (et non de fait).

 

    B) Les juridictions Administratives

On appelle "juridictions administratives" les organes juridictionnels qui tranchent les difficultés contentieuses de droit public, opposant un administré à une collectivité publique. Les juridictions de l'ordre administratif sont placées sous le contrôle suprême du Conseil d'État : tribunaux administratifs et juridictions administratives d'exception (Cour des Comptes, Cour de Discipline Budgétaire, Conseil Supérieur de l'Éducation Nationale,...).

Il faut noter qu'il est parfois difficile de délimiter le champ des deux ordres de juridiction et lorsqu'un conflit d'attribution prend naissance. Il est nécessaire de lui apporter une solution par le recours à une juridiction qui ait autorité à la fois sur les juridictions de l'ordre judiciaire et sur celles de l'ordre administratif : le conflit est alors porté devant le Tribunal de Conflits.

Le tribunal des conflits est une sorte de juridiction mixte, présidée par le Garde des Sceaux et composée en nombre égal de Conseillers d'État et de Conseillers à la Cour de Cassation. la décision ne porte que sur la compétence et non sur le fond du litige.

Lorsqu'un tribunal judiciaire se déclarera à tort compétent, la procédure de conflit se déroulera en 2 temps. Tout d'abord, élévation du conflit : c'est au commissaire du gouvernement (exemple : préfet) qu'est dévolu le soin d'élever le conflit et il le fera en adressant au ministère public de la juridiction saisie un déclinatoire de compétence. Si cette juridiction fait droit au déclinatoire, le conflit se trouve évité et la procédure pourra être engagée devant la juridiction administrative normalement compétente ; si au contraire, elle passe outre, le jugement sur déclinatoire sera transmis au préfet qui disposera d'un délai de 15 jours pour prendre "un arrêté de conflit" qui entraîne obligation pour la juridiction de surseoir à toute procédure.

En cas de conflit négatif, c'est-à-dire lorsque les 2 ordres de juridiction se déclarent incompétents, c'est le plaideur lui-même qui doit saisir le Tribunal des Conflits par le ministère d'un Avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation et lui déférer les 2 jugements d'incompétence qui ont paralysé son action.

Dans l'état actuel de l'organisation des juridictions administratives, telle qu'elle résulte d'une importante réforme réalisée par le décret du 30 septembre 1953, il convient de distinguer : 

- les tribunaux administratifs, juridiction de droit commun, en matière administrative

- les cours administratives d'appel

- les juridictions administratives d'exception

- le Conseil d'Etat.

        1.1 Les Tribunaux Administratifs

            1.1.1. Composition

Il existe pour la France métropolitaine un certain nombre de tribunaux administratifs ; ils portent le nom de la ville où leur siège est établi et leur circonscription englobe plusieurs départements, à l'exception du Tribunal administratif de Paris dont le ressort est constitué par le seul département de la Seine.

Chacun des tribunaux comprend un président, 2 ou 8 conseillers et 1 ou 2 commissaires du gouvernement. Les membres des tribunaux administratifs ne sont pas inamovibles comme le sont les juges du siège de l'ordre judiciaire : ils sont nommés par le Ministère de l'Intérieur et par le Ministère de la Justice et soumis au contrôle d'une mission d'inspection. Ils sont recrutés parmi les élèves de l'ENA au tour extérieur.

            1.1.2 Compétence

                1.1.2.1 Compétence rationae materiae d'ordre public.

Les tribunaux administratifs ont une compétence pour connaître de tous les litiges ressortissant au contentieux administratif en premier ressort ; on peut poser en règle générale que la compétence du tribunal administratif s'étend à toutes les matières non expressément réservées au Conseil d'État statuant en premier ressort et à certaines juridictions d'exception administratives.

D'autre part, selon une jurisprudence (arrêts GILLOT (1945), ASTIE (1947), ETS RATLE (1950) COMMUNE DE ROCHEREAU (1952)), ces tribunaux ont plénitude de juridiction en ce sens qu'étant juges de l'action, ils sont aussi juges de l'exception et ils peuvent dès lors connaître par voie incidente de questions qu'ils auraient été incompétents pour trancher par voie principale (par exemple : la légalité d'un décret).

                1.1.2.1 Compétence rationae loci

Il est posé en règle générale que, sauf disposition contraire, le tribunal administratif compétent est celui dans le ressort duquel a son siège l'autorité qui a pris la décision attaquée ou signé le contrat litigieux (où le litige a pris naissance).

Mais il existe de nombreuses dérogations minutieusement établies.

Toutefois, il faut noter une remarque très importante : alors qu'en matière de procédure civile, les parties pouvaient déroger aux règles de compétence territoriale par l'établissement de clauses attributives de compétence, la compétence territoriale des tribunaux administratifs est d'ordre public : il s'ensuit que le tribunal administratif doit opposer, même d'office, son incompétence, excepté en matière de marchés, contrats ou concessions si la dérogation a été prévue avant la naissance du litige.

        1.2. Les Cours Administratives d'Appel

Afin de désengorger le Conseil d'État, la loi du 31 décembre 1987 a réformé le contentieux administratif en créant les Cours administratives d'appel.

            1.2.1 Organisation des cours administratives d'appel

On compte 5 cours qui sont situées à Bordeaux, Nancy, Nantes, Lyon et Paris. Elles comprennent 3 ou 4 chambres.

Les affaires sont jugées soit par une chambre soit par la cour administrative d'appel en formation plénière qui délibèrent en nombre impair. Les séances sont publiques.

            1.2.2 La compétence

                1.2.2.1 La compétence d'attribution

Les cours administratives d'appel sont en principe, compétentes pour les appels interjetés à l'encontre d'un jugement du Tribunal administratif. Le recours devant la Cour administrative d'appel n'a pas d'effet suspensif sauf si la cour en décide autrement.

                1.2.2.2 La compétence territoriale

La cour administrative d'appel territorialement compétente est celle dans le ressort de laquelle à son siège le tribunal administratif qui a rendu la décision.

Cette compétence territoriale est d'ordre public.

        1.3 Les juridictions administratives d'exception, spécialisées

Elles relèvent du Conseil d'État soit par l'appel ou soit par le pourvoi en cassation.

Leur compétence se limite à des domaines très spécialisés.

Les juridictions sont très nombreuses (entre 30 et 40), ceci du fait de la diversité des tâches administratives sans aucun doute.

            1.3.1 La Cour des comptes

Chargée de juger les comptes des comptables publics qui pour être libérés envers le Trésor, doivent obtenir un arrêt de quitus reconnaissant la régularité de leur gestion.

Depuis la loi du 10 juillet 1982 et du décret du 22 mars 1983, il existe en outre des chambres régionales des comptes, qui ont pour mission de vérifier les comptes des comptables publics locaux.

            1.3.2 La Cour de Discipline Budgétaire

Chargée de juger la responsabilité pénale encourue par toutes personnes participant à des opérations se rapportant à l'exécution du budget.

            1.3.3 Le Conseil Supérieur de l'Éducation Nationale

Juge d'appel des jugements rendus en matière contentieuse ou disciplinaire par des conseils académiques ou les conseils d'Université.

            1.3.4 Autres juridictions

Il existe encore une quarantaine d'autres juridictions administratives ayant le plus souvent le caractère de commissions statuant en matière contentieuse ou disciplinaire.

        1.4. Le Conseil d'État

            1.4.1 Composition

Le Conseil d'État constitue un corps hiérarchique : il comprend un vice président, des présidents de section, des conseillers d'État en service ordinaire, des conseillers d'État en service extraordinaire, des maîtres des requêtes et des auditeurs. Les assemblées générales sont en principe présidées par le Garde des Sceaux.

L'organisation du Conseil d'État est conditionnée par la nature de ses attributions. Il a en effet des attributions en matière administrative et législative et des attributions contentieuses.

            1.4.2. Compétence

                1.4.2.1. Compétence administrative et législative

Les fonctions administratives comprennent 4 sections : section de l'intérieur, section des finances, section des travaux publics et section sociale. Il existe en outre une commission permanente chargée de l'examen de projets d'ordonnance et de décrets en cas d'urgence.

                1.4.2.2 Compétence contentieuse

Le Conseil d'État présente cette particularité d'être selon le cas, juge de 1ère instance, juge d'appel ou juge de cassation. Il joue donc un rôle différent de la Cour de Cassation.

a) Il est juge en premier et dernier ressort (cas exceptionnel)

- des recours pour excès de pouvoir formés contre les décrets réglementaires ou individuels

- des recours en annulation formés contre tous les décrets (y compris les oppositions aux changements de noms prononcés en vertu de la loi du II germinal an XI)

- des litiges relatifs à la situation de fonctionnaires nommés par décret.

- des recours dirigés contre les actes administratifs dont le champ d'application s'étend au-delà du ressort du tribunal administratif et des litiges administratifs nés hors des territoires soumis à la juridiction des tribunaux administratifs.

- des recours en interprétation et des recours en appréciation de la légalité des actes dont le contentieux relève du Conseil d'État.

b) Il est juge d'appel de certaines décisions rendues en premier ressort par les juridictions administratives.

c) Il est juge de cassation pour les décisions rendues en dernier ressort par les juridictions administratives, notamment contre les décisions de toutes les juridictions administratives d'exception et les décisions des Cours administratives d'appel. A ce titre, le Conseil d'État est alors appelé à jouer un rôle exactement comparable à celui de la Cour de cassation, en matière judiciaire.

        1.5 Le recours contentieux

Le vocable "recours contentieux" désigne l'action en justice formée par le justiciable devant une juridiction administrative.

Il convient donc de distinguer le recours contentieux du recours gracieux ou hiérarchique qui consiste en la demande formée par un administré auprès de l'administration pour solliciter l'accomplissement d'un acte, la révision d'une décision antérieurement prise...

Selon l'objet de la demande, on distingue traditionnellement 4 types de recours contentieux 

- le contentieux de pleine juridiction

- le contentieux de l'annulation

- le contentieux de l'interprétation

- le contention de la répression

Le recours dans l'intérêt de la loi est réservé par la jurisprudence au ministre à l'encontre des décisions contentieuses et administratives définitives.

            1.5.1 Le contentieux de pleine juridiction

Les cas de contentieux de pleine juridiction sont d'une extrême diversité : 

- contentieux de l'exécution des contrats

- de la responsabilité

- des litiges d'ordre pécuniaire entre l'État et les autres collectivités publiques et leurs agents.

L'exercice de ce recours exige une décision préalable de l'administration qui est portée devant le tribunal administratif (exception pour les travaux publics). Le délai pour réclamer contre les décisions expresses est en principe de 2 mois ; mais tant qu'une décision n'est pas prise, le silence de l'administration (dont la décision implique de rejet) ne fait pas courir le délai et le recours demeure donc ouvert, sauf prescription quadriennale.

C'est le type de contentieux administratif le plus proche de l'action civile ; saisi d'un recours de cette sorte, le juge peut en effet, soit le rejeter, soit annuler la décision administrative, soit prononcer une condamnation pécuniaire contre l'administration.

Le ministère d'avocat est en principe exigé.

            1.5.2 Le contentieux de l'annulation

Le contentieux de l'annulation se distingue fondamentalement du contentieux de pleine juridiction en ce que son objet est l'annulation de l'acte administratif déféré, sans aucune possibilité de réformation de cet acte.

Ce contentieux comprend 2 grandes branches suivant qu'il s'exerce à l'égard d'une décision juridictionnelle (recours en cassation) ou qu'il s'applique à un acte administratif (recours pour excès de pouvoir).

                1.5.2.1 Le recours en cassation

Le Conseil d'État est juge de cassation des décisions des juridictions administratives qui statuent en dernier ressort. Ce ressort est formé dans les 2 mois. 

Le rôle du Conseil d'État est alors de contrôler la légalité et la régularité de la décision du premier juge et de l'annuler s'il découvre une violation de la loi, une incompétence, un vice de forme. La cause est alors renvoyée pour être de nouveau jugée par le juge de fond et le juge de renvoi doit immédiatement adopter la solution de légalité tranchée par le C.E.

                1.5.2.2 Le recours pour excès de pouvoir

Il s'agit d'une création originale du droit administratif français qui permet aux administrés de faire apprécier par le Conseil d'État, la Cour Administrative d'appel ou par le tribunal administratif, la régularité des décisions administratives.

La procédure sur le recours pour excès de pouvoir porte d'une part sur l'examen de sa recevabilité : quatre conditions essentielles sont nécessaires pour la recevabilité du recours.

- l'acte attaqué doit être un acte administratif unilatéral

- l'acte attaqué doit être une décision exécutoire : il faut entendre un acte unilatéral exprimant la seule volonté de l'administration ce qui exclut tout acte de nature contractuelle.

- l'absence de recours parallèle : le recourant ne doit avoir à sa disposition aucune autre voie contentieuse ordinaire pour présenter sa demande.

- intérêt pour agir du requérant.

La procédure porte d'autre part sur les causes d'ouverture du recours pour excès de pouvoir, ce sont : 

- l'incompétence : permet d'annuler toute décision n'émanant pas d'un agent régulièrement investi du pouvoir de la prendre.

- le vice de forme : omission totale ou partielle d'une formalité prévue par la loi.

- le détournement de pouvoir : un agent administratif agit dans un but autre que celui en vue duquel il a été investi de ses pouvoirs.

- la violation de la loi : par exemple le fait de se fonder sur un texte qui n'existe pas.

Tous les moyens doivent être présentés en principe dans le délai du recours, c'est-à-dire en principe 2 mois de la décision (dans le cas où le délai prévu est inférieur à 2 mois, il doit être indiqué dans la notification de la décision) et exposés dans un mémoire. Le silence gardé par l'administration plus de 4 mois après la réclamation équivaut à une décision de rejet et l'intéressé doit former son recours dans les 2 mois de cette décision implicite du sujet. Cependant, si dans les 2 mois une décision expresse de rejet de la réclamation est intervenue, le recourant bénéficie d'un nouveau délai de 2 mois.

            1.5.3. Le contentieux de l'interprétation

Il vise tous les cas où  une juridiction administrative statue sur renvoi de l'autorité judiciaire sur une question préjudicielle d'interprétation d'un acte administratif ou d'appréciation de sa validité. Le juge se cantonne à constater le sens ou la validité d'un acte.

            1.5.4. Le contentieux de la répression

Il se limite à la répression des atteintes, protées à l'intégrité du domaine public, dans la mesure où cette répression n'est pas de la compétence des tribunaux de l'ordre judiciaire. Le juge a alors le pouvoir d'infliger une peine.

            1.5.5 La liaison du contentieux

L'une des particularités de la procédure devant les juridictions administratives est que les différents recours possibles ne peuvent être exercés qu'à la suite d'une décision (sauf en matière de travaux publics).

Cette règle de la décision préalable se rattache à la notion de préliminaire de conciliation et procède à la recherche d'une solution amiable avant la mise en mouvement du recours contentieux. Mais elle peut présenter un danger dans la mesure où l'administration s'abstiendrait de prendre une décision en vue de paralyser le recours. Dans le but d'éviter un tel inconvénient, le décret du 11 janvier 1965 fixe à l'administration un délai de 4 mois pour répondre à la réclamation.

Le silence gardé pendant plus de 4 mois vaudra décision de rejet et le recours contre cette décision implicite sera ouvert à compter de l'expiration de ce délai de 4 mois (l'administré pourra faire preuve du dépôt de sa réclamation par tout moyen).

Le délai pendant lequel le recours contre la décision expresse ou implicite peut être exercé a été fixé en principe à 2 mois. Ce délai de 2 mois part :

- soit du jour de la notification ou de la publication de la décision

- soit du jour d'expiration du délai de 4 mois.

Ce délai peut être prorogé (application des articles 640 et suivants du NCPC) : le recourant peut demander le relèvement de la forclusion en cas de motifs graves et légitimes d'empêchement.

Par ailleurs, en matière de plein contentieux, l'intéressé ne sera forclus qu'après un délai de 2 mois à compter du jour de la notification d'une décision expresse du rejet. Il s'ensuit qu'à partir de l'expiration du délai de 4 mois valant décision implicite de rejet, le recourant sera recevable dans son recours, quel que soit le moment où il l'exercera tant qu'une décision expresse ne sera pas intervenue.

Le texte précise enfin que les délais de recours inférieurs à deux mois devront, à peine de nullité, être mentionnés dans la notification de la décision.

Si dans les 2 mois suivants, une décision implicite de rejet (par expiration du délai de 4 mois) survient une décision expresse, un nouveau délai de 2 mois partira de la date de notification de cette décision.

Le délai de recours peut être interrompu par divers événements auxquels la jurisprudence reconnaît un caractère interruptif tels :

- une demande d'aide judiciaire (article 29 déc - 1er septembre 1972)

- un recours gracieux

- un recours devant une juridiction incompétente rationae loci.

        1.6. Les voies de recours

            1.6.1 Contre les décisions du tribunal administratif    

- le tierce opposition (l'opposition est supprimée)

- l'appel devant la Cour administrative d'appel : le délai d'appel est de 2 mois et court contre toute partie à l'instance, à compter du jour où la notification a été faite par le secrétaire greffier ou a été signifié par ministère d'huissier.

Tous les jugements rendus par le Tribunal administratif peuvent être frappés d'appel en principe, quelle que soit l'importance de l'affaire.

L'appel n'a pas d'effet suspensif.

            1.6.2. Contre les décisions de la Cour administrative d'appel

- l'opposition contre les décisions rendues par défaut : elle doit être formée dans le délai de 2 mois à compter de la notification de la décision par défaut

- le pourvoi en cassation contre un jugement ou un arrêt rendu en dernier ressort doit être porté devant le Conseil d'État.

- le recours en rectification d'erreur matérielle lorsqu'un arrêt est entaché d'une erreur matérielle susceptible d'avoir exercé une influence sur le jugement de l'affaire.

            1.6.3. Contre les arrêts du Conseil d'État

- l'opposition contre les décision rendues par défaut :  elle doit être formée dans le délai de 2 mois à compter de la notification de la décision par défaut

Contrairement, aux règles du droit judiciaire privé, l'opposition n'a pas de caractère suspensif sauf s'il en a été autrement ordonné.

- la tierce opposition

- le recours en révision, prévu dans des cas particuliers (décision rendue sur pièces fausses, inobservation de certaines formalités)

- le recours en rectification d'erreur matérielle qui doit être présenté dans les 2 mois.

 

    C) Les actes de procédure et les délais

        1.1 Valeur comparée de l'acte et de la lettre recommandée

Il existe une très grande variété d'actes de procédure : les actes des juges, ceux accomplir par les auxiliaires de justice ; huissiers de justice, greffiers... Les actes d'huissier de justice doivent remplir les conditions exigées par les articles 648 et suivants NCPC. Au point de vue des nullités pour vice de formes, celui qui l'invoque doit rapporter la preuve du grief qui lui cause l'irrégularité (article 114 à 121 NCPC).

Mais s'il est une question d'un intérêt sans cesse renaissant, c'est la substitution de la lettre recommandée à l'acte dans certaines procédures modernes. C'est pourquoi, il convient d'insister sur les inconvénients réels et graves pour une bonne administration de la justice de l'emploi de la lettre recommandée. La lettre recommandée présente un certain nombre d'inconvénients et d'incompatibilités importants 

a) pour les actes à signifier dans un court délai : par exemple les référés.

b) pour les délais légaux ou conventionnels : qu'il s'agisse de voies de recours (appel) ou de manifestations de volonté (congé donné à un locataire), le justiciable ne peut, avec la lettre recommandée, bénéficier de l'intégralité du délai. Pour être certain, qu'elle sera remise en temps utile, il doit en effet la poster un certain temps à l'avance pris sur le délai auquel il a normalement droit.

c) pour des conditions de délivrance : les changements d'adresse modifiant la compétence territoriale ainsi que les délais entraîneront des difficultés manifestes et graves. Sans parler de la possibilité de grèves des PTT ou des transports qui acheminent le courrier. Enfin, les fautes et retards dans la délivrance, sont inévitables du fait de l'impossibilité de rectification et de redressements immédiats.

d) la force probante des actes est diminuée par l'accomplissement des formalités par le facteur et susceptible de contestation.

e) irresponsabilité du fait de l'administration qui laisse le justiciable privé de tout recours utile.

Au regard de ces inconvénients et difficultés pratiques, l'acte apparaît comme un mode de signification 

a) rapide et souple : l'huissier de justice, sans être lié par l'horaire d'une tournée postale, peut à tout moment, et sous la seule réserve de l'heure légale (de 6h à 21h), se rendre sur place et signifier. Il peut prendre sur le champ toutes initiatives utiles, parer à toute difficulté rencontrée, solliciter tous renseignements et instructions complémentaires.

b) efficace : cette souplesse rend l'acte efficace. En effet, le justiciable dont les intérêts sont confiés, non à un fonctionnaire pratiquement irresponsable mais à un officier ministériel légitimement soucieux de conserver sa clientèle et de la satisfaire, de ce fait, toute garantie. Et cette garantie n'est pas illusoire puisque l'huissier de justice est responsable tant au point de vue disciplinaire que pécuniairement des fautes éventuellement par lui commises.

c) sûr : à ces qualités incontestables, il convient d'ajouter la sécurité totale que procure l'acte quant à la preuve de remise de l'acte et quant à la preuve de son contenu.

L'acte est donc la basse de cette bonne procédure qui, suivant Tissier ("le rôle social et économique des règles de procédure civile") est un élément de force, de vitalité, et donne aux citoyens "le sentiment de la sûreté et de la sécurité des droits, la confiance dans le droit".

        1.2. Les délais

La matière des délais est réglementée par les articles 640 à 647 NCPC. Les délais sont calculés en jour (24 heures, de minuit à minuit), en mois ou en années ; mais aussi d'heure à heure (référés).

Lorsque le délai est calculé en jours, celui de l'acte, de l'événement, de la décision qui le fait courir ne compte pas, mais tout délai expire le dernier jour à 24 heures Les délais de procédure sont donc des délais non francs.

C'est ce que stipule l'article 641 NCPC : lorsque le délai est exprimé en jours, le dies a quo ne compte pas ; mais le jour de l'expiration (dies a queem) compte.

Selon l'article 642, le délai qui expirerait normalement le samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé est prorogé jusqu'au premier jour ouvrage.

Les articles 643 et 644 prévoient des augmentations de délais en raison de la distance :

- un mois pour les personnes qui habitent un département d'outre mer

- deux mois pour celles qui habitent à l'étranger.

Enfin, le juge, en cas d'urgence, peut abréger les délais de comparution (article 646 NCPC).

 

    D) Les dépens en matière civile

        1.1 Principe de la condamnation de la partie qui succombe aux dépens

Ce principe est énoncé par l'article 696 NCPC cependant cet article autorise expressément, le tribunal a laissé la totalité ou une fraction des dépens à la charge d'une autre partie que celle qui succombe. D'autre part, il existe des exception à ce principe.

            1.1.1 Immunité des pouvoirs publics

En vertu d'un usage constant, les pouvoirs publics qui succombent dans les procès soutenu en leur nom ne sont pas condamnés aux dépens.

Il en est ainsi lorsque le ministère public a agit comme partie principale dans l'intérêt de l'ordre public ou de l'exécution des lois. Il en est de même, lorsque le préfet agit comme magistrat ou fonctionnaire de l'ordre administratif dans l'intérêt général de la société ( et non lorsque le préfet agit dans un intérêt pécuniaire, par exemple, dans les instances domaniales) et de même pour les mairies ou les administrations publiques.

            1.1.2 Condamnations personnelles des représentants ou mandataires des parties

En principe, pour être condamné aux dépens, il faut être partie au procès, y avoir un intérêt personnel. Cette condamnation ne peut donc être prononcée contre les personnes qui ont figuré dans l'instance pour représenter autoriser ou assister autrui. Toutefois, l'article 697 NCPC apporte une importante dérogation en disposant que : "les avocats, huissiers de justice sont personnellement condamnés aux dépens afférents aux instances, actes et procédures d'exécution accomplis en dehors de leur mandat".

            1.1.3. Frais restant personnels aux parties

Ce sont

a) les dépens de 1ère instance

b) les frais qui seraient jugés frustratoires et ceux nécessités par le fait ou la faute de la partie alors même qu'elle aurait triomphé dans son action. Peuvent être considérés comme frustratoires, les actes ou procédures inutiles, disproportionnés avec l'objet de la procédure. L'article 698 NCPC stipule d'ailleurs que les dépens afférents aux instances, actes et procédures d'exécution injustifiés sont à la charge des auxiliaires de justice qui les ont fait.

c) les faux frais, consultations, frais de voyages autres que ceux prévus aux tarifs.

d) les honoraires des avocats ou représentants. Toutefois, il faut souligner que le juge, s'il paraît inéquitable de laisser à la charge d'une partie les sommes exposées par elle et non comprises dans les dépens peut condamner l'autre partie à lui payer le montant qu'il détermine (article 700 NCPC).

            1.1.4 Division des dépens

Les dépens étant personnels et la solidarité ne se présumant pas, il n'est pas possible en principe de prononcer la solidarité des dépens mis à la charge de plusieurs parties condamnées. Il appartient aux tribunaux de fixer la répartition qui leur apparaîtra justifiée par les circonstances de l'affaire et de la procédure.

        1.2 Étendue de la charge des dépens

a) les frais de procédure proprement dits, tels qu'ils sont fixés par les tarifs en vigueur.

b) les frais d'expédition des actes produits aux débats. Cette question demeure controversée : pour certains, chacun devant faire la preuve du droit qu'il invoque, doit assumer la charge de frais d'expédition des actes qui lui servent de preuve. Pour d'autres, la condamnation aux dépens contient le coût des titres qu'on doit produire comme justifications nécessaires de la demande.

c) les frais d'enregistrement perçus sur les actes produits en cours d'instance (enregistrement en raison de la nécessité de produire ces actes en justice).

d) les droits d'enregistrement perçus sur le jugement.

e) les frais de levée et signification du jugement (sont à la charge toujours de la partie qui succombe, alors même que la décision de condamnation ne l'aurait pas expressément spécifié).

f) les frais d'actes antérieurs à l'engagement de l'instance s'ils sont, selon la formule de la jurisprudence "dans un rapporté étroit et nécessaire avec elle". Il en est ainsi des frais de sommation, de commandement, d'offres réelles, de constat. Il est en ainsi des frais de référés préparatoires et des frais d'expertises ordonnés par le juge des référés, à moins qu'il n'ait été statué définitivement sur la répartition des dépens par le juge des référés.

g) En cas d'appel : les dépens de première instance et d'appel : la répartition des dépens de première instance ne peut être modifiée que dans la mesure où il est fait appel de ce chef et à condition qu'il n'en résulte pas une modification de la situation des parties, qui ne sont ni appelantes ni intimées.

        1.3. La distraction des dépens

La distraction des dépens est une garantie accordée par l'article 699 NCPC à l'avoué ou à l'avocat qui a fait des avances, sans avoir reçu provision, en ce sens qu'elle lui permet de poursuivre directement sur la partie qui succombe le renouvellement de ses frais.

- Elle lui accorde une action personnelle et directe contre la partie perdante qui ne saurait, pour y faire échec, se prévaloir des exceptions qu'elle pourrait être en mesure d'opposer au client de l'avoué ou avocat bénéficiaire.

- Elle permet de prendre hypothèque sur les biens du débiteur des dépens.

Le bénéfice de la distraction des dépens n'exclut pas, pour l'avoué ou l'avocat, la possibilité de réclamer ses frais à son client.

La distraction de dépens ne peut résulter que d'une décision prononçant condamnation et n'est admise que dans les instances où le ministère de l'avocat ou de l'avoué est obligatoire.

 

II) Les magistrats

    A. Les principes généraux

        1.1 La professionnalité des juges

            1.1.1 La règle

L'expérience révolutionnaire de l'électorat a été particulièrement décevante. Elle a conduit à revenir à un corps de magistrats professionnels dans un souci de compétence et surtout d'indépendance.

L'électorat altère l'indépendance du juge. L'expérience révolutionnaire a même conduit à renoncer à cette forme anodine de justice non professionnelle : le jury. Au moment de la révolution, il avait été question d'instituer le jury devant les juridictions civiles. Cette extension du jury, on y a renoncé malgré l'administration pour le système anglais. En effet, on a vite compris que l'intervention de profanes peut se concevoir en matière pénale car, dans l'application de la loi répressive, on peut s'adresser à des profanes car il s'agit de l'appréciation des circonstances de fait ("intime conviction"). Il n'en est pas de même en matière civile, car il faut résoudre des problèmes juridiques en fonction d'un système de preuves légales.

            1.1.2. Les atténuations de la règle

Elles concernent essentiellement les juridictions d'exception. Celles-ci se caractérisent par le fait qu'elles ne comportent aucun magistrat de carrière. Ainsi, le tribunal de commerce et le conseil de prud'hommes sont formés de juges désignés par la profession (cependant, en conseil de prud'hommes, le juge départiteur est magistrat du tribunal d'instance).

Une atténuation partielle existe pour les juridictions fonctionnant selon la règle de l'échevinage où des particuliers siègent à titre d'assesseurs d'un magistrat de carrière (ainsi, les tribunaux paritaires des baux ruraux et les commissions de la Sécurité Sociale). La justice en matière commerciale est rendue selon le principe de l'échevinage en Alsace Lorraine.

        1.2. La collégialité des juges

Pendant longtemps, ce principe a été considéré comme le plus caractéristique du système français. Ce principe, on y était attaché parce que, disait-on, la justice était, grâce à lui, mieux rendue : 

- parce que les juges se trouvent éclairés par la confrontation des opinions et la réflexion en commun (le délibéré).

- parce que les juges se contrôlent mutuellement.

- parce que la collégialité était une garantie fondamentale de l'indépendance du juge, cette garantie s'amortissant à un corollaire du principe : le secret du délibéré.

Ce principe de la collégialité se trouve aujourd'hui remis en cause. Tout d'abord, la nécessité d'assurer l'indépendance du juge est apparue moins impérieuse après l'institution du Conseil supérieur de la magistrature. Ensuite, considération d'effectif : le personnel judiciaire ne suit pas dans son augmentation le taux de croissance des affaires à traiter.

Ceci s'est traduit par la généralisation du recours à un juge unique.

C'est le juge d'instance, le juge des référés, le juge des loyers, le juge à l'expropriation et le juge de l'exécution des décisions, le juge aux affaires familiales...

De plus, on a vu, même dans la compétence générale du tribunal de grande instance, se multiplier les audiences à juge unique.

Cette possibilité a été introduite par la loi 70.613 du 10 juillet 1970 modifiant l'ordonnance de 1958 relative à l'organisation judiciaire. Cette loi a permis au président du tribunal de grande instance et aux magistrats délégués par lui de décider qu'une affaire civile portée devant le tribunal de grande instance serait jugée par un seul juge. Cette possibilité n'est écartée que dans 2 domaines : les affaires disciplinaires et en matière de l'état des personnes. Cette faculté se trouve tempérée par la règle suivante : la possibilité d'un renvoi à la formation collégiale à la demande de l'une des parties sans que celle-ci ait à la motiver. Ce renvoi peut également être ordonné par le président du tribunal ou par un juge délégué à la demande du juge unique chargé de l'affaire.

Enfin, il existe une autre formation à juge unique : "le juge des plaidoiries". C'est une institution introduite en procédure civile à l'initiative d'une pratique suivie devant le tribunal de commerce de Paris. Ce juge va tenir une audience, seul, audience où il entendra les plaidoiries des 2 avocats, avec leur accord, il rendra ensuite compte des plaidoiries au tribunal de grande instance en la formation collégiale, c'est-à-dire, aux 2 autres magistrats avec lesquels il va tenir le délibéré.

        1.3. Les magistrats du siège et du parquet

Distinction fondamentale entre siège et parquet

- Magistrats du siège : ceux qui ont pour mission de juger ; ainsi appelés parce qu'à l'ouverture de l'audience, ils montent sur le siège et demeurent assis.

- Magistrats du parquet ou magistrature debout : le ministère public se lève pour développer ses réquisitions. Ceci tient à des considérations historiques (origines venant des anciens procureurs du roi). Le procureur roi était à l'origine l'avocat chargé de défendre les intérêts du roi, propriétaire du domaine royal. Comme tout avocat, il se tenait debout sur le parquet devant le tribunal, d'où l'expression actuelle de magistrats du parquet.

Cette distinction n'empêche pas l'appartenance à un même corps et la soumission sous réserve de différences de détails, à un statut unique : ordonnance 58.1270 du 22 décembre 1958 portant "loi organique sur le statut de la magistrature" (cette ordonnance a été plusieurs fois modifiée). La dernière modification importante date de la loi organique du 25 février 1992.

 

    B. Les magistrats du siège

        1.1 Statut

Statut dominé essentiellement par le souci de leur assurer une complète indépendance. Ce souci se manifeste à 3 points de vue : 

- assurer aux magistrats des garanties de carrière afin de les soustraire éventuellement à l'influence du pouvoir.

- protéger les magistrats contre eux-mêmes en leur évitant de se trouver dans des situations où leur impartialité ou intégrité pourraient être mises à l'épreuve.

- protéger les magistrats contre la rancune d'un plaideur mécontent.

            1.1.1 Les garanties de carrière

                1.1.1.1 Le principe de l'inamovibilité des magistrats du siège

Ce principe fondamental signifie qu'un juge ne peut faire l'objet d'une mesure individuelle quelconque prise à son encontre par le gouvernement (révocation, déplacement...), en dehors des cas et conditions prévues par la loi.

Ce principe apparaît véritablement comme la garantie d'une bonne justice, et comme une protection contre l'influence du pouvoir exécutif. Si le pouvoir pouvait, en effet, muter à son gré un magistrat, ce serait pour lui un véritable moyen de pression, obligeant le juge à infléchir son jugement dans un sens donné.

Ce principe figure dans la Constitution elle-même, à son article 4 : "le magistrat du siège ne peut recevoir sans son consentement, aucune affectation nouvelle, même en avancement".

Cette inamovibilité ne doit pas instituer une catégorie privilégiée de fonctionnaires. Si une faute grave est commise, l'inamovibilité n'est pas un obstacle aux mesures individuelles destinées à sanctionner le juge coupable. Toutefois, il ne faut pas non plus que les juges soient l'objet de mesures arbitraires attentatoires à leur indépendance. C'est pourquoi, la discipline des magistrats de l'ordre judiciaire est réglementée par l'ordonnance du 22 décembre 1958.

                1.1.1.2 Les règles d'avancement

Simplifiées par l'ordonnance de 1958 supprimant toute une série d'échelons successifs avec équivalences. L'ensemble du corps judiciaire se trouve englobé dans 3 sphères déterminées : 

- 2 grades pour les magistrats des cours et tribunaux

- 1 catégorie dite HH (Hors Hiérarchie) pour postes élevés.

Pour passer du second grade au premier grade, il faut être inscrit au tableau d'avancement.

Désormais, les hauts magistrats et les représentants de toutes les catégories sont élus à 2 degrés. Chaque année, étude des propositions des chefs de cours et arrêt de la liste d'aptitude et du tableau d'avancement sont publiés au JO du 31 décembre de chaque année, après communication au Conseil Supérieur de la magistrature.

Pour les Hors-Hiérarchie, ce sont les présidents  des chambres de Paris, les présidents des tribunaux de grande instance de Paris et des tribunaux périphériques, les conseillers de cassation et les présidents des chambres à la Cour de Cassation. Les nominations sont faites sur proposition du Conseil Supérieur de la magistrature.

                1.1.1.3. Discipline des magistrats du siège.

Défaillance possible, révélée par le supérieur ou lors d'une inspection générale des services judiciaires. Le Garde des Sceaux peut toujours déléguer un haut magistrat pour procéder à une enquête.

La possibilité d'une sanction disciplinaire pourrait être l'occasion d'une pression du pouvoir d'où des précautions prises pour que les règles disciplinaires sanctionnent effectivement des manquements déontologiques.

Quelles sont les fautes relevables ?

Le magistrat peut manquer à ses obligations professionnelles 

- 2 infractions pénales : la violation du secret professionnel ou violation du secret de l'instruction.

- le déni de justice : infraction qui consiste pour un juge à ne pas rendre le jugement (art 4 du Code Civil : "le juge qui refusera de juger sous prétexte du silence... de la loi pourra être poursuivi comme coupable de déni de justice")

- un magistrat peut ne pas respecter les devoirs en son "état". Un magistrat est tenu à des devoirs particuliers sur le plan de l'honneur, de la délicatesse, de la dignité y compris de sa vie privée. C'est là une règle traditionnelle.

- un magistrat peut manquer à la réserve qu'impose sa fonction : Art 10 statut de la magistrature qui interdit toute démonstration de nature politique incompatible avec la réserve que leur impose leur fonction.

Quelles sont les mesures disciplinaires ?

Par ordre de gravité, selon l'importance de la faute : 

- réprimande avec inscription au dossier

- déplacement d'office

- retrait de certaines fonctions

- abaissement d'échelon

- la rétrogradation

- mise à la retraite d'office ou l'admission à cesser ses fonctions

- révocation avec ou sans suspension du droit à la pension.

NB : Un simple avertissement des premiers présidents peut attirer l'attention des magistrats placés sous ses ordres, sur les faits de nature à perturber le bon fonctionnement du service (sans constituer une faute disciplinaire). L'avertissement ne constitue pas une sanction disciplinaire.

Enfin, l'interdiction constitue une mesure d'attente jusqu'au jour où la juridiction disciplinaire se sera prononcée.

L'action disciplinaire est portée devant le Conseil supérieur de la magistrature

1.1.2. Les garanties en faveur des magistrats contre eux-mêmes

On distingue 3 situations gênantes pour le magistrat :

- incompatibilité

- interdiction

- incapacité

                1.1.2.1 L'incompatibilité

Situation qui oblige le magistrat à cesser d'exercer au moins temporairement.

- Fonctions publiques : activités professionnelles ou salariées que la loi considère comme incompatibles. Ainsi, le négoce est interdit, la médecine.

- Mandats ou fonctions politiques : le magistrat élu est mis en congé.

La loi organique sur le statut de la magistrature permet au magistrat d'appartenir à un cabinet ministériel. Il est alors en position de mise à disposition de ministre.

                1.1.1.2. L'interdiction

L'article 10 du statut édicte des interdictions différentes des incompatibilités en ce sens qu'il n'y a plus là une option pour le magistrat mais une obligation qui se traduit par d'éventuelles peines disciplinaires s'il la transgresse.

                1.1.1.3 Les incapacités

Les incapacités de plein droit : 

- De portée générale : quand le magistrat remplit les conditions d'incapacité, il lui est interdit de juger un procès quel qu'il soit. Ainsi, quand il existe des liens de parenté ou d'alliance jusqu'au 3ème degré ou des liens conjugaux, des magistrats ne peuvent être membres d'une même juridiction. Ce principe est battu en brèche aujourd'hui comme conséquence de l'ouverture de la carrière judiciaire au personnel féminin depuis 1946. La loi a prévu des dérogations, accordées par décret. Ceci est sans inconvénient dans les grandes juridictions. Même s'il existe une dérogation, on évitera que les 2 magistrats soient à la même audience. D'autre part, on ne peut pas exercer de profession judiciaire dans un ressort où on a été auxiliaire de justice et ce, pendant 5 années. Des considérations de recrutement ont incité les auteurs du projet de loi sur la diminution de la limite d'âge à prévoir des dérogations par décret du garde des Sceaux.

- Incapacités relatives à un procès déterminé : l'incapacité est relative dans la mesure où seul un procès est concerné. Hypothèse où il existe un lien de parenté ou d'alliance entre un des membres du tribunal et un avocat ou un avoué de l'une des parties en cause.

Les incapacités résultant d'une décision judiciaire :

- La récusation : procédure par laquelle un plaideur qui appréhende le défaut d'objectivité d'un magistrat peut le faire écarter de la juridiction saisie de sa cause. Hypothèse exceptionnelle, car quand cette situation se présente, c'est le juge lui-même qui prend l'initiative de se "déporter". La loi prévoit même que peut être récusé le magistrat qui a pris part à un repas avec un plaideur. 

La demande de récusation est examinée par la juridiction saisie. Si la juridiction estime le motif fondé, le magistrat est frappé de l'incapacité de siéger. Si l'on trouve aujourd'hui des récusations en pratique, c'est que certains justiciables veulent récuser toute la juridiction en désignant chacun de ses membres individuellement. L'affaire est alors envoyée devant la juridiction supérieure. Si le motif estimé est fondé, la juridiction supérieure désigne une juridiction du même degré pour connaître le développement de l'affaire. Si la juridiction saisie de la demande de récusation estime que le motif invoqué n'est pas admissible, l'article 353 NCPC permet d'infliger une amende civile au plaideur et la juridiction peut même accorder des dommages-intérêts au magistrat attaqué inconsidérablement.

- Le renvoi : procédure par laquelle un plaideur appréhende la partialité de la juridiction saisie collectivement (article 356 à 366 NCPC).

            1.1.3 Les garanties contre les plaideurs mécontents

Au mieux, un jugement fait un mécontent. La loi a prévu une procédure particulière : la prise à partie, destinée à mieux assurer la responsabilité civile des magistrats sans les exposer à des procédures vexatoires. Le législateur n'a pas étendu au corps judiciaire le système appliqué au corps enseignant. L'article 505 du Code de la Procédure Civile prévoyait 3 cas d'ouverture :

- dol, fraude, concussion, d'une façon générale faute lourde

- le déni de justice

- hypothèse où la loi expressément déclare un juge responsable à peine de dommages-intérêts.

Cet article 505 a été abrogé par la loi du 5 juillet 1972. Il a posé le principe que l'État serait tenu de réparer le dommage causé par le fonctionnement défectueux de la justice en cas de faute lourde ou de déni de justice. L'État garanti ainsi les victimes des dommages causés ; il est civilement responsable, quitte à exercer une action récursoire contre le magistrat.

La prise à partie se fait selon une procédure longue, onéreuse et aléatoire. La procédure commence par une requête en autorisation adressée au premier président de la Cour d'Appel.

                1.1.3.1 Le premier président refuse l'autorisation

Dans ce cas, des dommages-intérêts peuvent être allouées au magistrat visé et même aux autres parties si du fait de la procédure engagée, elles ont subi un dommage. Article 510 du Code de Procédure Civile : le demandeur peut saisir la chambre civile de la Cour de Cassation. Mais, s'il y a confirmation du refus, l'amende est assez élevée.

                1.1.3.2 Le premier président fait droit à la requête en autorisation

Deux éventualités

- Le tribunal saisi de la prise à partie estime qu'elle n'est pas fondée et rejette la prise à partie. Il accord éventuellement des dommages-intérêts au magistrat et autres parties.

- Le tribunal estime qu'il y a eu faute personnelle du magistrat. Celui-ci est condamné à des dommages-intérêts de la part du demandeur. Mais, c'est l'État qui est civilement responsable, quitte à se retourner contre le magistrat. Le jugement rendu conserve cependant toute sa force.

 

    C. Les magistrats du ministère public

Le ministère public a pour rôle de veiller au respect de l'ordre public et à la stricte application de la loi

         1.1 Statut

            1.1.1. L'organisation du ministère public

Jusqu'à récemment, seules les juridictions de droit commun avaient un ministère public à demeure. La loi du 10 juillet 1970 décide que le procureur de la République exerce le ministère public devant toutes les juridictions du premier degré.

- Au tribunal de grande instance : il existe un procureur de la République, assisté éventuellement de procureur-adjoint, substituts et premiers substituts. Le procureur de la République est chef de parquet et à ce titre, dispose de pouvoirs propres. Au sein de son parquet, il dispose d'une grande autorité : ses collaborateurs lui doivent une obéissance complète.

- A la cour d'appel : Procureur général assisté d'avocats généraux et substituts généraux. Il est chef de parquet. Son supérieur hiérarchique, le Garde des Sceaux ne pourrait se substituer à lui.

            1.1.2. Caractères du ministère public

- Le ministère fait partie du corps judiciaire

- Le ministère public est un agent du pouvoir exécutif. Art 5 de l'ordonnance sur statut de la magistrature : les magistrats du ministère public sont placés sous la direction et le contrôle de leur supérieur hiérarchique et sous l'autorité du Garde des Sceaux.

Deux conséquences

Sur le plan de la carrière, un magistrat du ministère public ne bénéficie pas de l'inamovibilité.

- les magistrats du ministère public relèvent du ministre qui peut leur infliger une sanction : rétrogradation, déplacement d'office et radiation avec ou sans pension.

 

- la loi du 17 juillet 1970 et la loi du 25 février 1992 étaient venues apporter des atténuations notables.

* la procédure disciplinaire a été aménagée sur le modèle de celle suivie pour le siège devant le Conseil Supérieur de la magistrature : communication du dossier, désignation d'un rapporteur, audition du magistrat avec éventuellement avocat.

* création de la commission de discipline du parquet comprenant le Procureur général de la Cour de Cassation, un conseiller de la Cour de Cassation, 2 avocats généraux, 12 membres du parquet dont 3 du même grade que le prévenu (les 12 membres sont élus par leurs pairs).

* limitation du pouvoir disciplinaire du Garde des Sceaux

-> quand la commission estime que les faits dont elle a été saisie par le ministère ne comporte pas de faute, la Garde des Sceaux ne peut pas infliger de sanction. Il doit consulter une commission spéciale composée du Premier président de la Cour de Cassation, 3 conseillers, 3 avocats généraux dont la décision s'impose au ministre. Cette décision s'impose aussi à la commission de discipline et au Conseil d'État si le magistrat sanctionné introduit un recours contentieux.

-> la commission spéciale doit obligatoirement être consultée quand le magistrat introduit un recours contentieux.

-> le Garde des Sceaux saisi d'une plainte ou informé des faits paraissant de nature à entraîner des poursuites disciplinaires contre un magistrat du parquet, peut, s'il y a urgence, et sur proposition des chefs hiérarchiques, après avis de la commission de discipline du parquet, interdire au magistrat l'exercice de ses fonctions jusqu'à la décision sur les poursuites disciplinaires. Il s'agit d'une interdiction temporaire qui ne peut être rendue publique (article 58-I créé par la loi du 25 février 1992).

- La loi constitutionnelle du 19 juillet 1993 a modifié le Conseil supérieur de la magistrature qui comprend maintenant 2 formations, une compétente pour les magistrats du siège et l'autre pour les magistrats du parquet. Cette formation donne notamment son avis sur les sanctions disciplinaires concernant les magistrats du parquet. Elle est alors présidée par le procureur général près de la Cour de Cassation.

Le caractère du ministère public sur le plan de l'exercice de ses fonctions

- Article 5 de l'ordonnance sur le statut de la magistrature : en matière civile comme pénale, cette subordination hiérarchique se limite à l'obligation pour un subordonné hiérarchique de déposer des conclusions dans le sens qui lui est imposé. En revanche, à l'audience, il retrouve son entière liberté de parole. Il peut développer des conclusions opposées à celles dictées "la plume est serve, mais la parole est libre".

- L'indépendance vis-à-vis de la juridiction : cette indépendance est à double sens

* le ministère public ne donne pas des ordres à la juridiction. Il procède par voie de réquisitions, requête adressée à la juridiction.

* la juridiction ne peut ni adresser un blâme, ni même un ordre. Le ministère public est libre de conclure sommairement ou non.

- Les magistrats du parquet sont indivisibles, c'est à dire qu'ils sont interchangeables. Au cours des audiences, les magistrats peuvent se relayer.

            1.1.3. Les attributions du ministère public en matière civile

Elles sont très variées car elles débordent le cadre strictement judiciaire. Le ministère public doit veiller à l'ordre public et requérir la bonne application de la loi (tâches administratives comme contrôle de l'État civil, discipline des officiers ministériels, tutelle des avocats et conseils juridiques, surveillance du fonctionnement du secrétariat-greffe, surveillance de la protection des incapables, instruction des demandes d'aide judiciaire...). 

Seules les attributions strictement judiciaires sont traitées ici.

En matière pénale, le ministère est toujours partie principale à l'audience. En matière civile, il est rarement partie principale, il est le plus souvent partie jointe (article 5 du décret du 20 juillet 1972).

                1.1.1.1 Le ministère public, partie principale à l'audience

- Les caractères de son intervention

On dit que le ministère public agit par voie d'action parce qu'il se comporte comme un plaideur ordinaire. Il fait lui-même tous actes de procédure et dans l'ordre qui correspond à sa position de demandeur ou de défendeur au procès (assignation si demandeur, conclusion si défendeur). A l'audience, il parle à son tour. Le premier s'il est demandeur et alors sa présence est obligatoire ; le second s'il est défendeur.

Le ministère public peut intenter toutes les voies de recours ouvertes à un plaideur ordinaire. Une seule différence particulière à l'aspect fiscal du procès : quant au ministère public perd son procès, l'État ne supporte que la charge des frais qu'il a lui-même causés ! Un plaideur ordinaire paierait les dépens.

- Les cas dans lesquels le ministère public procède par voie d'action

Ils résultent de l'article 5 du décret du 20 juillet 1972 qui prévoit une intervention tantôt obligatoire, tantôt facultative.

* Obligatoire : la loi prévoit des cas où le ministère public doit agir d'office au nom de l'État.

* Intervention facultative : en dehors des cas spécifiés par la loi, il peut agir pour la défense de l'ordre public à l'occasion des faits qui portent directement et principalement atteinte à celui-ci

                1.1.1.2. Le ministère public, partie jointe

Le ministère public vient assister le plaideur.

Le ministère public n'est pas tenu d'assister à l'audience civile sauf, s'il doit y déposer des conclusions écrites ou y prendre la parole. Quand il est partie jointe, le procureur de la République parle le dernier après les plaidoiries des avocats. On considère qu'en intervenant, le ministère public formule un point de vue objectif. Il éclaire la juridiction sur le droit. Ses explications vont permettre à celle-ci le droit, car intervenant en dehors de toute contrainte.

Quand le ministère public est intervenu comme partie jointe, les autres parties ne peuvent pas répliquer. Les avocats ne peuvent déposer que des notes en délibéré. Le ministère public, partie jointe, n'est plus un plaideur et donc il ne peut pas exercer de voies de recours. Cependant, la jurisprudence lui reconnaît le droit de faire appel quand la matière du procès lui aurait donné le pouvoir de se porter partie principale.

 

III) Les auxiliaires de justice

C'est l'ensemble des particuliers qui participent au fonctionnement de la justice et dont la profession fait l'objet d'une réglementation légale visant éliminer indésirables et inaptes.

    A. Les avocats

Les professions d'avocats, d'avoués près des tribunaux de grande instance et les agréés près des tribunaux de commerce ont fusionné le 16 septembre 1972 pour former la "nouvelle profession d'avocat" (loi du 31 décembre 1971 et décrets des 21 avril, 9 juin, 13 juillet et 25 août 1972).

        1.1 L'exercice de la profession

            1.1.1 Le rôle de l'avocat

Il s'agit d'un rôle élargi cumulant les anciens rôles des avocats, avoués et agréés.

a) il assiste les justiciables par des conseils, des consultations écrites ou verbales.

b) il représente les justiciables. Après avoir donné des conseils à un client, il peut faire de la procédure en son nom et il est mandataire "ad litem" ; il va engager son client par tous les actes qu'il accomplit en son nom. Si le client est mécontent, il peut révoquer l'avocat, en principe révocation "ad nutum" sous le double correctif :

- les actes d'un avocat révoqué demeurent valables au regard de l'adversaire tant que celui-ci n'a pas été averti officiellement de la constitution d'un autre avocat.

- le client se heurtant au droit de rétention de l'avocat sur le dossier, qui, selon les usages du palais, est fondé à ne le transmettre à son confrère qu'après avoir été intégralement honoré.

Dans le cadre de ce mandat "ad litem", l'avocat postule, il conclut, c'est-à-dire qu'il rédige les écritures et plaide.

c) l'avocat manie les fonds du client à la place de l'avoué. Cette situation nouvelle se traduit par une double incidence

- responsabilité civile

- assurance professionnelle

d) il peut remplacer un magistrat à une audience quand une absence ne peut être comblée.

            1.1.2 Les modalités d'exercice de la profession

                1.1.2.1 La structure du cabinet

L'avocat peut exercer sa profession :

- soit à titre individuel

- soit au sein d'une association, chacun des avocats constituant l'association demeurant responsable vis-à-vis de ses clients. Le contrat d'association doit faire l'objet d'une convention collective.

- soit d'une société civile professionnelle

- soit d'une société d'exercice libéral ou d'une société en participation (loi du 31 décembre 1990 relative à l'exercice sous forme de sociétés des professions libérales).

- soit en qualité de salarié : l'avocat doit indiquer, outre son propre nom, le nom de l'avocat pour le compte duquel il agit. Un contrat de travail doit être rédigé sans porter atteinte au principe déontologique d'égalité entre avocats. L'avocat employeur est responsable des actes professionnels accomplis pour son compte. Les litiges n'est à l'occasion du contrat de travail sont de la compétence du bâtonnier. Le salariat est une innovation pour les avocats (loi du 30 décembre 1990). L'avocat salarié ne peut pas avoir de clientèle personnelle.

- soit en qualité de collaborateur : le contrat de collaboration doit être établi par écrit et indiquer les conditions dans lesquelles l'avocat collaborateur pourra satisfaire aux besoins de sa clientèle personnelle. L'avocat est responsable des actes professionnels accomplis pour son compte par son collaborateur.

                1.1.2.2 Les règles professionnelles

Elles font l'objet des articles 154 à 179 du décret du 27 novembre 1991.

- la publicité est permise à l'avocat dans la mesure où elle procure au public une nécessaire information

- l'avocat est tenu de fixer son domicile professionnel dans le ressort du Tribunal de Grande Instance auprès duquel il est établi.

- l'avocat est tenu au secret professionnel. Il doit notamment respecter le secret de l'instruction en matière pénale, en s'abstenant de communiquer sauf à son client, des renseignements extraits du dossier.

- l'avocat est tenu de déférer aux désignations et commissions d'office sauf motif légitime d'excuse ou d'empêchement.

                1.1.2.3. Sur le plan financier

L'article 8 de la loi du 31 décembre 1871 oblige le barreau à s'assurer soit collectivement, soit individuellement, soit en cumulant les 2 assurances pour les négligences et fautes dans l'exercice des fonctions.

L'article 205 du décret du 27 novembre 1991 a repris cette obligation.

        1.2. L'organisation des barreaux

Il existe un barreau près de chaque tribunal de grande instance, c'est une personne morale de droit public dotée de la personnalité civile. C'est un organisme autonome qui s'administre lui-même après avoir élaboré son propre règlement intérieur, qui dispose d'un patrimoine propre venant surtout des cotisations annuelles de ses membres.

Il existe, au plan national, des liaisons étroites entre les différents barreaux : la conférence des bâtonniers, l'association nationale des avocats, le syndicat national des avocats, l'union des jeunes avocats, le jeune palais et surtout le conseil national des barreaux.

Un barreau comporte 3 organes.

            1.2.1 Organe délibérant

Constitué par l'assemblée générale qui regroupe tous les avocats du tableau et chargée de délibérer à titre consultatif sur tout ce qui intéresse la profession d'avocat.

De plus, il a un rôle important : élection du conseil de l'ordre et du bâtonnier.

            1.2.2 Organe administratif

C'est le conseil de l'ordre. Le nombre des membres est variable en fonction de l'importance de l'assemblée générale. Les membres sont élus pour 3 ans au scrutin. Il est renouvelable par tiers chaque année.

Ce sont des postes brigués par les avocats car le titre est flatteur (majoration des honoraires).

Rôle : 

- se prononcer sur des questions importantes concernant l'ordre, notamment admission au stage et inscription au tableau.

- s'occupe du maintien des principes déontologiques et de la sauvegarde des professionnels.

- gère le patrimoine de l'ordre

- constitue la juridiction disciplinaire au premier degré.

            1.2.3 Organe exécutif : le bâtonnier

Il est élu pour 2 ans au scrutin secret par assemblée générale (élu à la majorité absolue non immédiatement rééligible).

Il est le représentant de l'ordre dans les actes de vie civile, administrative et disciplinaire. Toujours consulté sur les problèmes de la profession, il intervient dans les poursuites contre les avocats, donne son avis dans les contestations d'honoraires.

        1.3. La discipline des barreaux

Se situe sur 2 plans différents

            1.3.1 La discipline proprement dite

Elle concerne la sanction des manquements dont un avocat peut se rendre coupable au regard des règles professionnelles, de la probité, de l'honneur, voire de la délicatesse.

La sanction est prononcée par le conseil de l'ordre. La juridiction disciplinaire est saisie soit d'office, soit par le bâtonnier soit par le procureur général.

Les peines sont énumérées par l'article 184 du décret du 27 novembre 1991. Elles vont de l'avertissement à la radiation.

Décision susceptible d'opposition quand l'avocat a fait défaut et d'appel devant la Cour d'Appel statuant en assemblée générale : appel formé soit par l'avocat sanctionné soit par le procureur général s'il estime la sanction insuffisante.

            1.3.2 La discipline des barreaux où un avocat se rend coupable d'un délit pénal.

Hypothèse d'une attitude injurieuse à l'égard de la juridiction à l'audience : l'avocat va au-delà de ce que permet l'immunité du prétoire. Dans ce cas, manquement instituant une "infraction d'audience".

Les peines peuvent être prononcées par le tribunal, même civil, qui s'érige en juridiction pénale. On fait alors venir le bâtonnier qui peut défendre son confrère.

Les infractions d'audience sont exceptionnelles ; le plus souvent, il y a compromis ; l'avocat présente des excuses.

 

    B. Les officiers ministériels

Ce sont les titulaires d'offices ministériels, c'est à dire de charges, donnant un monopole (nombre limité) acquis avec l'agrément du gouvernement et qui exercent certaines fonctions à titre de monopole.

        1.1 Les avoués près de la Cour d'Appel

Les avoués ont le monopole de la postulation auprès de la Cour d'Appel. Donc, en appel, on trouve toujours avoué et avocat. Ils demeurent soumis à une réglementation (ordonnance du 2 novembre 1945).

Les avoués d'appel sont groupés en une chambre coiffée par une chambre nationale dotée de pouvoirs disciplinaires.

        1.2. Les avocats à la Cour de Cassation et au Conseil d'État

Ces avocats ont le monopole de postulation devant le Conseil d'État et la Cour de Cassation et un monopole de la plaidoirie limité car la procédure est surtout écrite.

Leur statut remonte à une ordonnance du 10 septembre 1872.

        1.3. Les huissiers de justice

Ce sont des auxiliaires précieux. Statut fixé par une ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée à plusieurs reprises.

            1.3.1 Leurs fonctions

Fonctions nombreuses et variées. Parmi elles, distinction s'impose en raison de son incidence sur le plan disciplinaire

- fonctions à monopole

- fonctions sans monopole

                1.3.1.1 Fonctions monopolisées

Ils sont chargés de rédiger des actes de procédure, de les signifier et de procéder à l'exécution forcée des décisions qui s'analysent en un titre exécutoire. Ce sont notamment les saisies.

                1.3.1.2 Fonctions hors-monopole

Les huissiers peuvent être chargés de recouvrir à l'amiable des créances ou d'opérer des constatations matérielles par procès verbal à la demande des particuliers. Ces constatations matérielles peuvent être ordonnées par le tribunal (constats d'audience).

Ils procèdent aux ventes publiques mobilières dans les circonscriptions où il n'existe pas de commissaire-priseur.

            1.3.2 Le statut des huissiers

Ce sont des officiers ministériels qui doivent justifier d'un examen professionnel. Ils doivent justifier d'une bonne moralité et être admis par le tribunal auprès duquel ils fonctionnent.

Pour des raisons de convenance, la loi fixe certaines incompatibilités avec le négoce, les missions d'expertise ou encore le fait d'être titulaire d'un officier ministériel. En revanche, un huissier peut être administrateur d'immeubles, agent d'assurance, secrétaire d'une coopérative agricole, encore faut-il qu'il y soit autorisé par le ministère de la justice.

Quand l'huissier exerce dans les limites de son monopole, il est le mandataire de son client et donc responsable. Pour couvrir cette responsabilité pour les dommages qu'ils pourraient causer par sa faute, il existe la "Bourse commune" organisée par les chambres départementales et qui constitue un fond de solidarité.

        1.4. Notaires

Sa fonction essentielle est de dresser des actes qui présentent la double particularité d'avoir force authentique et force exécutoire. Ces actes sont conservés par le notaire.

A cette fonction, s'ajoute celle de conseil dans l'élaboration de l'acte. L'intervention d'un notaire, même lorsqu'elle n'est pas requise par la loi constitue une garantie incontestable.

        1.5. Commissaires Priseurs

Sa fonction consiste à estimer la valeur ou "prisée" et à procéder à la vente publique aux enchères des meubles et autres effets mobiliers corporels, sauf les ventes d'immeubles, qui ont lieu à la barre du tribunal.

 

    C. Autres auxiliaires de justice

- Les administrateurs provisoires (chargés par le tribunal de commerce d'administrer les sociétés dans certains cas ; par exemple en cas de litiges entre associés).

- Les experts et techniciens

- Les administrateurs judiciaires, mandataires - liquidateurs (remplaçant les syndics).

 

 

 

 

 

 

 

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