Lexique Médico-Juridique

 Le Livre d'Or
 

 
 
Les Baux Commerciaux
 
Le statut des baux commerciaux règle les rapports entre bailleurs de locaux à usage commercial, industriel ou artisanal. Il a été institué par le décret du 30 septembre 1953 et modifié à plusieurs reprises par des lois et décrets subséquents.
1.      Le champ d’application du statut
L’application du statut suppose diverses conditions.
1.1.            Existence d’un immeuble ou d’un local
Le statut des baux commerciaux ne s’applique qu’aux locations d’immeubles ou de locaux. Le mot «immeuble» doit être pris dans le sens d’immeuble bâti. Ainsi, par exemple, le décret ne s’applique pas aux locations de terrains nus sans aménagement.
Outre les locaux loués à usage commercial, industriel ou artisanal sont concernés par le statut :
-          Les locaux accessoires à exploitation d’un fonds de commerce s’ils sont nécessaires ou indispensables à l’exploitation du fonds.

-          Les terrains nus sur lesquels ont été édifiés soit avant, soit après le bail, des constructions à usage commercial, industriel ou artisanal à condition que ces constructions aient été élevées ou exploitées avec le consentement exprès du propriétaire.

-          Tous les locaux ou immeubles abritant les établissements d’enseignement, qu’ils soient publics ou privés.

-          Les locaux loués aux communes et affectés avec le consentement exprès ou tacite du propriétaire à des services exploités en régie.

-          Les locaux ou immeubles principaux ou accessoires loués à des entreprises publiques et établissements publics à caractère industriel ou commercial.

-          Les locaux ou immeubles dont les collectivités publiques sont propriétaires, lorsqu’ils ont été donnés à bail à des commerçants.
 
1.2.            Existence d’un bail à destination commerciale, industrielle ou artisanale.
L’application du statut suppose en premier lieu l’existence d’un bail portant sur des biens affectés à une exploitation commerciale, industrielle ou artisanale ; elle ne concerne pas les conventions d’occupation précaire ou temporaire. De même, sont exclus du statut les concessions administratives et les concessions immobilières régies par la loi d’orientation foncière du 30 décembre 1967 (article 57) ainsi que les baux emphytéotiques sauf en ce qui concerne la révision du loyer.
Quant à la destination des lieux loués, elle est celle prévue au bail, sans qu’il y ait lieu de s’attacher à l’utilisation qui en est faite par le preneur. Le changement de destination par le preneur, sans l’autorisation du bailleur, est susceptible d’entrainer la résiliation du bail ou le refus de renouvellement sans indemnité.
Lorsque le bail porte à la fois sur un local commercial et sur un local affecté à l’habitation du preneur (bail mixte), la jurisprudence considère qu’il est commercial pour le tout, sauf disposition contraire expresse.
 
1.3.            Exploitation d’un fonds appartenant à un commerçant, un industriel ou un artisan.
L’article 1er du décret (article L 145-1 du Code de Commerce) exige que le locataire commerçant ou industriel soit inscrit au Registre du Commerce et des sociétés et que le locataire artisan le soit au Répertoire des Métiers ; le défaut d’inscription entraine l’exclusion du locataire du bénéfice du statut notamment pour le renouvellement du bail.
L’article 38 du décret du 30 septembre 1953 (article L 145-23 du Code de Commerce) concerne l’application aux étrangers du statut des baux commerciaux ; seules 3 sortes de commerçants étrangers peuvent bénéficier totalement du statut :
-          Les ressortissants de la CEE.

-          Les étrangers anciens combattants.

-          Les étrangers qui ont eu des enfants de nationalité française.
Les autres bailleurs de nationalité étrangère sont exclus du champ d’application de l’article L 145-2 du Code de Commerce relatif notamment au renouvellement du bail.
 
1.4.            Conditions quant à la durée du bail
Selon l’article 3-1 du décret du 30 septembre 1953, la durée du contrat de location ne peut être inférieure à neuf ans ; toutes les clauses qui auraient pour effet de réduire la durée minima de 9 ans seraient nulles et de nul effet.
En revanche, il est permis de donner au bail une durée supérieure à 9 ans.
Le locataire conserve de droit de résilier le bail à l’expiration de chaque période triennale et pour ce faire, il aura à donner congé 6 mois à l’avance par acte d’huissier. En ce cas, il perd tout droit à indemnité d’éviction et doit quitter les lieux à l’expiration de la période triennale sans pouvoir invoquer le droit au maintien dans les lieux.
De même, le bailleur a la faculté de reprendre les lieux loués à l’expiration de chaque période triennale dans les mêmes formes et délais, mais seulement pour un des motifs suivants :
-          Construire ou reconstruire ou exécuter des travaux dans un secteur sauvegardé (article 10).

-          Reprise temporaire pour surélévation de l’immeuble (article 13).

-          Reprise de terrains pour construire un local d’habitation (article 15).
 
2.      Les relations entre les parties au cours du bail.
Le bail commercial demeure un contrat de louage soumis au droit commun, mais les obligations légales des parties peuvent être complétées ou précisées par les clauses du contrat (par exemple : la clause autorisant la sous-location qui est sans cela interdite (article L 145-31 du Code de Commerce)).
2.1.            Les droits du locataire
Le locataire commerçant a le droit de jouir des locaux qui font l’objet du bail, mais il bénéficie en plus de 3 prérogatives particulières.
2.1.1.      Le locataire a la faculté de résilier le bail unilatéralement tous les 3 ans.
La durée minimum de la location est comme nous l’avons vu de 9 ans. Mais cette durée ne s’impose qu’au bailleur puisque, sauf stipulation contraire, le locataire a la faculté de mettre fin au bail à l’expiration de chaque période triennale, par un congé donné selon les usages locaux et au moins 6 mois à l’avance (article L 145-4 du Code de Commerce). Le congé sera délivré par acte d’huissier ; cet acte ne peut pas être remplacé par aucun autre acte ou par une lettre recommandée.
Il précisera sous peine de nullité les motifs pour lesquels, il est donné et indiquera que le locataire qui entend soit contester le congé, soit demander le paiement d’une indemnité d’éviction, doit à peine de forclusion, saisir le tribunal avant l’expiration d’un délai de 2 ans à compter de la date pour laquelle le congé a été donné (article 5).
A défaut de congé, le bail se prolonge par tacite reconduction pour une durée indéterminée.
2.1.2.      Le locataire n’est pas tenu de respecter absolument la destination des lieux.
Le droit commun précise que le preneur est tenu d’user de la chose louée suivant la destination qui lui a été donnée par le bail, ou suivant celle présumée d’après les circonstances, à défaut de convention (article 1728 du Code Civil). Ainsi, le bail fixe l’usage que le locataire pourra faire de l’immeuble (habitation, exercice de telle activité professionnelle…). L’article 1729 du Code Civil ajoute que le bailleur peut faire résilier le bail si le locataire emploie la chose louée à usage autre que celui stipulé par le contrat.
En matière commerciale, beaucoup de bailleurs définissent de manière stricte les activités permises au locataire (exemple : bail conclu à usage de librairie, ou d’épicerie). Cependant, l’activité commerciale a parfois besoin d’évoluer et la loi a donc prévu de permettre au locataire commerçant de modifier plus ou moins la nature de ses activités : c’est la «déspécialisation».
2.1.2.1.            La déspécialisation restreinte (article L 145-47 du Code de Commerce)
La déspécialisationrestreinte est le droit accordé au locataire d’adjoindre à l’activité prévue au bail des activités connexes ou complémentaires (article 34 du décret).
Toutefois, le preneur ne jouit pas d’un droit discrétionnaire d’étendre ses activités : toute extension ou modification de commerce sans respecter la procédure prévue à l’article 34 du décret peut entrainer la résiliation du bail ou motiver un refus de renouvellement.
C’est le Tribunal de Grande Instance qui a compétence pour se prononcer sur le caractère connexe ou complémentaire des activités projetées ; aucun délai n’est prévu par sa saisine et l’appréciation des juges est souveraine.
2.1.2.2.            La déspécialisation plénière (article L 145-48 du Code de Commerce)
On appelle déspécialisation plénière, l’autorisation donnée au locataire d’exercer une ou plusieurs activités différentes de celles prévues au bail. Elle consiste soit en l’adjonction d’activités ne présentant pas un caractère connexe ou complémentaire avec l’activité prévue au bail, soit même un changement total de destination.
Aussi, est-elle soumise à des conditions plus sévères que la déspécialisation restreinte : elle ne peut être autorisée en principe que lorsqu’elle est justifiée par la conjoncture économique et les nécessités de l’organisation rationnelle de la distribution. Toute latitude est laissée aux tribunaux pour cette appréciation, mais ceux-ci rejettent les demandes du droit de cession. Il convient au surplus que les activités nouvelles soient «compatibles avec la destination, les caractères et la situation de l’immeuble».
La procédure est prévue par les articles 34-1 et suivants du décret : le Tribunal de Grande Instance est compétent soit pour autoriser ou refuser la transformation, soit pour en fixer les modalités ; il l’est également pour statuer éventuellement sur les droits des créanciers inscrits et des locataires opposants (article 34-4).
Le bailleur a la faculté de demander une nouvelle fixation du loyer sans application au plafond indiciaire et ce, sans attente comme pour la déspécialisation restreinte, la date de la révision triennale.
2.1.2.3.            Autre déspécialisation (article L 145-51 du Code de Commerce).
Quand le locataire, ayant demandé à bénéficier de ses droits à la retraite du régime social auquel il est affilié aura signifié à son propriétaire et aux créanciers inscrits sur le fonds de commerce son intention de céder son bail en précisant la nature des activités dont l’exercice est envisagé ainsi que le prix proposé, le bailleur aura, dans un délai de 2 mois, une priorité de rachat aux conditions fixées dans la signification. A défaut d’usage de ce droit par le bailleur, son accord sera réputé acquis, si dans le délai de 2 mois, il n’a pas saisi le Tribunal de Grande Instance.
2.1.3.      Le locataire a le droit de céder son bail à l’acquéreur de son fonds de commerce.
En droit civil, le bail est conclu en considération de la personne du locataire. Il ne peut être cédé à un tiers qu’avec le consentement du bailleur.  
La règle est différente en droit commercial car la cession du fonds de commerce n’est possible qu’avec celle du bail qui sert de support. Donc, il est nécessaire d’admettre de pleins droit la cession à l’acquéreur du fonds, toute clause contraire étant réputée non écrite (article L 145-16 du Code de Commerce). Cette faculté est d’interprétation stricte et à défaut d’accord du bailleur. Le locataire ne peut pas céder son bail à quelqu’un qui ne serait pas le continuateur de son commerce.
Cette faculté de cession n’empêche pas au bailleur de stipuler dans le bail qu’il participera à l’acte de cession ou au moins qu’il y soit convoqué. A défaut, pour le cédant de respecter cette formalité, le bailleur pourrait obtenir la résolution du bail.
Le bail peut également prévoir que la cession ne sera possible que si le locataire est à jour du paiement du loyer et des charges ou bien encore une clause peut stipuler que le cédant sera garant solidairement avec le cessionnaire du paiement du loyer et des charges.
 
2.2.            Les obligations du locataire : le paiement des loyers.
Le locataire commerçant est tenu de toutes les obligations qui pèsent habituellement sur un locataire : respecter les clauses du contrat du bail, jouir des lieux conformément aux usages… Mais la situation est particulière en ce qui concerne le paiement du loyer.
2.2.1.      Loyer initial
Le loyer initial est fixé librement et amiablement par les parties. Si les parties ne peuvent s’entendre, la fixation peut avoir lieu par l’intermédiaire du juge des loyers.
2.2.2.      La révision triennale
Tous les 3 ans, le loyer est soumis à un réajustement. Cette révision a un caractère légal (article L 145-37 et L 145-38 du Code de Commerce). Mais elle n’est pas automatique. Elle doit être demandée par le bailleur.
La demande de révision ne pourra donc être formée que 3 ans après la date d’entrée en jouissance du locataire et après le point de départ du bail renouvelé, ainsi que tous les
3 ans à compter du jour où le nouveau prix est applicable (article 27).
Elle est formée par acte d’huissier ou par lettre recommandée avec accusé de réception. A peine de nullité, elle doit préciser le montant du loyer demandé. Le nouveau prix est dû à dater du jour de la demande (jour de sa réception) à moins que les parties ne soient mises d’accord avant ou pendant l’instance sur une date plus ancienne ou plus récente.
Le principe, la notion de valeur locative doit servir de référence pour le montant des loyers des baux àrenouveler ou à réviser.
A défaut d’accord des parties, la valeur locative sera déterminée juridiquement par le Président du Tribunal de Grande Instance en fonction des critères retenus à l’article 23 du décret, à savoir :
-          Les caractéristiques du local considéré (article 23-1).

-          La destination des lieux (article 23-2).

-          Les obligations relatives des parties (article 23-3).

-          Les facteurs locaux de la commercialité (article 23-4).

-          Les prix couramment pratiqués dans le voisinage (article 23-5).
Toutefois, la révision légale ne permet pas toujours de faire correspondre le loyer à la valeur locative, car elle imposerait aux locataires des hausses difficilement supportables. Aussi, depuis 1965, les locataires ont obtenu que la hausse soit plafonnée. La majoration de loyer consécutive à une révision triennale ne peut excéder en principe la variation de l’indice trimestriel du coût de la construction intervenue selon la dernière fixation.
Pour échapper à ce plafonnement, le bailleur devrait apporter la preuve d’une modification matérielle des facteurs locaux de commercialité ayant entrainé une variation de la valeur locative de plus de 10%. Ce plafonnement ne joue pas en cas de déspécialisation.
La Cour de Cassation dans un arrêt du 24 janvier 1996 connu sous le nom de «privilège» avait admis l’ajustement à la baisse pour correspondre à la valeur mais cette jurisprudence a été écartée par le législateur dans la loi MURCEF (Mesures Urgentes de Réformes à Caractère Economique et Financier). En effet, la nécessité de démontrer une modification des facteurs locaux de commercialité pour obtenir une révision au-delà de la simple application des indices déroge désormais de façon expresse à l’obligation de fixer le loyer révisé à la valeur locative.
On revient donc à ce que le montant du loyer ne puisse être révisé au-delà de la variation de l’indice du coût de la construction, à la baisse ou à la hausse, que si l’environnement économique a été modifié.
La 3ème chambre civile de la Cour de Cassation dans un arrêt du 27 février 2002 a confirmé l’acte de décès de sa jurisprudence antérieure.
2.2.3.      Les clauses contractuelles de révision
La révision légale peut se combiner avec une révision conventionnelle, résultant d’une clause d’échelle mobile insérée dans le bail. Conformément au droit commun, cette clause est valable si l’indice choisi est en relation directe avec l’objet du bail ou l’activité de l’une des parties.
 
3.      Les relations entre les parties à l’expiration du bail.
Les baux des locaux soumis au statut ne cessent que par l’effet d’un congé ou par la résiliation. Toutefois, la loi reconnait au locataire d’un local ou d’un immeuble à usage commercial le droit d’obtenir le renouvellement de son bail venu à expiration ou à défaut d’obtenir une indemnité d’éviction représentant le préjudice causé au premier par la privation des locaux.
3.1.            Le congé
Le congé doit être donné suivant les usages locaux et au moins 6 mois à l’avance. Le congé sera délivré par acte d’huissier : cet acte ne peut pas être remplacé par aucun autre acte ou par une lettre recommandée.
Il précisera à peine de nullité les motifs pour lesquels il est donné et indiquera que la locataire qui entend soit contester le congé, soit demander le paiement d’une indemnité d’éviction, doit à peine de forclusion, saisir le tribunal avant l’expiration d’un délai de deux ans à compter de la date pour laquelle le congé a été donné (article 5).
A défaut de congé, le bail se prolonge par tacite reconduction pour une durée indéterminée.
3.2.            Le renouvellement du bail
 
3.2.1.      Le droit au renouvellement.
Seuls peuvent bénéficier de ce droit le locataire, le cessionnaire du bail et les ayants droits du locataire à la condition qu’ils soient propriétaires du fonds exploité dans les lieux (article L 145-8 du Code du Commerce).
Le sous-locataire a un droit direct envers le propriétaire à 2 conditions :
-          Que la sous-location ait reçu l’agrément du propriétaire.

-          En cas de sous location partielle, que les lieux faisant l’objet du bail principal soient divisibles matériellement ou contractuellement.
Les baux passés par l’administrateur légal ou le tuteur d’un mineur d’ouvrent pas droit au renouvellement, ni à l’indemnité d’éviction ; mais le preneur titulaire d’un bail qui lui a été consenti avant l’ouverture de la tutelle de l’administration légale continuera à bénéficier du droit au renouvellement lorsque ledit bail viendra à expiration.
En ce qui concerne l’exploitation du fonds de commerce :
-          L’exploitation du fonds doit avoir existé d’une façon continue pendant les 3 ans qui ont précédé la date d’expiration du bail.

-          En cas de cession du fonds, le cessionnaire peut se prévaloir de la durée d’exploitation du cédant pour compléter la sienne.

-          Le fonds peut être exploité par toute personne autre que le locataire (notamment mise en gérance libre).

3.2.2.      La demande de renouvellement.
A défaut de congé, le locataire qui veut obtenir le renouvellement de son bail doit en faire la demande. Cette demande doit être faite dans les mois précédant la fin du bail, soit le cas échéant à tout moment en cours de reconduction.
3.2.2.1.            Les formes
Elle est obligatoirement formulée par acte d’huissier ; une demande par lettre recommandée avec accusé de réception serait nulle.
Elle doit à peine de nullité reproduire les termes de l’alinéa 4 de l’article 6 selon lesquels le bailleur doit faire connaître au demandeur s’il refuse le renouvellement, en précisant les motifs de ce refus.
Le bailleur qui n’a pas répondu dans les 3 mois est réputé avoir accepté le principe de renouvellement, mais le bailleur peut encore revenir sur son acceptation tacite aussi bien que formelle, celle-ci n’ayant toujours qu’un caractère provisoire.
Le propriétaire a un délai de 3 mois pour répondre également par acte d’huissier à la notification de la demande, en indiquant le délai de forclusion imparti au locataire, soit pour contester le refus de renouvellement, soit pour demander le paiement d’une indemnité d’éviction.
3.2.2.2.            Acceptation de la demande
Lorsque le propriétaire, sans être opposé au principe du renouvellement du bail, désire obtenir une modification du prix, il doit dans la réponse à la demande de renouvellement (ou dans le congé) faire connaître le loyer qu’il propose. S’il omet de le faire, le nouveau prix ne sera dû qu’à compter de la demande qui en sera faite ultérieurement : jusqu’à cette demande l’ancien loyer continuera à courir.
3.2.3.      Le refus de la demande de renouvellement
En cas de refus de la demande de renouvellement, le bailleur doit indiquer les motifs de son refus.
3.2.3.1.            Refus de renouvellement avec paiement d’une indemnité d’éviction
Le bailleur peut toujours refuser le renouvellement du bail ; mais il doit alors, sauf exceptions énumérées aux articles L 145-17 et suivants du Code de Commerce, payer au locataire une indemnité d’éviction.
3.2.3.1.1.                  Fixation de l’indemnité d’éviction
Elle comprend en principe la valeur marchande du fonds de commerce déterminée suivant les usages de la profession à laquelle s’ajoutent éventuellement les frais normaux de déménagement et de réinstallation ainsi que les frais et droits de manutention à payer sur un fonds de même valeur, sauf si ce propriétaire prouve que le préjudice est moindre. L’indemnité est évaluée à la date la plus rapprochée possible du départ du locataire, c’est-à-dire au moment où le tribunal statue.

3.2.3.1.2.                  Paiement de l’indemnité d’éviction
Le locataire pouvant prétendre à l’indemnité d’éviction bénéficie du droit au maintien dans les lieux jusqu’au versement de ladite indemnité.
En contrepartie du droit au maintien qui lui est accordé, le locataire maintenu est redevable d’une indemnité d’occupation. Elle est généralement inférieure au montant de la valeur locative pour tenir compte de la précarité de l’occupation. Les demandes en fixation à l’indemnité d’occupation doivent être portées devant le Tribunal de Grande Instance.
En cas de versement de l’indemnité, l’occupant doit évacuer les lieux et en remettre les clés le 1er jour du terme d’usage qui suivra le versement de l’indemnité. S’il ne le fait pas, il encourt une pénalité de 1% par jour de retard sur le montant de l’indemnité ; mais cette pénalité n’est due que si une mise en demeure a été préalablement notifiée à l’occupant et qu’il y ait eu désignation d’un séquestre par le tribunal.
La mission du séquestre consiste à verser au locataire sur la seule quittance et contre remise des clés l’indemnité d’éviction après avoir vérifié qu’il n’y ait pas d’opposition de créanciers et que le loyer et les impôts ont été payés.
3.2.3.1.3.                  Le droit de repentir au bailleur
L’article 32 du décret accorde au propriétaire ayant refusé le renouvellement et tenu au paiement d’une indemnité d’éviction le droit de revenir sur son refus pour se soustraire au paiement de ladite indemnité à charge pour lui de supporter les frais de l’instance et de consentir au renouvellement du bail. C’est ce que l’on appelle le droit de repentir.
L’exercice de ce droit n’est possible qu’autant que le locataire est encore dans les lieux et n’a pas déjà loué ou acheté un autre immeuble destiné à sa réinstallation.
Le délai imparti au bailleur est de 15 jours à compter de la date à laquelle la décision est passée en force de chose jugée (la signification du jugement est toujours nécessaire pour faire courir le délai d’appel).
Lorsque le délai de 15 jours imparti au propriétaire par l’article 32 pour l’exercice de son droit de repentir est expiré sans qu’il ait usé de ce droit, l’indemnité d’éviction deviendra alors exigible.
Toutefois, la loi accorde encore au bailleur un délai de 3 mois à compter du commandement qui devra être notifié conformément à l’article 20 pour la payer ou la verser entre les mains d’un séquestre.
Sinon, le nouveau bail consenti par le propriétaire prend effet à partir du jour où le repentir a été notifié au locataire.
3.2.3.2.            Refus de renouvellement sans indemnité d’éviction
Le bailleur peut refuser le renouvellement du bail sans être tenu au paiement d’une indemnité d’éviction dans les cas suivants :
3.2.3.2.1.                  Motif grave et légitime de résiliation du bail
La gravité du ou des motifs invoqués est appréciée souverainement par les juges. Mais s’il s’agit soit de l’inexécution d’une obligation incombant au locataire (défaut de paiement des loyers, défaut d’entretien, changement de destination…) soit d’une cessation de l’exploitation du fonds sans raison sérieuse et légitime, le bailleur ne pourra se prévaloir de l’infraction que si celle-ci s’est poursuivie ou renouvelée plus d’un mois après mise en demeure d’avoir à la faire cesser.
Cette mise en demeure sera effectuée par acte d’huissier et devra contenir l’indication du motif invoqué et reproduire les termes de l’alinéa 1er de l’article L 145-17 du Code du Commerce.
3.2.3.2.2.                  Immeuble insalubre ou dangereux.
Il n’est pas nécessaire qu’un arrêté de péril ait été pris, il suffit que le tribunal ait reconnu l’existence d’un danger même s’il n’y a pas de péril imminent.
Le locataire dispose d’un droit de propriété pour louer des locaux à usage commercial dans l’immeuble reconstruit (articles L 145-18 ; L 145-19 ; L 145-20 du Code de Commerce).
3.2.3.2.3.                  Reprise en vue de l’habitation (article L 145-22 du Code de Commerce).

3.2.3.3.            Refus de renouvellement avec indemnité d’éviction réduite ou offre d’un local de remplacement.
Les cas sont les suivants :
-          Reprise pour construire (article 10).

-          Reprise pour surélévation (article 13).

-          Reprise de terrain pour construire sur un terrain nu (article 15).

-          Reprise par le propriétaire vendeur de fonds (article 16).

-          Reprise par les collectivités publiques (article 17).
 
3.3.            La résiliation du bail.
La résiliation du bail peut intervenir de 2 façons :
-          Par décision judiciaire : en cas d’infractions du preneur à ses obligations, le bail peut être résilié par le Tribunal si les infractions sont jugées assez graves.

-          Par le jeu d’une clause résolutoire : une clause résolutoire peut être prévue dans le bail pour sanctionner toute obligation incombant au preneur et la résiliation se trouve automatiquement acquise par le jeu de la clause. Cependant, la clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit à défaut de paiement du loyer ne produit d’effet qu’un mois après commandement de payer, resté infructueux et le commandement doit à peine de nullité mentionner ce délai.
Toutefois, le locataire peut demander des délais de paiement dans les formes et les conditions de l’article 1244 du Code Civil après l’expiration du terme prévu au commandement ; la clause résolutoire ne joue pas si le locataire se libère dans le délai qui lui est accordé.
 
4.      Les tribunaux compétents pour connaître des litiges en matière de baux commerciaux.

4.1.            La compétence d’attribution

4.1.1.      Compétence du Président du Tribunal de Grande Instance.
Ce magistrat constitue une juridiction d’exception dont la compétence est strictement délimitée.
Seules les contestations relatives à la fixation du prix du bail révisé ou renouvelé, quel que soit le montant du loyer, sont de sa compétence. Toutes les autres contestations lui échappent.
4.1.2.      Compétence du Tribunal de Grande Instance
Sont de sa compétence les actions en paiement d’une indemnité d’éviction en cas de refus de renouvellement du bail, les actions en paiement d’une indemnité d’occupation par le locataire évincé pouvant prétendre à une indemnité d’éviction, les actions en validité des congés donnés avec refus de renouvellement dans les formes de l’article 5, celles en validité des cessions et des sous-locations, celles relatives aux changements d’affectation intervenus notamment dans le cadre de la déspécialisation. En outre, le Tribunal de Grande Instance peut connaître accessoirement d’un litige portant sur la fixation du loyer (ainsi qu’un litige concernant le droit à renouvellement du bail pourra comporter également la demande en fixation du loyer).
Devant le Tribunal de Grande Instance, on aura recours à la procédure ordinaire, la procédure avec mémoire préalable ne s’impose que devant le juge des baux commerciaux.
4.1.3.      Compétence du Tribunal d’Instance
Le Tribunal d’Instance est compétent pour connaître de toutes les actions dont le contrat de louage d’immeubles est l’objet, la cause ou l’occasion. Il n’y a pas d’exception pour les locaux à usage commercial à la condition que le litige n’ait pas trait à l’application du statut.
Devront être portées devant le Tribunal d’Instance :
-          Les actions en paiement de loyers quel qu’en soit le chiffre, les actions en paiement de charges et les actions en paiement d’indemnité d’occupation si le locataire ne bénéficie pas du droit au maintien.

-          Les actions en validité ou nullité de congé.

-          Les actions en résiliation de bail.

-          Les actions en exécution de réparations concernant les lieux loués.

-          Les actions en indemnité du preneur contre le bailleur pour trouble ou privation de jouissance, du bailleur contre le preneur pour dégradations.

-          Les demandes d’expulsion.
En revanche, le juge des référés est compétent en cas d’urgence pour ordonner une mesure d’expertise en matière de demande en paiement d’une indemnité d’éviction ou d’occupation sur le fondement de l’article 20 du Décret du 30 septembre 1953.
Si le Tribunal de Grande Instance était déjà saisi, la compétence reviendrait au juge de la mise en état.
 
4.2.            La compétence géographique.
La juridiction territorialement compétente, qu’il s’agisse de celle du Tribunal de Grande Instance, du Tribunal d’Instance ou du Tribunal de Commerce est celle du lieu de la situation de l’immeuble.
 
4.3.            La prescription
Aux termes de l’article L 145-60 du Code de Commerce, toutes les actions relatives au statut des baux commerciaux se prescrivent par 2 ans.
Cette prescription est interrompue non seulement par l’acte introductif d’instance, mais encore par la notification du mémoire prévu à l’article 29 du Décret.
Par contre, les actions du locataire en contestation de congé et en demande d’indemnité d’éviction sont soumises à un délai de forclusion de 2 ans qui n’est pas susceptible d’interruption.
 
5.      La révision nécessaire du régime des baux commerciaux.
Les baux commerciaux sont réglementés depuis le décret du 30 septembre 1953. Ce texte a été rédigé après la guerre et semble aujourd’hui anachronique. Toiletté à plusieurs reprises, il est critiqué par les propriétaires bailleurs et par les locataires. Ses règles s’appliquent en effet à des biens immobiliers très divers et à des marchés déconnectés les uns des autres : ceux des petites boutiques, des centres commerciaux, des surfaces de bureaux de 200m2 et des tours entières. Après 50 ans d’existence, le texte mérite d’être modernisé. Plusieurs groupes de travail planchent sur des propositions émanant de diverses instances professionnelles. Leurs intérêts sont souvent divergents : les propriétaires aimeraient sortir du carcan du bail 3-6-9 et du loyer plafonné ; les locataires souhaiteraient eux que soit mieux définie la répartition des charges ; et tous poussent le législateur à leur accorder la possibilité de régler leurs litiges par une voie moins coûteuse et moins longue que la saisine des tribunaux.
Le rapport sur la modernisation du statut des baux commerciaux et des baux professionnels a été remis au garde des Sceaux le 5 mai 2004. Le groupe de travail a élaboré 40 recommandations visant à simplifier les textes tout en conservant l’équilibre général du statut des baux commerciaux. Quatre objectifs sont poursuivis :
-          Adapter les textes aux pratiques.

-          Proposer des modes alternatifs de règlement des différends.

-          Lutter contre la désertification des centres villes.

-          Prendre en compte les particularités des bureaux et des locaux professionnels.
Le groupe de travail propose ainsi aux parties d’un bail à usage exclusif de bureaux de fixer librement sa durée. Il fait de plus des propositions relatives au loyer et à l’indemnité d’éviction. Il retient le «caractère manifestement surévalué ou sous-évalué du loyer» comme nouvelle cause de déplafonnement et préconise la mise en place d’observatoires locaux des loyers commerciaux et la création d’un indice INSEE mesurant le coût de la location, plus pertinent que celui du coût de la construction.
Par ailleurs, le groupe de travail recommande d’améliorer l’information du nouveau locataire sur la nature et le montant des charges par la remise d’un dossier technique et de respecter les délais annuels de régularisation des charges. Il propose aussi des mesures d’ordre procédural ou pratique : suppression de la référence aux usages locaux, encadrement de la durée des préavis entre 6 à 18 mois, délai de libération des locaux porté de 15 jours à 3 mois suite à une éviction, exécution par provision des décisions de fixation du loyer renouvelé.
Pour réduire le taux et la durée des contentieux relatifs aux baux commerciaux, le groupe encourage un recours accru à la commission départemental de conciliation en élargissant son champ de compétence aux litiges relatifs au loyer, au dépôt de garantie, aux charges et aux travaux.
 



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