L'Organisation Juridictionnelle
1. L'ordre administratif
L'existence d'un tel ordre vise essentiellement deux buts :
- Protection de l'État et des administrés
- Empêcher le pouvoir judiciaire de s'immiscer dans le domaine de l'exécutif alors que la théorie de la séparation des pouvoirs est à la base de notre démocratie. En effet, un pouvoir faible peut se fortifier en faisant appel à une couche sociologique jalouse d'une autre couche et voulant dépouiller la première de ses prérogatives. Ainsi, le pouvoir royal trouva un ferme soutien dans la bourgeoisie contre les grands féodaux, mis ayant aidé à la création d'une nouvelle aristocratie, il se heurta à celle-ci. De même, Robespierre trouva sa force dans les assemblées mais sa perte également ; le régime d'Assemblées des 3ème et 4ème Républiques furent la cause de leur originalité mais aussi de leur perte.
Selon la loi des 16 et 24 août 1790, "les fonctions judiciaires sont et demeureront toujours séparées des fonctions administratives. Les juges ne pourront à peine de forfaiture troubler de quelque manière que ce soit les opérations des corps administratifs, ni citer devant eux des administrateurs pour raison de leurs fonctions".
1.1. Le problème de la compétence
1.1.1. Principes généraux
L'existence d'un ordre de juridiction administrative pose donc le problème de sa compétence et des conflits possibles de compétence avec l'ordre judiciaire. Ce sont le Tribunal des conflits (créé en 1872) et le Conseil d'État, qui, dans les arrêts Blanco (février 1873) et Terrier (6 février 1903), indiquèrent les règles de partage des compétences entre tribunaux de l'ordre administratif et tribunaux de l'ordre judiciaire.
En fait, pour que l'ordre administratif soit compétent, il faut normalement la mise en cause ou l'intervention d'une personne morale de droit public, sauf si un organisme privé reçoit des prérogatives de puissance publique pour l'exécution d'une mission d'intérêt général (arrêt Monpeurt, 31 juillet 1942). Par conséquent, le litige doit normalement se rattacher à l'exécution d'un service public.
Ce service public doit avoir des règles de fonctionnement différentes de celles des entreprises privées, de telle sorte que serait donc théoriquement exclue la compétence de l'ordre administratif pour les litiges relatifs aux services industriels et commerciaux qui fonctionnent comme des entreprises privées (arrêt société de l'Ouest Africain , tribunal des conflits du 22 janvier 1921). Les éléments de distinction seront :
- l'objet du service, son budget, les règles de fonctionnement, les principes posés : continuité, égalité des usagers, prérogatives de puissance publique (clauses exorbitantes du droit commun).
- des procédés de gestion privée ne doivent pas être utilisés volontairement par la personne morale concernée.
Il est maintenant possible d'esquisser les grandes lignes de la compétence des juridictions de l'ordre administratif :
- actes juridiques unilatéraux d'une autorité administrative (ex : arrêtés préfectoraux, municipaux)
- contrats administratifs, soit par détermination de la loi (ex : marché de travaux publics), soit en fonction des critères jurisprudentiels (mission de service public avec clauses exorbitantes du droit commun).
- contentieux de la fonction publique, du domaine public ou encore relatif aux travaux publics exécutés par l'administration.
1.1.2. Exceptions
Notons l'existence de nombreuses exceptions qui relèvent de la compétence de l'ordre judiciaire :
- réparation des dommages causés aux propriétés par les exercices de tir de l'armée
- pouvoirs mettant en cause la responsabilité des communes en cas d'émeute
- contentieux des impôts indirects, de la sécurité sociale, des accidents survenus dans les écoles publiques et ayant leur origine dans une faute de l'enseignant.
- actions pour les dommages causés par des véhicules de l'administration
- connaissance des litiges relatifs au fonctionnement du service public judiciaire
- état des personnes (état civil, mariage, divorce, nom, domicile, nationalité)
- libertés publiques
- propriété privée immobilières
1.1.3. Les conflits de compétence : la compétence du Tribunal des conflits
Le conflit peut être positif ou négatif
- il est positif si le tribunal judiciaire se déclare compétent dans une affaire ressortissant normalement de la compétence administrative.
- il est négatif si juridiction judiciaire et juridiction administrative saisies d'un même litige se déclarent tour à tour incompétentes pour connaître du litige qui leur est soumis.
La juridiction compétente pour trancher ces conflits est le tribunal des conflits composé de 4 conseillers d'État et de 4 conseillers à la Cour de Cassation, le Garde des Sceaux étant le Président. Ce tribunal fait intervenir 4 commissaires du Gouvernement qui donnent leurs conclusions (deux sont pris parmi les Commissaires du Gouvernement au Conseil d'État, 2 parmi les avocats généraux de la Cour de Cassation). Cette procédure de conflit peut être engagée devant toutes les juridictions civiles de droit commun mais jamais en matière criminelle.
Lorsqu'une juridiction de l'ordre judiciaire est saisie d'un litige que l'Administration estime être de la compétence administrative, le Préfet par l'intermédiaire du ministère public auprès de cette juridiction adresse à celle-ci un déclinatoire de compétence qui est un acte lui demandant de se déclarer incompétente. Si la juridiction rejette le déclinatoire, se décision est notifiée au Préfet qui dispose d'un délai de 15 jours pour prendre un arrêté de conflit obligeant la juridiction judiciaire à surseoir à statuer et qui saisit le Tribunal des Conflits. Si ce tribunal annule l'arrêté de conflit, la juridiction judiciaire reprend l'affaire en l'état où elle se trouvait ; s'il y a au contraire confirmation de l'arrêté de conflit, il y a dessaisissement de la juridiction judiciaire.
En cas de conflit négatif, il appartient au plaideur de saisir le Tribunal des Conflits qui annulera le jugement de la juridiction qui s'était déclarée à tort incompétente.
Le tribunal des conflits ne statue que sur la compétence (et non sur le fond).
1.2. Les juridictions administratives
1.2.1 Les Tribunaux administratifs
Ils sont jugés de droit commun en matière administrative.
Ils eurent pour ancêtres les conseils de Préfecture que Napoléon plaça auprès de chaque Préfet et qui étaient chargés d'une part de leur donner des avis, d'autre part, de juger en premier ressort le contentieux administratif. Les décrets lois des 6 et 26 septembre 1926 ont remplacé les Conseils départementaux par des Conseils inter-départementaux et en prévoyant des concours de recrutement. Enfin, un décret loi du 30 septembre 1953 en fit les Tribunaux administratifs et juges de droit commun en matière de contentieux administratif.
Il en existe 25 (au moins un par région) et chaque tribunal administratif comprend un président et au moins 3 conseillers. Cette compétence de droit commun est d'ordre public.
1.2.2. Les juridictions administratives spécialisées
Elles relèvent du Conseil d'État soit par l'appel, soit par le pourvoi en cassation.
Leur compétence se limite à des domaines très spécialisés.
Les juridictions sont très nombreuses (entre 30 à 40), ceci du fait de la diversité des tâches administratives sans aucun doute.
1.2.2.1. La Cour des Comptes
Chargée de juger les comptes des comptables publics qui, pour être libérés envers le Trésor, doivent obtenir un arrêt de quitus reconnaissant la régularité de leur gestion.
Depuis la loi du 10 juillet 1982 et du décret du 22 mars 1983, il existe, en outre, des chambres régionales des comptes, qui ont pour mission de vérifier les comptes des comptables publics locaux.
1.2.2.2. La Cour de Discipline Budgétaire
Chargée de juger la responsabilité pénale encourue par toutes personnes participant à des opérations se rapportant à l'exécution du budget.
1.2.2.3. Autres juridictions
Il existe encore une quarantaine d'autres juridictions administratives ayant le plus souvent le caractère de commissions statuant en matière contentieuse ou disciplinaire.
1.2.3. Les Cours Administratives d'appel
Afin de désengorger le Conseil d'État, la loi du 31 décembre 1987 a réformé le contentieux administratif en créant les cours administratives d'appel.
Dorénavant, les cours administratives d'appel sont en principe compétentes pour les appels interjetés à l'encontre d'un jugement du Tribunal administratif. Le recours devant la cour administrative d'appel n'a pas d'effet suspensif sauf si la cour en décide autrement.
Les affaires sont jugées soit par une chambre, soit par la cour administrative d'appel en formation plénière. Les séances sont publiques.
1.2.4. Le Conseil d'État
Le Conseil d'État a des attributions consultatives, il est souvent obligé de donner son avis en matière législative ou pour des actes réglementaires.
Il a aussi des attributions contentieuses. En premier et dernier ressort, il est compétent pour des litiges limitativement énumérés par la loi. Ils concernent principalement ces litiges jugés trop importants pour être soumis au Tribunal administratif ou alors des litiges difficiles à rattacher à une compétence territoriale.
Le Conseil d'État est juge de cassation à l'égard de toutes les juridictions administratives statuant en dernier ressort.
2. L'ordre judiciaire
L'ordre judiciaire comprend les juridictions civiles et les juridictions pénales.
La juridiction de droit commun est compétente sauf texte contraire alors qu'il faut un texte formel pour la compétence d'une juridiction d'exception. Ainsi le Tribunal de Grande Instance est une juridiction de droit commun alors que le Tribunal de Commerce est une juridiction d'exception.
La juridiction d'exception peut se justifier par la spécialisation des affaires (exemple : commerce, travail) ou encore par le peu d'importance financière des affaires soumises qui nécessitent une juridiction proche du justiciable et au fonctionnement simple.
Quant à la distinction des juridictions de première instance et des juridictions d'appel, elle est fondée sur l'idée d'une justice meilleure à rendre.
Ainsi, une Cour d'Appel comprendra des conseillers spécialisés qui seront à même d'apprécier les jugements rendus en première instance.
2.1. Les juridictions civiles
2.1.1. Les juridictions civiles du premier degré
2.1.1.1. Le Tribunal de Grande Instance
2.1.1.1.1 La compétence d'attribution (compétence rationae materiae).
Le Tribunal de Grande Instance est compétent pour connaître de tous les litiges que la loi n'attribue pas aux autres juridictions.
Dans les affaires personnelles et mobilières, il existe un partage de compétence entre le Tribunal d'Instance et le Tribunal de Grande Instance suivant un taux dit "taux de compétence". Il est actuellement de 10 000 euros. Par conséquent, si le montant de la demande est supérieur à 10 000 euros, le Tribunal de Grande Instance est compétent, s'il est inférieur, le Tribunal d'Instance est compétent.
Les compétences exclusives du Tribunal d'Instance : une compétence exclusive est une compétence attribuée à une juridiction et à elle seule pour connaître d'un type de litiges (et cela quel que soit le montant du litige). Il s'agit notamment des litiges relatifs :
- à l'état des personnes (exemple : filiation, adoption, mariage, état civil. Il est à souligner une exception importante qui est le divorce).
- à la nationalité
- au droit patrimonial de la famille (exemple : régimes matrimoniaux, les successions)
- à la propriété industrielle (exemple : les brevets, les marques)
- au redressement judiciaire et la liquidation judiciaire des personnes morales de droit privé non commerçantes.
Le Tribunal de Grande Instance statue en dernier ressort si le montant de l'affaire est inférieur à 4 000 euros. Il s'agit alors d'un jugement en premier et dernier ressort car l'appel n'est pas possible. Par contre, le pourvoi en cassation reste possible.
Le Tribunal de Grande Instance statue en premier ressort si le montant de l'affaire est supérieur à 4 000 euros. L'appel est alors possible ainsi que le pourvoi en cassation.
Le taux de 4 000 euros est appelé "taux de ressort".
2.1.1.1.2. La compétence territoriale (compétence rationae loci)
En principe, le tribunal du domicile du défendeur est compétent, s'il n'a pas de domicile, c'est le tribunal de sa résidence. Mais, il n'existe de nombreuses exceptions :
Cas dans lesquels la juridiction compétence est spécialement désignée par un texte :
- actions réelles immobilières : compétence du Tribunal de la situation du bien immobilier litigieux (article 44 NCPC).
- actions en matière successorale : compétence du Tribunal du lieu d'ouverture de la succession, c'est-à-dire du décès (article 45 NCPC).
- en matière de changement de régime matrimonial : compétence du Tribunal du domicile des époux.
Cas dans lesquels une option est offerte au demandeur (article 46 NCPC)
- En matière mixte : option entre le Tribunal du lieu de situation de l'immeuble et celui du domicile du défendeur (article 46 alinéa 4 NCPC).
- en matière de réparation de dommage causé par un délit ou un quasi délit : triple option entre le Tribunal du lieu où le fait dommageable s'est produit, celui du domicile du défendeur et celui où le dommage a été subi.
- en matière contractuelle : triple option: Triple option : tribunal du lieu du domicile du défendeur, tribunal du lieu de la livraison effective de la chose ou du lieu de l'exécution de la prestation de service (article 46 alinéa 2).
- en matière de pensions alimentaires et de contribution aux charges du mariage : option pour le créancier d'aliments entre le Tribunal de son propre domicile et celui du domicile du débiteur d'aliments (article 46 in fine).
Mais il existe des exceptions en principe de :
- matière contractuelle, l'article 46 du Nouveau Code de Procédure Civile (NCPC) prévoit une triple compétence :
* le tribunal du lieu du domicile du défendeur
* ou le tribunal du lieu de la livraison effective de la chose
* ou le tribunal du lieu d'exécution de la prestation de service.
- matière délictuelle, une triple compétence est aussi offerte :
* le tribunal du lieu du domicile du défendeur
* ou le tribunal du lieu où le dommage s'est réalisé
* ou le tribunal du lieu où le dommage a été subi.
Remarque : La notion du domicile
L'article 102 du Code Civil édicte que le domicile d'une personne est le lieu où elle a son principal établissement. Par conséquent, étant situé au lieu du principal établissement, le domicile est en principe volontaire. Mais, il peut être légal.
Le domicile volontaire
Il faut pour qu'il soit efficace, deux éléments : l'un est matériel (c'est l'habitation ; le corpus) et l'autre intentionnel (la volonté ; l'animus) et c'est pourquoi on a établi un parallèle entre le domicile et la possession. La preuve de l'intention est souvent difficile à rapporter et c'est dans les circonstances de la cause qu'elle s'induire. C'est une question de fait.
Par contre, la résidence est le lieu où la personne demeure effectivement, lorsqu'elle y est d'une manière habituelle. La résidence peut donc être distincte du domicile. Parfois, elle détermine à titre subsidiaire, la compétence judiciaire territoriale ; parfois elle est retenue au même titre que le domicile est concurremment avec lui, (article 74 du Code Civil : le mariage sera célébré dans la commune où l'un des époux aura son domicile ou sa résidence).
Le domicile légal
La loi fixe le domicile dans les cas variés :
- un mineur a son domicile chez ses père et mère (article 108 du C. Civil) ; quand les père et mère changent de domicile, le domicile d'origine de l'enfant est celui de ses parents au jour de sa majorité, jusqu'à ce que lui-même en acquiert un autre.
- le majeur en tutelle est domicilié chez son tuteur (article 108.3 du C. Civil).
- les juges et les officiers ministériels sont fictivement domiciliés dans le lieu où ils doivent exercer leurs fonctions (article 107 du C. Civil).
- les domestiques logés sont domiciliés chez leurs maîtres (article 109 du C. Civil).
- enfin, les bateliers, forains, nomades sont tenus de choisir un domicile d'attache.
Le Tribunal de Grande Instance est essentiellement une formation collégiale mais le Président du Tribunal de Grande Instance est amené à intervenir seul notamment :
- pour statuer en référé sous les conditions suivantes :
* nécessité de l'urgence
* la mesure sollicitée ne doit se heurter à aucune contestation sérieuse ou être justifiée par l'existence d'un différend au fond.
- pour statuer sur requête :
Son intervention peut être requise, soit dans les cas spécifiés par la loi, soit lorsque doit être ordonnée une mesure urgente si les circonstances exigent qu'elle ne soit pas prise contradictoirement (article 812 NCPC) ; par exemple les commissions d'Huissier pour procéder à des constats, les nominations de séquestre, les remplacements d'expert lorsque le mode de remplacement a été prévu dans la décision ordonnant expertise.
Parmi les cas légaux d'intervention, on peut citer :
- les requêtes en autorisation d'assigner à jour fixe
- les requetés concernant la garde des enfants et la modification de la pension alimentaire après divorce.
- les requêtes tendant à mesure conservatoire (article 48 et suivants NCPC)
- les requêtes en autorisation de saisie-foraine, de saisie revendication
- les requêtes en envoi en possession d'un légataire universel.
La représentation par un avocat est obligatoire devant le Tribunal de Grande Instance
2.1.1.2. La Tribunal d'Instance
2.1.1.2.1. La Compétence d'Attribution
En matière personnelle et mobilière, le Tribunal d'Instance juge en principe des affaires de 4 000 à 10 000 euros (les litiges inférieurs à 4 000 euros étant de la compétence des juges de proximité et ceux supérieurs à 10 000 euros étant de la compétence du Tribunal de Grande Instance).
La Tribunal d'Instance a aussi des compétences exclusives, il reste alors compétent quel que soit le montant de la demande. Mais il existe 3 situations distinctes concernant le taux de ressort :
- les compétences exclusives du Tribunal d'Instance en premier et dernier ressort jusqu'à 4 000 euros et à charge d'appel au-delà. Par exemple :
* les baux d'habilitation et à usage professionnel (sauf demandes de restitution de dépôt de garantie pour lesquelles les juges de proximité sont compétents pour les demandes inférieures à 4 000 euros).
* en matière rurale, pour les dommages causés aux récoltes.
* le contentieux du crédit à la consommation.
- les compétences exclusives du Tribunal d'Instance à charge d'appel (par exemple : l'action en bornage)
- les compétences exclusives du Tribunal d'Instance en premier et dernier ressort (par exemple : les inscriptions sur les listes électorales).
2.1.1.2.2. La compétence territoriale
En principe, le Tribunal d'Instance compétent est celui du domicile du défendeur, à défaut de domicile, sa résidence. Si le défendeur n'a ni domicile ni résidence connus, le demandeur peut saisir la juridiction du lieu où il demeure.
Mais il existe des exceptions en principe :
- En matière contractuelle, l'article 46 du Nouveau Code de Procédure Civile (NCPC) prévoit une triple compétence :
* le tribunal du lieu du domicile du défendeur
* ou le tribunal du lieu de la livraison effective de la chose
*ou le tribunal du lieu d'exécution de la prestation de service.
- En matière délictuelle, une triple compétence est aussi offerte :
* le tribunal du lieu du domicile du défendeur
* ou le tribunal du lieu où le dommage s'est réalisé
* ou le tribunal du lieu où le dommage a été subi.
2.1.1.3. Le juge de proximité
La fonction de juge de proximité a été créée par une loi du 26 février 2003 pour régler les petits litiges de la vie quotidiennes de montant inférieurs à 1 500 euros et permettre de désengorger le Tribunal d'Instance. Cette institution ayant du mal à faire sa place (faute d'un accueil favorable par les avocats et les magistrats), une loi du 26 janvier 2005 est venue réaménager son champ d'action.
2.1.1.3.1. La compétence d'attribution
Les juges de proximité sont compétents en matière civile :
- pour juger des affaires personnelles et mobilières d'un montant inférieur à 4 000 euros et dont ils sont saisis par une personne physique ou une personne morale. Ils statuent alors en dernier ressort.
- pour juger les demandes indéterminées (par exemple : la résolution d'une vente) qui ont pour origine l'exécution d'une obligation dont le montant n'excède pas 4 000 euros. Ils statuent alors à charge d'appel.
- pour prononcer des ordonnances d'injonction de payer dans les limites de leur taux de compétence (4 000 euros) ainsi que pour connaître de la demande d'homologation du constat d'accord formé par les parties à l'issue d'une tentative préalable de conciliation.
2.1.1.3.2. La compétence territoriale
Le ressort territorial des juges de proximité est celui du Tribunal d'Instance. Si aucun juge de proximité n'est encore nommé, c'est le juge d'instance qui statue.
Remarque :
Les juges de proximité sont choisis parmi les personnes qui ont une expérience professionnelle dans le monde juridique. Le dossier est instruit par les chefs de la Cour d'Appel qui après un entretien avec le candidat formulent un avis et le transmettent au Ministère de la justice. Le Garde des Sceaux propose ensuite au Conseil Supérieur de la Magistrature plusieurs candidats pour un poste. Le nomination du juge de proximité fait l'objet d'un décret signé par le Président de la République Il est nommé pour une durée de 7 ans non renouvelable et ne peut pas avoir plus de 75 ans.
La saisine peut être réalisée par simple déclaration au Greffe du Tribunal d'Instance ou par acte d'Huissier. Il n'est pas nécessaire de se faire représenter par un avocat.
2.1.1.4. Le Tribunal de Commerce
2.1.1.4.1. La compétence d'attribution
L'article L 411-4 de l'organisation judiciaire énumère 3 sortes de litiges relevant de la compétence des tribunaux de Commerce :
- les contestations relatives aux engagements entre commerçants, entre établissements de crédit ou entre eux (acte de commerce par nature).
- les contestations relatives aux sociétés commerciales
- les contestations relatives aux actes de commerce entre toutes personnes (théorie de l'accessoire).
Le taux de ressort est de 3 800 euros. Donc l'appel n'est possible que si le montant de la demande est supérieur à 3 800 euros.
2.1.1.4.2. La compétence territoriale
En principe, et sauf disposition contraire, le tribunal de commerce territorialement compétent est celui du lieu où demeure le défendeur (article 42). Mais l'article 46 prévoit dans certains litiges une option :
- En matière contractuelle, le tribunal du lieu de la livraison effective de la chose ou lieu de l'exécution de la prestation de service. Il s'agit donc d'une triple compétence : tribunal du lieu du domicile du défendeur ou tribunal du lieu de la livraison effective ou tribunal du lieu d'exécution de la prestation.
- En matière délictuelle : lieu du fait dommageable ou lieu où le dommage a été subi.
Toutefois les contractants peuvent valablement soumettre les litiges concernant un contrat déterminé à u tribunal autre que celui qui est normalement compétent. En effet, l'article 48 NCPC stipule que toute clause qui directement ou indirectement déroge à la compétence territoriale est réputée non écrite ; mais si elle a été convenue entre commerçants et stipulée d'une manière expresse et très apparente elle est valable. Cette clause est appelée clause attributive de compétence.
Si le vendeur et l'acheteur, tous 2 commerçants, ont inséré dans leurs papiers commerciaux des clauses attributives de compétence à des tribunaux différents, on admet que ni l'une ni l'autre ne produit effet que ces deux attributions contradictoires s'annulent pour ne laisser subsister que la compétence de droit commun.
Par contre, si l'une des parties n'est pas commerçante ou n'a pas fait acte de commerce (acte mixte), il ne peut lui être opposé cette clause attributive de compétence.
2.1.1.5. Le Conseil des Prud'hommes
2.1.1.5.1. La compétence d'attribution
Il est le seul compétent pour les litiges individuels entre un salarié et un employeur à propos d'un contrat de travail.
Le taux de ressort est de 4 000 euros, donc l'appel n'est possible que si le montant de la demande est supérieur à 4 000 euros.
2.1.1.5.2. La compétence territoriale
La compétence territoriale est déterminée par le lieu de situation de l'établissement où s'accomplit le travail ; lorsque le travail s'effectue en dehors de l'établissement, la compétence est déterminée par le domicile du salarié. Mais dans tous les cas, le salarié peut saisir le Conseil des Prud'hommes du lieu de l'engagement ou du lieu où l'employeur est établi.
2.1.1.6. Le Tribunal Paritaire des Baux Ruraux (TPBR)
2.1.1.6.1. La compétence d'attribution
Le tribunal paritaire des baux ruraux est seul compétent pour connaître des contestations entre bailleurs et preneurs de baux ruraux relatives à l'application des titres I à V du livre IV du Code Rural.
La compétence est donc limitée par deux éléments constitutifs et cumulatifs :
- un litige entre un bailleur et un preneur de baux ruraux
- un litige relatif à l'application des titres I à V du livre IV du Code Rural.
Dès l'instant, où l'existence du bail rural est établi, il faut encore que le litige concerne le statut du bail, mais aussi le bail à cheptel, à comptant, emphytéotique.
Ainsi, échappent à la compétence des tribunaux paritaires des baux ruraux :
- le procès relatif au paiement du fermage
- le procès relatif à une vente de matériel agricole entre bailleur et preneur.
2.1.1.6.2. La compétence territoriale
Le tribunal compétent est le tribunal du lieu de situation de l'immeuble.
2.1.2. La juridiction du second degré
La Cour d'Appel est la juridiction de droit commun du 2ème degré, qui statue sur les appels des décisions des juridictions inférieures. L'appel est une voie de recours par laquelle une partie s'estimant lésée par une décision rendue en premier ressort porte le procès devant une juridiction supérieure en degré pour obtenir la réformation de la décision contestée. C'est donc une voie de recours ordinaire qui se manifeste par réformation.
En principe, toutes les décisions sont susceptibles d'appel sauf lorsque l'intérêt de l'affaire est trop modique.
Les appels possibles :
- Tribunal de Grande Instance : si le montant de l'affaire est supérieur à 4 000 euros.
- Tribunal d'Instance : si le montant de l'affaire est entre 4 000 et 10 000 euros (sauf compétence exclusive)
- Tribunal de Commerce : si le montant de l'affaire est supérieur à 3 800 euros
- Conseil de Prud'hommes : si le montant de l'affaire est supérieur à 4 000 euros
- Tribunal paritaire des baux ruraux : si le montant de l'affaire est supérieur à 4 000 euros.
Pour interjeter appel, il faut avoir été partie en première instance, avoir perdu même partiellement et avoir capacité. L'appel oppose l'appelant à l'intimé.
Le délai est d'un mois à compter de la signification du jugement de 1ère instance.
L'appel produit 2 effets :
- un effet suspensif qui rend impossible l'exécution de la décision en première instance, sauf exécution provisoire.
- un effet dévolutif qui implique que le procès est porté devant la Cour d'Appel en droit et en fait.
La Cour d'Appel rend 2 sortes d'arrêts :
- des arrêts confirmatifs qui confirment la solution des juges de 1ère instance
- des arrêts infirmatifs qui donnent une autre solution que les juges de 1ère instance.
Sa compétence territoriale se définit de façon fort simple : la Cour d'Appel est compétente pour connaître de l'appel formé contre les décisions rendues par une juridiction quelconque dont le siège est situé dans son ressort.
Chaque Cour d'Appel est composée de magistrats du siège (Premier Président, chef de la juridiction, présidents de chambre et conseillers) et de magistrats du Parquet (Procureur Général, chef du Parquet général, avocats généraux, substituts généraux).
Le service du greffe est dirigé par un secrétaire greffier en chef.
Une Cour d'Appel comprend au minimum deux chambres ; les chambres de la Cour se répartissent entre :
- chambres civiles
- chambre des appels correctionnels
- chambre d'accusation
- chambre sociale
- chambre des expropriations
- chambre du Conseil
La Cour d'Appel est compétente pour connaître de l'appel formé contre les décisions rendues par une juridiction dont le siège est situé dans son ressort (une Cour d'Appel comprend plusieurs départements dans son ressort).
2.1.3. La Cour de Cassation
La Cour de Cassation, située à Paris, est au sommet de la hiérarchie judiciaire. Elle assure l'unité de la jurisprudence et le respect des lois. Elle ne constitue pas un 3ème degré de juridiction car elle est juge de droit mais non des faits.
La Cour de Cassation se compose :
- du premier président
- des 6 présidents de chambre
- des 88 conseillers
- des 65 conseillers référendaires
- du procureur général
- du premier avocat général
- des 22 avocats généraux
- du greffier en chef
- des greffiers de chambre
Elle est divisée en 6 chambres : 3 chambres civiles, une chambre commerciale, une chambre sociale et une chambre criminelle.
La Cour de Cassation rend des arrêts de cassation ou des arrêts de rejet.
On relève 6 cas de cassation : violation de la loi, l'incompétence, l'excès de pouvoir, c'est-à-dire l'empiècement du juge sur les pouvoirs législatif ou exécutif, l'inobservation des formes prescrites à peine de nullité (ex : jugement non motivé...), la contrariété de jugements pour la même affaire, entre les mêmes parties, le défaut de base légale.
Le délai est de 2 mois pour se pourvoir en cassation, à partir du jour de la signification du jugement ou de l'arrêt. Le pourvoi en cassation n'a ni effet suspensif, ni effet dévolutif.
Lorsqu'un pourvoi est adressé à la Cour de Cassation et que celle-ci considère que la loi a été bien appliquée alors que le pourvoi est rejeté. Dans le cas contraire, la décision (jugement ou arrêt) est cassée et renvoyée devant une juridiction de même ordre, nature, degré mais territorialement différente (ex : si la Cour de Cassation a cassé un arrêt de la Cour d'Appel de Paris, il pourra y avoir lieu à renvoi devant la Cour d'Appel de Rouen). Si cette dernière juridiction s'incline, l'affaire est terminée.
Sinon et en cas de nouveau pourvoi, la Cour de Cassation siège en Assemblée Plénière et peut le cas échéant statuer sans renvoi, sinon nouveau renvoi devant une juridiction qui cette fois devra s'incliner.
2.2. Les juridictions répressives
2.2.1. Les juridictions de premier degré
2.2.1.1. Les juridictions de droit commun
L'organisation de ces juridictions repose sur la grande classification des infractions en crimes, délits et contraventions.
- Les cours d'assises jugent les accusés de crimes. Elles comprennent 3 magistrats professionnels et un jury.
- Les tribunaux correctionnels jugent les prévenus de délits correctionnels ; c'est une formation des tribunaux de grande instance
- Les tribunaux de police qui sont composés par les juges d'instance, statuent sur les contraventions.
2.2.1.2. Les juridictions d'exception
La loi du 4 août 1981 a supprimé la Cour de sûreté de l'État et restitué aux juridictions de droit commun compétence pour connaître de ces infractions, sauf exception.
La loi du 21 juillet 1982, relative à l'instruction et au jugement des infractions en matière militaire, a supprimé à son tour, les juridictions militaires en temps de paix. Cependant, les juridictions militaires ne disparaissent pas totalement : elles sont maintenues en temps de guerre, l'importance de survie de la collectivité nationale l'emportant sur tout autre considération. Du fait de la spécificité de certaines infractions militaires, cependant, deux juridictions spécialisées au sein même des juridictions de droit commun sont instituées : un Tribunal de Grande Instance et une cour d'assises (pour connaître, par exemple, des infractions tendant à soustraire leur auteur à ses obligations militaires).
Il subsiste aujourd'hui les juridictions pénales spéciales pour les mineurs âgés de moins de 18 ans au moment des faits, qui sont soustraits aux juridictions de droit commun.
La juridiction principale est le tribunal pour enfants, compétent pour juger des contraventions de 5ème classe, des délits, et des crimes commis par des mineurs âgés de 16 ans au plus.
Le juge des enfants, quant à lui, peut statuer seul. Sa compétence est la même que celle du tribunal pour enfants, mais son pourvoi se limite seulement à des mesures de rééducation. Il ne peut infliger de peines.
Enfin, la cour d'assises des mineurs, connaît des crimes commis par des mineurs âgés de 16 à 18 ans.
2.2.2. Les juridictions d'appel
2.2.2.1 La Cour d'Appel
En matière de contraventions, l'appel n'est possible que pour les jugements rendus pour les contraventions de 5ème classe lorsque a été prononcée la peine de suspension pour 3 ans au plus du permis de conduire ou lorsque la peine d'amende prononcée est supérieure à 150 euros.
En matière correctionnelle, l'appel est toujours possible.
L'appel droit être formé dans le délai de 10 jours à compter du jugement.
2.2.2.2. La Cour d'Appel d'Assises
L'accusé condamné devant la cour d'assises peut depuis la loi n°2000-516 du 15 juin 2000 entrée en application en 2001, peut interjeter appel de la décision devant la cour d'appel d'assises.
Le délai d'appel est de 10 jours à compter du prononcé de l'arrêt.
2.2.3. La Cour de Cassation
Deux sortes de pourvois peuvent exister devant la cour de cassation :
- le pourvoi en cassation pour corriger les erreurs de droit commises par les juridictions inférieures. Le délai pour se pourvoir est en principe de 5 jours à compter de la décision.
- le pourvoir en révision peut être demandé au bénéfice de toute personne reconnue coupable d'un crime ou d'un délit dont la condamnation est devenue définitive. La commission de révision s'attache à déterminer si un fait nouveau ou un élément inconnu de la juridiction au jour du procès "de nature à faire naître un doute sur la culpabilité du condamné".
3. Les juridictions arbitrales nationales
Les juridictions arbitrales sont constituées par des arbitres privés choisis par les parties à un contrat. Donc l'arbitrage repose sur une convention des parties.
Il existe deux sortes de convention :
- la clause compromissoire : les parties à un contrat s'engagent à soumettre à l'arbitrage des litiges qui pourraient naître relativement à l'exécution du contrat. Cette clause n'est valable que pour les contestations entre commerçants ou pour les actes de commerce.
- le compromis est une convention par laquelle les parties à un litige déjà né soumettent celui-ci à un arbitrage. Le compromis doit déterminer l'objet du litige et désigner le ou les arbitres ou prévoir les modalités de leur désignation sinon le compromis encourt la nullité.
Donc les parties peuvent décider de faire appel à un arbitre ou à un tribunal arbitral composé de plusieurs personnes.
Les arbitres organisent la procédure arbitrale mais ils sont toutefois tenus de respecter les principes directeurs du procès. Les parties peuvent autoriser les arbitres à juger en équité : ils sont alors "amiables compositeurs".
Leur sentence n'a force exécutoire que par "l'exequatur" qui est une ordonnance par laquelle le Président du Tribunal de Grande Instance ordonne l'exécution de la sentence.
4. Les juridictions internationales
4.1. La Cour Internationale de justice
C'est l'organe judiciaire des Nations Unies. Elle a son siège à La Haye. Elle règle les litiges entre les Etats.
4.2. La Cour de Justice des Communautés Européennes
Elle assure le respect du droit dans l'interprétation et l'application des Traités européens et des textes européens. Elle a son siège à Luxembourg.