Lexique Médico-Juridique

 Le Livre d'Or
 

 
 
 

L'Usufruit

 

L'usufruit porte atteinte au caractère exclusif du droit de propriété parce qu'il traduit un démembrement de ce droit entre plusieurs titulaires.

L'usufruit est défini par l'article 578 ; mais cette définition est incomplète dans la mesure où elle ne met pas l'accent sur le caractère essentiellement temporaire de l'usufruit. On peut donc essayer de donner une définition plus précise : l'usufruit est un droit réel au maximum viager conférant à son titulaire l'usage et la jouissance d'un bien appartenant à autrui comme celui-ci en jouirait, mais à la charge d'en conserver la substance.

Bien que remontant au droit roman, l'usufruit n'est pas à l'abri de certaines critiques. Dans le droit romain, l'usufruit était analysé comme une servitude personnelle ; on doit donc constater une évolution car actuellement c'est un droit réel (comme le droit de propriété) et directement lié à la chose sur laquelle il porte. Les critiques ont porté essentiellement dans le domaine économique : l'usufruitier n'ayant qu'un droit temporaire, au maximum viager, son intérêt est donc de tirer immédiatement tous les avantages jusqu'à épuiser la substance même de la chose. En d'autres termes, il est attiré par un bénéfice immédiat et non par une mise en valeur de la chose sur laquelle porte son usufruit. Quant au nu-propriétaire, étant privé des revenus, il est amené à se désintéresser de la chose sur laquelle porte son droit et il pourra même refuser de faire procéder à des réparations, même aux grosses réparations. Ces 2 aspects de l'usufruit peuvent donc mettre en évidence un caractère anti-économique.

Mais l'usufruit est aussi contestable car il traduit une atteinte à la négociabilité d'un bien ; alors que le droit de propriété se vend facilement, un usufruit ou une nue-propriété trouve difficilement acquéreur. Mais tous ces inconvénients cèdent aux avantages que les parties peuvent retirer de la création d'un usufruit : moyen commode et simple pour un propriétaire de conserver l'usage et la jouissance d'un bien tout en se procurant des revenus par l'aliénation de la nue-propriété ; il est aussi le moyen de constituer des ressources pour un propriétaire sans faire sortir le bien de son patrimoine jusqu'au décès de l'usufruitier le nu-propriétaire retrouvera la propriété plénière de son bien. Il faut noter enfin que l'usufruit peut être convertible sur la demande du nu-propriétaire en une rente viagère ; cette conversion est prévue au bénéfice de l'époux survivant : article 767 alinéa dernier. 

Usufruit (Usus + Fructus) + Nue- Propriété (Abusus) = Droit de Propriété

 

1. Les caractères généraux de l'usufruit

        1.1. Indépendance de l'usufruitier et du nu-propriétaire

Comme son nom l'indique, l'usufruit confère l'usus et le fructus ; mais il n'a pas le pouvoir de disposition, l'abusus du propriétaire. Le nu-propriétaire n'a pas le droit de détruire la chose et, s'il conserve la possibilité d'aliénation, il lui est très difficile de négocier une nue-propriété : par conséquent, le nu-propriétaire possède un abusus amoindri. Il n'en reste pas moins que l'usufruit et la nue-propriété, s'ils apparaissent complémentaires, constituent des droits différents, distincts mais juxtaposés. Et on a même pu parler d'isolationnisme entre la situation de l'usufruitier et celle du nu-propriétaire : par exemple, il n'y a pas lieu à partage entre usufruitier et nu-propriétaire.

La jurisprudence n'intervient pour rompre l'isolationnisme qui si la licitation séparée de l'usufruit et de la nue-propriété nuit aux intérêts des parties.

        1.2. L'usufruit est un droit temporaire

A la différence du droit de propriété, essentiellement perpétuel, l'usufruit est un droit essentiellement temporaire. Le caractère temporaire est fondamental : l'usufruit est au maximum viager où il disparaît avec la personne.

Mais les personnes morales peuvent être titulaires d'un usufruit ; reconnaître le caractère viager à l'usufruit, c'était reconnaître un caractère perpétuel à l'usufruit donc bénéficient les personnes morales. Ainsi, la loi a-t-elle limité à 30 ans l'usufruit pouvant profiter à une personne morale : article 619. L'usufruit peut être limité dans le temps. Mais qu'advient-il lorsque l'usufruitier décède avant l'arrivée du terme ? Alors dans ce cas l'usufruit s'éteint avec le décès du titulaire même si le terme n'est pas arrivé. Cette extinction traduit son caractère intransmissible à cause de mort ; par contre, il est transmissible entre vifs. D'autre part, si une personne déterminée cède son usufruit entre vifs, l'usufruit s'éteindra par le décès du cédant (sinon on pourra aboutir à un caractère perpétuel).

        1.3. L'usufruit est un droit réel

L'usufruit, droit direct sur une chose, confère à son titulaire un droit réel et ce caractère réel permet de le distinguer du locataire.

L'usufruitier et locataire sont apparemment dans une situation identique : tous deux ont usage d'une chose et en reçoivent les fruits. De plus, vis-à-vis du propriétaire, ils ne sont que de simples détenteurs de la chose. Et pourtant la situation juridique de chacun d'eux est totalement différente : le preneur à bail n'est titulaire que d'un droit de créance, c'est-à-dire un droit personnel, alors que l'usufruitier est titulaire d'un droit réel, donc opposable à tous. Et une action réelle traduit ce caractère : l'action confessoire d'usufruit.

De plus, l'usufruitier bénéficie de toutes les actions possessoires réintégrande, complainte, dénonciation de nouvel oeuvre alors que le locataire ne bénéficie que d'une seule action, la réintégrande. D'autre part, l'usufruitier est titulaire d'un droit immobilier en général alors que le preneur à bail n'est titulaire que d'un droit mobilier ; il en résulte une différence au niveau de la procédure.

De plus, le locataire a le droit d'exiger du propriétaire que la chose soit en bon état alors que l'usufruitier prend le bien en l'état où il se trouve.

Enfin, alors que le propriétaire est tenu à des grosses réparations pendant le cours du bail (gros oeuvre), le nu-propriétaire peut refuser toute réparation.

        1.4. L'usufruit est susceptible de possession.

Comme droit réel, le droit d'usufruit est susceptible de possession. Dès lors, on ne possède plus ave un animus domini, mais avec l'intention de se comporter en usufruitier et à ce titre le titulaire de l'usufruit bénéficie d'actions possessoires. La possession permet l'acquisition du droit d'usufruit soit par usucapion si elle porte sur un immeuble soit instantanément par application de l'article 2279 si elle porte sur un meuble.

2. Les biens susceptibles d'usufruit

La règle générale veut que l'usufruit peut être établi sur toute espèce de biens meubles ou immeubles article 581. L'usufruit peut donc porter non seulement sur des objets corporels, mais aussi sur des droits eux-mêmes, comme les créances, les droits d'auteur, les brevets d'intention.... Il peut même porter sur un autre usufruit : ainsi le père à la jouissance légale de l'usufruit donné ou légué à son enfant mineur. Toutefois, on note deux particularités.

        2.1. Usufruit portant sur des choses consomptibles.

Les choses mobilières consomptibles sont les choses dont on ne peut user sans les consommer (elles se consomment par le premier usage) ; or par définition même l'usufruitier ne doit pas consommer les choses sur lesquelles porte son droit ; il en a l'usage et la jouissance mais l'abusus, le droit de disposition, de consommation ne lui appartient pas puisqu'il doit restituer les choses mêmes qui lui ont été livrées dans leur identique individualité. L'exercice de l'usufruit sur une chose consomptible est donc impossible argent, denrées... C'est pourquoi, le droit romain, n'admettait pas que l'usufruit fut porté sur des choses consomptibles. Mais plus tard, sous l'Empire, on admit la validité des legs portant même sur des choses consomptibles ; toutefois on ne fit pas de ce légataire un usufruitier proprement dit, mais il faut déclarer quasi-usufruitier. Ainsi, le quasi-usufruit est l'usufruit qui porte sur une chose consomptible;

Le quasi-usufruit est soumis à un régime juridique spécifique :

- Le nu-propriétaire cesse d'être un propriétaire pour devenir un simple créancier du quasi usufruitier, lequel, étant propriétaire peut disposer à sa guise des choses qui lui ont été remises (mutation d'un droit réel en droit personnel).

En tant que propriétaire, l'usufruitier supporte les risques sur la chose et n'est pas libéré par la perte de la chose. De plus, le droit de propriété de l'usufruitier entraîne une conséquence au point de vue de certaines modes d'extinction de l'usufruit ; ainsi on ne conçoit pas la déchéance par abus de jouissance.

- L'usufruitier doit restituer, à la fin de l'usufruit, l'équivalent de ce qu'il a reçu "soit des choses de même quantité et qualité, soit leur valeur estimée à la date de la restitution" article 587.

        2.2. Usufruit portant sur des universalités

On examinera successivement l'usufruit d'un fonds de commerce, l'usufruit d'un patrimoine, l'usufruit d'un troupeau ne présentant pas grand intérêt.

            2.2.1. Usufruit d'un fonds de commerce

Le fonds de commerce est une universalité composée de plusieurs éléments dont les uns sont corporels (matières premières, marchandises, matériel) et les autres incorporels (nom, clientèle, marque de fabrique, brevets d'invention, droit au bail des locaux). L'usufruit porté sur un fonds de commerce nécessite l'adaptation de règles particulières :

- L'usufruitier doit exploiter le fonds de commerce et participer à la vie commerciale : il doit vendre les stocks et donc les remplacer (conservation).

- L'usufruitier doit assurer l'entretien du matériel.

En contrepartie de ces deux obligations, l'usufruitier conserve les bénéfice (assimilés au fruit). Mais en fin de bail, il doit restituer le fonds de commerce. Si l'usufruitier a augmenté la valeur de ce fonds, il n'aura droit à aucune indemnité mais par contre l'usufruitier qui a vu le fonds péricliter doit non seulement supporter les pertes d'exploitation, mais indemniser le nu-propriétaire lors de la restitution car il a commis un manquement à une obligation essentielle, à savoir conserver et jouir du fonds en bon père de famille.

            2.2.2. Usufruit du patrimoine

L'usufruit peut être établi sur l'ensemble d'un patrimoine, et il est alors universel ou sur une fraction, il est alors à titre universel. En pratique, les usufruits successoraux fournissent de nombreux exemples de tels usufruits ; ceux-ci s'opposent à l'usufruit à titre particulier qui affecte un ou plusieurs biens individuellement déterminés.

La distinction est importante surtout en ce qui concerne le règlement du passif : l'usufruitier à titre particulier n'est jamais tenu des dettes grevant le patrimoine dont le bien fait partie ; par contre, les usufruitiers universels ou à titre universel contribuent au paiement du passif conformément aux dispositions de l'article 612 du Code Civil.

            2.2.3. Usufruit portant sur les droits incorporels

Le Code Civil, excepté l'article 588 ne contient aucune disposition relative à l'usufruit des créances. Il n'en reste pas moins que l'usufruit porte fréquemment sur des droits incorporels, des obligations, des parts d'associés.

 

3. Constitution de l'usufruit

D'après l'article 579, il y a 2 modes d'établissement de l'usufruit : la loi et la volonté de l'homme. Il faut y ajouter un 3ème mode d'établissement : l'acquisition de l'usufruit par prescription.

3.1. L'usufruit légal

L'usufruit est institué par la loi dans 3 séries de cas :

- le conjoint survivant recueille l'usufruit d'une quote-part des biens du prédécédé (article 767) et de ses droits d'auteur.

- Les ascendants venant à la succession de leur descendant mort sans postérité ont, en présence du conjoint survivant gratifié par le défunt, droit à une réserve en usufruit (article 1094).

- Les père et mère ont la jouissance légale des biens de leur enfant mineur jusqu'à ce que celui-ci ait atteint l'âge de 18 ans accomplis (article 1384 alinéa 1er).

3.2. Constitution de l'usufruit par la volonté de l'homme

La volonté de l'homme suffit à créer l'usufruit et cet usufruit résultera tantôt d'une convention, tantôt d'un acte juridique unilatéral tel un testament.

Dans le cas de constitution d'usufruit entre vifs, on distingue 2 modes de création :

- constitution d'usufruit per deductionem : création par aliénation de la nue-propriété et réservé de l'usufruit.

- constitution d'usufruit per translationem : création par réserve de la nue-propriété et mutation de l'usufruit.

3.3. Constitution de l'usufruit par la prescription

Bien que l'article 579 du Code Civil ne le mentionne pas, il est indéniable que l'usufruit peut se constituer par prescription. En effet, l'usufruit est un droit réel, donc susceptible de possession et les effets de la possession peuvent se reporter sur le droit d'usufruit.

Quant à l'usufruit des meubles, la possession permet d'acquérir instantanément l'usufruit d'un meuble.

 

4. Situation juridique de l'usufruitier et du nu-propriétaire pendant l'usufruit.

4.1. Obligations de l'usufruitier avant son entrée en jouissance

Avant son entrée en jouissance, l'usufruitier doit d'une part faire dresser un inventaire du mobilier et un état des immeubles (article 600), d'autre part, donner caution (article 601). Ces prescriptions tendant à assurer l'exécution des obligations de conservation et de restitution qui lui incombent.

            4.1.1. Inventaire des meubles et état des immeubles

C'est l'article 600 qui prévoit cette obligation. L'inventaire ou l'état est souvent un acte sous seing privé établi par les parties qui font rarement appel à un notaire. Cet inventaire a pour objet d'énumérer, de décrire et généralement d'estimer les meubles soumis à usufruit, l'état des immeubles remplit le même souci en donnant la consistance matérielle et l'état de l'immeuble. L'intérêt de la rédaction de tels actes est qu'ils vont déterminer dans quel état l'usufruitier va devoir restituer les biens au nu-propriétaire.

Les biens sont estimés, mais l'estimation ne dispense pas de restitution en nature.

Excepté un cas : lorsque les parties ont inséré dans l'inventaire une clause dite "d'estimation vaut vente" où l'usufruitier a la possibilité de restituer en nature ou par une somme équivalente.

Cependant, les tribunaux ne sont pas arrêtés à la lettre de l'article 600 : celui-ci n'étant pas une disposition d'ordre public ; même s'il ne fait pas un inventaire ou un état, l'usufruitier peut entrer en possession des biens et l'obligation n'a d'autre but que de protéger les parties. En conséquence, d'une part, les parties peuvent se dispenser d'inventaire et s'il y a dispense, elle s'étend au profit de l'usufruitier, le nu-propriétaire conservant dès lors le droit de faire dresser un inventaire, mais à ses frais.

D'autre part, l'usufruitier n'est pas privé de son droit au fruit : mais dès lors il s'expose s'il na pas de dispense à une triple sanction :

- le propriétaire peut lui refuser une délivrance tant que l'inventaire ou l'état ne sont pas faits.

- si l'entrée en jouissance est intervenue sans dispense ou inventaire, le propriétaire peut exiger un inventaire et de plus faire exiger un séquestre provisoire.

- enfin, sanction la plus grave pour l'usufruitier : au moment de la restitution, le propriétaire pourra prouver consistance et valeur des biens par tout moyen de preuve et la jurisprudence va même jusqu'à admettre la commune renommée comme moyen de preuve.

            4.1.2. Fourniture de caution

L'article 601 prévoit cette obligation. Tout d'abord, se pose un problème terminologique : une caution n'est pas une somme d'argent ; juridiquement, c'est une personne et fournir caution c'est donc obtenir d'une autre personne qu'elle se porte garante pour vous de l'exécution de vos obligations. Cette caution couvre en même temps le risque d'insolvabilité de l'usufruitier pour toute somme dont il deviendrait débiteur envers le nu-propriétaire. La caution présentée par l'usufruitier doit répondre aux conditions prescrites par les articles 2018 et 2019 eu égard à sa capacité, à son domicile et à sa solvabilité (article 2040).

Mais dans la pratique il est difficile d'obtenir caution d'un individu car la responsabilité est étendue. L'article 2041 laisse à l'usufruitier la possibilité de substituer à une caution des garanties : les nantissements et les hypothèques. Cependant, il existe des cas où l'usufruitier ne peut donner ni caution ni garantie : l'usufruitier pourra malgré tout prendre possession du bien soumis à son usufruit, mais la loi prévoit des mesures conservatoires et d'administration (article 602 et 603). Enfin, la loi dispense de caution certaines personnes :

- lorsque ce sont les père et mère qui sont les usufruitiers légaux de leurs enfants mineurs de moins de 18 ans.

- lorsque l'usufruit a été constitué par déductionem, c'est-à-dire, lorsqu'il y a eu réserve d'usufruit et aliénation de la nue-propriété.

La dispense n'a cependant pas un caractère définitif et les tribunaux se reconnaissent le droit d'intervenir en cours d'usufruit pour prescrire des mesures conservatoires au profit de nu-propriétaire

 

        4.2. Les obligations et les droits de l'usufruitier pendant l'usufruit

Remarque préliminaire sur le principe de la séparation des situations de l'usufruitier et du nu-propriétaire : l'usufruitier et le nu-propriétaire sont traités comme les titulaires de 2 droits réels coexistant sur la chose, mais différents et indépendants entre lesquels en principe n'existent ni rapports obligatoires, ni communauté d'intérêts. Plusieurs dispositions reflètent cette conception pendant la durée de l'usufruit : ainsi si le nu-propriétaire ne peut, par son fait, nuire aux droits de l'usufruitier (article 599 alinéa 1) ce dernier ne peut de son côté réclamer une indemnité pour les améliorations qu'il a pu réaliser (article 599 alinéa 2) : aucune mesure n'est prise pour que soient effectuées les grosses réparations qui "demeurent à la charge du propriétaire" (article 605) ; l'article  607 décide encore que "ni le propriétaire, ni l'usufruitier ne sont tenus de rebâtir ce qui est tombé de vétusté ou ce qui a été détruit par cas fortuit".

En étudiant successivement, la situation de l'usufruitier et celle du nu-propriétaire durant l'usufruit, on constatera que dans une faible mesure, la pratique et la jurisprudence se sont efforcées de remédier aux inconvénients d'une séparation trop absolue des droits réels distincts mais complémentaires qui coexistent sur la chose.

            4.2.1. Droits de l'usufruitier

L'usufruitier a un double droit : user de la chose et en percevoir les fruits. Il a par ailleurs l'exercice de certaines actions qui viennent sanctionner son droit et assurer son efficacité.

                4.2.1.1. Usage de la chose

L'usufruitier peut se servir de la chose pour ses besoins personnels, par lui-même ou par autrui. Ainsi il peut habiter la maison ou la donner à bail, cultiver les terres ou les affermer, exercer ou louer le droit de chasse ou de pêche, exercer les droits de servitude et généralement tous les droits dont le propriétaire bénéficie (article 597 du Code Civil). De même, il peut exploiter le fonds de commerce, consommer les choses consomptibles. L'article 589 ajoute que si l'usufruit comprend des choses qui, sans se consommer tout de suite, se détériorent peu à peu par l'usage, comme du linge, des meubles meublants, l'usufruitier a le droit de s'en servir pour l'usage auquel elles sont destinées et n'est obligé de les rendre, à la fin de l'usufruit, que dans l'état où elles se trouvent non détériorées par son dol ou par sa faute.

                4.2.1.2. Jouissance

Le principe veut que l'usufruitier a droit aux fruits de la chose mais non aux produits, les fruits présentant par rapport aux produits les 2 traits caractéristiques de périodicité et de reproduction indéfinie.

- Généralité de la règle qui attribue les fruits à l'usufruitier : tous les fruits appartiennent à l'usufruitier.

* on ne distingue pas selon les diverses catégories de fruits : article 582 "l'usufruitier a le droit de jouir de toute espèce de fruits, soit naturels, soit industriels, soit civils".

* on ne distingue pas non plus suivant que les fruits sont donnés par la chose envisagée dans son état primitif ou qu'ils proviennent d'accroissements dont elle aurait bénéficié par la suite (dus à l'accession naturelle ou artificielle, par exemple, aux alluvions, pour les lots et les primes de remboursement afférents à des obligations).

                    4.2.1.2.1. Comment l'usufruitier acquiert les fruit ?

Les fruits naturels et industriels s'acquièrent par la perception, c'est-à-dire, la séparation du sol. En conséquence ceux qui sont pendants par branches ou par racines au moment où l'usufruit est ouvert appartiennent à l'usufruitier. Ceux qui sont dans le même état au moment où finit l'usufruit appartiennent au propriétaire sans récompense de part ni d'autre (article 585). L'époque normale de la perception est celle de la maturité et une récolte anticipée pourrait être contestée et revendiquée par l'autre partie. A la différence des précédents, "les fruits civils sont réputés s'acquérir jour par jour et appartiennent à l'usufruitier à proportion de la durée de son usufruit" (article 586). Il y a donc lieu à une répartition proportionnelle entre le nu-propriétaire et l'usufruitier des loyers, fermages et intérêts pou l'année où commence et celle où finit l'usufruit.

                    4.2.1.2.2. Divers modes de jouissance autorisés.

L'usufruitier peut jouir par lui-même ou donner son droit à bail à un autre, ou même le vendre, ou le céder à titre gratuit (article 595 du Code Civil).

                    4.2.1.2.3. Les baux

Tout d'abord l'usufruitier est obligé, comme tout acquéreur, de respecter les baux qui auraient été consentis sans fraude par son auteur avant le début de l'usufruit (article 1743). Pendant, l'usufruit a le droit, en principe, de donner les immeubles à bail ; il peut passer des baux sans que la loi fixe un maximum de durée. Mais, une fois l'usufruit éteint, si le bail excède 9 ans, il n'est obligatoire pour le propriétaire qui a recouvré la pleine propriété de son immeuble que pour le temps qui reste à courir soit de la première période de 9 ans si elle dure encore, soit de la deuxième, soit de la troisième et ainsi de suite de manière que le preneur n'ait que le droit d'achever la jouissance de la période de 9 ans où il se trouve.

En outre, pour empêcher que l'usufruitier ne cherche à prolonger la durée de la location opposable au propriétaire par un renouvellement anticipé du bail en cours, la loi décide que les baux de 9 ans ou au-dessus que l'usufruitier a passés ou renouvelés plus de 3 ans avant l'expiration du bail courant s'il s'agit de biens ruraux et plus de 2 ans avant la même époque, s'il s'agit de maisons, sont sans effet, à moins que leur exécution n'ait commencé avant la fin de l'usufruit : article 595 modifié par la loi du 13 juillet 1965. Cet ensemble de dispositions tend à protéger les droits du nu-propriétaire, un bail trop long risque de diminuer la valeur de la chose et d'entraver son aliénation.

Le Code Civil s'était borné à protéger le nu-propriétaire contre des baux trop longs. Depuis, un autre danger risque de compromettre les droits du nu-propriétaire : diverses lois ont conféré au preneur des droits (notamment le droit de renouvellement) qui sont autant de restrictions aux droits du nu-propriétaire. La loi du 13 juillet 1965 qui a modifié l'article 595 est intervenue pour protéger le nu-propriétaire (ou à défaut sans autorisation de justice) donner à bail un fonds rural ou un immeuble à usage commercial, industriel ou artisanal (article 595 alinéa 4 nouveau).

                    4.2.1.2.4. Cession du droit d'usufruit

En raison de son caractère de droit temporaire, au maximum viager, l'usufruit est intransmissible à cause de mort. L'usufruit est au contraire cessibles entre vifs (article 595 alinéa 1) : l'usufruitier peut céder son droit à un tiers qui désormais l'exercera pour son compte ; mais la durée de l'usufruit reste toujours déterminée par la vue du cédant.

Le cédant est garant vis-à-vis du nu-propriétaire des indemnités qui seraient dues par le cessionnaire ; quant aux sûretés fournies par le cédant lors de son entrée en jouissance, elles demeurent affectées à la garantie des droits du nu-propriétaire.

                4.2.1.3. Actions en justice

L'usufruitier dispose de certaines actions qui viennent sanctionner son droit et assurer son efficacité.

- pour faire reconnaître son droit d'usufruit, il a une action pétitoire, l'action confessoire d'usufruit qu'il peut intenter contre tous, même contre le propriétaire lui-même. Cette action est toutefois prescriptible.

- pour défendre la possession de son droit réel, l'usufruitier dispose d'autre part des actions possessoires.

Mais il ne semble pas qu'en sa qualité d'administrateur de la chose d'autrui, il puisse exercer des actions qui ne concerneraient que la nue-propriété, par exemple, l'action en revendication, compte-tenu de la séparation des droits de l'usufruitier et du nu-propriétaire.

            4.2.2. Obligations de l'usufruitier

Le code n'énonce les obligations de l'usufruitier que de façon incidente ; ces obligations sont essentiellement contenues dans
4 articles :

- l'article 578 : obligation de conserver la substance de la chose

- l'article 601 : obligation de jouir de la chose en bon père de famille.

- l'article 597 : le code fait un devoir à l'usufruitier de modeler sa jouissance sur celle du propriétaire.

- l'article 608 : le code impose à l'usufruitier des charges usufructuaires que l'on prélève communément sur les revenus.

En fait, on peut regrouper ces obligations en 2 catégories : d'une part, jouir de la chose en bon père de famille et d'autre part supporter les charges de l'usufruit

                4.2.2.1. Obligation de jouir de la chose en bon père de famille

L'obligation posée par l'article 601 du Code Civil n'est pas assez définie : la jurisprudence est donc intervenue et la cour de cassation retient deux éléments dans le contenu de l'obligation :

- respecter l'usage auquel est destinée la chose : l'usufruitier n'a pas le droit sous peine d'abus de jouissance de modifier l'usage d'une chose.

- conserver la substance de la chose : c'est l'obligation pour l'usufruitier de ne pas détériorer les biens soumis à son usufruit.

                4.2.2.2. Obligation de supporter les charges usufructuaires

Ces charges sont doubles :

                    4.2.2.2.1. Les réparations d'entretien (article 605 alinéa 1er)

L'usufruitier doit faire sur la chose toutes les réparations d'entretien, alors même qu'elles seraient rendues nécessaires non par sa faute, ni même par l'injure du temps, mais par accident ; il y a là une charge naturelle des fruits. Au contraire, les grosses réparations restent à la charge du nu-propriétaire, à moins qu'elles n'aient été occasionnées par le défaut de réparations d'entretien, auquel cas l'usufruitier en est aussi tenu (article 605 alinéa 2).

A la lecture de l'article 605 alinéa 1er, on serait donc tenté de penser que ces charges sont minimes. Mais c'est par comparaison à l'article 606 qui énumère limitativement les grosses réparations (les gros murs et la couverture en dehors des digues ou des murs de soutènement) qu'elles apparaissent extrêmement lourdes. En effet, mettre toutes les réparations d'entretien à la charge de l'usufruitier revient pratiquement à donner la charge de l'usufruit à l'usufruitier.

De plus, le nu-propriétaire n'est pas obligé d'exécuter ces grosses réparations.

L'usufruitier n'a aucune action pour contraindre le nu-propriétaire à effectuer les grosses réparations. S'il les a effectuées lui-même, il dispose contre celui-ci d'un recours pour le montant de la plus-value qui en résulte, mais cette action ne pourra être exercée qu'en fin d'usufruit.

Cela n'exclut pas, dans l'imputation des dépenses d'entretien à l'usufruitier, une prise en compte de la vétusté.

D'autre part l'usufruitier peut être tenu des réparations du clos et du couvert. En effet, l'usage de l'usufruit offre la possibilité de donner à bail et on a alors superposition de deux situations juridiques : d'une part, il a des obligations envers le nu-propriétaire (réparations d'entretien) et d'autre part des obligations en tant que bailleur envers le locataire : il est tenu des réparations du clos et du couvert, mais aussi de livrer la chose en bon état et de plus, pendant le cours du bail d'entretien la chose, du ravalement des façades de l'immeuble. Cette situation va donc entraîner l'usufruitier à faire des travaux importants, sans réparation par le nu-propriétaire ; on a donc une situation choquante car l'article 599 alinéa 2 prévoit que toutes les dépenses de réparation faites par l'usufruitier ne lui permettent pas d'obtenir des indemnités à la fin de l'usufruit : ce sont donc des réparations à fonds perdus. Cependant, pour éviter une application draconienne de ce texte, la jurisprudence reconnaît le droit à une indemnisation parfois en fin de bail, parfois en cours, correspondant à la plus-value qui peut ressortir de l'exécution des travaux. On a donc une limitation de l'effet injuste de l'article 599 alinéa 2.

                    4.2.2.2.2. Le paiement des impôts périodiques (article 608)

L'usufruitier est tenu de ces charges périodiques, même si la périodicité n'est pas régulière. Il en est ainsi des impôts et taxes dus pour la chose d'objet d'usufruit, impôt foncier, taxe sur les voitures...

 

        4.3. Les droits et obligations du nu-propriétaire

            4.3.1. Droits du nu-propriétaire

Titulaire d'un droit réel aussi, le nu-propriétaire peut disposer de la chose, l'aliéner, exercer des actions possessoires, mais il ne peut pas dilapider, détruire la chose : l'abusus du nu-propriétaire est donc amoindri par rapport à celui du propriétaire.

- Le nu-propriétaire a cependant un droit général de surveillance sur la chose : il pourra agir contre l'usufruitier du moment que celui-ci outrepasse ses droits et compromet l'exécution de son obligation de restituer. Les mesures varieront selon les circonstances, des mesures conservatoires jusqu'à la déchéance de l'usufruit.

- Le nu-propriétaire peut accomplir les actes matériels qui seraient nécessaires à la conservation de la chose, et cela sans que l'usufruitier puisse prétendre à une indemnité pour privation de jouissance.

- Le nu-propriétaire bénéficie des produits de la chose.

            4.3.2. Obligations du nu-propriétaire

On dit communément qu'aucune obligation ne pèse sur le nu-propriétaire, sinon celle de ne pas troubler l'usufruitier dans l'exercice de son droit (article 599 alinéa 1er). Mais bien que cela paraisse trop absolu et bien que limitées, certaines obligations positives sont susceptibles d'incomber au nu-propriétaire dans la réalité : 

- Le nu-propriétaire est tenu à garantie lorsque l'usufruit a été constitué à titre onéreux ou à titre de dot : en cas d'éviction, l'usufruitier peut demander des dommages et intérêts. A vrai dire, cette obligation découle du titre constitutif plutôt que de l'usufruit lui-même.

- Lorsque des charges extraordinaires sont imposées sur la propriété pendant la durée de l'usufruit, le nu-propriétaire doit contribuer à leur acquittement (article 609).

- L'article 605 décide que les grosses réparations sont à la charge du propriétaire. Mais, il n'est pas obligé de les effectuer et la cour de cassation a considéré que le refus d'effectuer n'est pas un abus de droit. De plus, si l'usufruitier est aussi le bailleur et a fait à ce titre des réparations, le nu-propriétaire n'est pas obligé d'indemniser l'usufruitier pour ses dépenses, mais seulement de lui verser le montant de la plus-value, ce qui est bien moins.

 

5. Extinction de l'usufruit

        5.1. Causes d'extinction de l'usufruit

Il y a 2 grandes séries de causes : 

- Des règles de droit commun : Ainsi, l'usufruit s'éteint par résolution du constituant, de l'acte constitutif d'usufruit, mais aussi par prescription acquisitive. Il peut s'étendre par l'émancipation de l'enfant ou lorsque l'enfant atteint 18 ans dans le cas d'usufruit légal des parents. Ainsi lorsqu'il y a succombance dans un procès de divorce : l'époux condamné perd l'usufruit.

- Des règles spécifiques : Elles sont contenues dans les articles 617, 618 et 622 du Code Civil. L'article 617 énumère 5 causes d'extinction : la mort de l'usufruitier, l'arrivée du terme, la consolidation, le non-usage trentenaire et la destruction ou la perte totale de la chose.

Les articles 618 et 622 ajoutent deux autres causes : 

- l'abus de jouissance

- la renonciation de l'usufruitier à son usufruit

            5.1.1. Mort de l'usufruitier

Par définition, l'usufruit est un droit temporaire au maximum viager : par conséquent, la mort de l'usufruitier est une cause d'extinction.

Si un usufruit a été constitué au profit de plusieurs personnes simultanément, il s'éteint partiellement au décès de chacune d'elles, sauf quand il a été stipulé réversible. Dans ce cas la part de celui qui pré-décède accroît aux autres jusqu'à ce que le survivant ait la totalité de l'usufruit.

Autre particularité : lorsque l'usufruitier est une personne morale, l'usufruit s'éteint par dissolution e la personne morale ou au maximum dans un délai de 30 ans (article 619).

            5.1.2. Arrivée du terme

Lorsque l'usufruit est affecté d'un terme, il s'éteint purement et simplement à l'arrivée de cette date. Dans le cas d'un caractère viager de l'usufruit et si l'usufruitier décède avant le terme, c'est le caractère viager qui prend le pas sur le caractère temporel et l'usufruit s'éteint dès le décès de l'usufruitier.

Enfin l'article 620 prévoit expressément que dans le cas où l'usufruit est accordé à une personne jusqu'à un âge déterminé, l'usufruit dure jusqu'à cette date, quand bien même l'usufruitier ait trouvé la mort avant l'année de cette date.

            5.1.3. Consolidation

La consolidation, c'est la réunion sur la même tête des deux qualités d'usufruitier et du nu-propriétaire, à la suite d'un transfert de la nue-propriété à l'usufruitier par dévolution successorale, vente, donation.

En principe, on a reconstitution de la propriété plénière. Toutefois, le problème s'est posé de savoir si la consolidation aboutissait obligatoirement à la propriété plénière, ou si les 2 qualités restaient séparées. La solution en a été donnée par un arrêt de la Cour de Cassation du 26 janvier 1972 : la Cour a considéré que la consolidation n'était pas toujours obligatoire cependant, il faut que les parties puissent invoquer un intérêt.

            5.1.4. Non-usage trentenaire

Si le droit de propriété est un droit perpétuel, par contre, l'usufruit est un droit essentiellement temporaire et le non-usage trentenaire d'un droit d'usufruit débouche sur l'extinction de ce droit. La loi ne distingue pas entre les meubles et les immeubles : le délai est le même. Ce délai de 30 ans part du dernier acte accompli par l'usufruitier sur la chose de l'usufruit. 

Mais l'usufruit n'est pas éteint par le non-usage quand il a été exercé au nom de l'usufruitier, par exemple, par un locataire, un mandataire.

            5.1.5. Destruction ou perte totale de la chose

Quand la chose grevée d'usufruit vient à périr, l'usufruit s'éteint faute d'objet, à la destruction matérielle de la chose. Il faut assimiler la disparition du droit lorsque l'usufruit porte sur un droit : ainsi l'usufruit d'un brevet d'invention s'éteint lorsque le brevet ne peut plus exploité.

L'extinction de l'usufruit ne se produit qu'en cas de perte totale : si la perte n'est que partielle, l'usufruit continue sur ce qui reste de la chose.

L'extinction de l'usufruit suppose encore une perte causée par un cas de force majeure, plus précisément par un événement non imputable au fait de l'homme : ni au fait de l'usufruitier ou du nu-propriétaire car il ne saurait dépendre de l'un des intéressés de mettre fin au droit par un acte unilatéral, ni au fait d'un tiers car celui-ci devrait alors des dommages et intérêts sur lesquels le droit de l'usufruitier s'exercerait en tant que quasi-usufruit. Il arrive en effet que l'usufruit soit non pas éteint, mais par suite d'une subrogation réelle reporte de la chose qu'il grevait sur une indemnité et transformé en quasi-usufruit.

Il peut en être ainsi : 

- si la perte de la chose donne lieu au paiement de dommages intérêts en raison de la faute d'un tiers responsable ou du nu-propriétaire.

- en cas d'expropriation pour cause d'utilité publique d'un bien grevé d'usufruit.

- quand la destruction de la chose soumise à l'usufruit donne lieu au paiement d'une indemnité d'assurance à la suite d'un contrat d'assurance conclu pour la valeur totale de la chose soit par le nu-propriétaire, soit par l'usufruitier.

            5.1.6. Abus de jouissance.

D'après l'article 618 du Code Civil, il y aurait abus de jouissance dans 2 éventualités : l'usufruitier a commis des dégradations sur le fonds ou bien il le laisse dépérir faute d'entretien. Mais, on s'accorde à y voir des cas particuliers qu'il faut généraliser : il y a abus de jouissance justifiant la déchéance dès lors que l'usufruitier a manqué à ses obligations d'une manière assez grave pour compromettre la substance même de la chose, comme le fait de démolir ou de laisser dépérir des bâtiments utiles, d'abattre des arbres fruitiers...

Cependant, la Cour de Cassation, dans un arrêt du 8 décembre 1982, a décidé que ne commettait pas un abus de jouissance, l'usufruitier qui, sur moins de la moitié de la superficie de l'immeuble, se conforme à l'usage constant pour la coupe de ses jeunes pins.

La déchéance n'est jamais encourue de plein droit : elle doit être demandée au tribunal qui a le choix entre diverses solutions : 

- il peut prononcer la déchéance de l'usufruitier, absolument et sans restriction.

- à l'inverse, il peut repousser la demande et maintenir l'usufruitier dans tous ses droits sans aucune limitation.

- il peut aussi prendre certaines mesures intermédiaires en prononçant la déchéance partielle relativement à un  bien déterminé, en n'ordonnant la restitution des biens au nu-propriétaire qu'à charge par lui de verser une rente qui représente son droit (article 618 alinéa 3), en accordant au nu-propriétaire certaines garanties, par exemple en ordonnant l'observation des mesures prescrites dans les articles 602 et 603.

Le nu-propriétaire peut par ailleurs demander des dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par les actes abusifs qui ont motivé la demande en déchéance : le tribunal peut les allouer soit qu'il prononce la déchéance de l'usufruitier, soit qu'il le maintienne en jouissance. Les créanciers de l'usufruitier ont le droit d'intervenir dans les contestations sur les abus de jouissance reprochés à l'usufruitier (article 618 alinéa 2) : en effet leur intérêt est que l'usufruitier soit maintenu et ils pourront par exemple éviter que ne soit prononcée la déchéance en offrant au nu-propriétaire la réparation des dégradations et des garanties pour l'avenir.

            5.1.7. Renonciation de l'usufruitier

L'usufruit entraîne de lourdes charges et certains usufruitiers ne peuvent pas les assumer ; d'où la possibilité de renoncer. C'est le caractère propter rem de l'usufruit qui permet à l'usufruitier de renoncer unilatéralement, quand bien même, le nu-propriétaire n'accepte pas. Toutefois l'usufruitier peut revenir sur son abandon tant que le propriétaire ne l'a pas accepté.

D'autre part, les créanciers ont le droit de faire annuler la renonciation faire à leur préjudice par application de l'article 1167 du Code Civil.

 

        5.2. Conséquences de l'extinction de l'usufruit

            5.2.1. Prestations dues au nu-propriétaire

L'usufruitier après extinction de son droit, est détenteur de la chose d'autrui et débiteur de sa restitution. De plus, à ce moment là, il doit exécuter les obligations qu'il a assumées au cours de l'usufruit, par exemple en détériorant la chose. Quant à la restitution, elle s'opère dans des conditions différentes suivant que l'usufruit a porté sur des choses soumises à la restitution en nature ou sur des choses consomptibles : 

- si l'usufruit a porté sur des choses non consomptibles, l'usufruitier doit rendre les choses dans l'état où elles se trouvaient lors de l'ouverture de l'usufruit. Un régime particulier est toutefois établi sur les choses qui détériorent par l'usage, comme du linge, des meubles meublants : l'article 589 prévoit que l'usufruitier est libéré en les restituant dans l'état où elles se trouvent à la fin de l'usufruit.

L'usufruitier étant en même temps détenteur de la chose d'autrui et débiteur de la restitution, le propriétaire aura donc contre lui à la fois l'action en revendication et l'action personnelle en restitution. L'action en revendication suppose de la part du propriétaire la preuve de son droit de propriété : l'action personnelle en restitution présente sur la revendication cet avantage de ne pas impliquer de la part du demandeur, la preuve d'un droit de propriété sur la chose (elle nécessite seulement la preuve de la remise de la chose).

- si l'usufruit a porté sur des choses consomptibles : l'usufruitier devient propriétaire de ces choses et selon une loi du 17 mai 1960 qui a modifié l'article 587, l'usufruitier aura l'option entre la restitution de l'équivalent soit en nature, soit en valeur estimée au jour de la restitution.

Enfin, l'usufruitier ne peut restituer la chose dans l'état reçu, il est redevable de dommages et intérêts, d'où l'importance d'un inventaire et d'un état qui permettent de constater l'état des biens soumis à usufruit. Toutefois, il y a atténuation lorsque la détérioration ou la perte de l'usufruit est survenue sans faute de la part du particulier.

            5.2.2. Prestations dues à l'usufruitier

Si l'usufruitier doit indemniser le nu-propriétaire des détériorations survenues par sa faute, il n'a droit en revanche à aucune indemnité pour les améliorations qu'il aurait faites à ses frais "encore que la valeur de la chose en fût augmentée" comme le stipule l'article 599 alinéa 2.

La solution est très rigoureuse et exorbitante des principes généraux du droit puisqu'elle consacre un enrichissement sans cause du nu-propriétaire. Elle offre par surcroît l'inconvénient économique de détourner l'usufruitier d'une gestion utile.

Les travaux préparatoires du code justifient la solution par le désir d'une part de prévenir les contestations, car les améliorations que l'usufruitier prétendait avoir faites ne sont pas toujours évidentes, et d'autre part, de ne pas permettre à l'usufruitier qui a voulu augmenter l'agrément ou la productivité de l'usufruit des dépenses importantes au propriétaire dont il ne veut peut être pas ou qu'il serait difficile de solder. Cependant, la jurisprudence a apporté des atténuations à ce principe :

- compensation : s'il y a sur le fonds des travaux ayant produit à la fois des améliorations et des détériorations par le remaniement des plantations ou des constructions, on admet que l'usufruitier déduise du montant de sa dette celui des améliorations effectuées.

- une indemnité de plus-value consécutive à l'exécution de grosses réparations imposées à l'usufruitier en tant que bailleur.

- théorie des impenses : lorsque le nu-propriétaire a négligé ou refusé d'exécuter les grosses réparations, il arrive que l'usufruitier y procède lui même, à ses frais.

 

 

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