Lexique Médico-Juridique

 Le Livre d'Or
 

 
 
 

Les Attributs de la Personnalité

 

La personnalité juridique est une aptitude reconnue par le droit aux personnes d'avoir des droits et des obligations mais elle n'est pas réservée exclusivement à l'individu : il existe des groupements d'individus qui doivent gérer des biens communs et agir : ces groupements constituent des personnes morales. Le Code Civil ne raite que des personnes physiques et la notion de personne morale a été consacrée par des lois spéciales et la jurisprudence qui considère que cette personnalité morale est fiction créée par le législateur, cette fiction permettant par exemple de considérer que les biens mis en commun sont la propriété du groupement et non des membres du groupement, et à la personne physique représentant légal du groupement de passer les actes juridiques relatifs au patrimoine du groupement et à la défense de ses intérêts.

 

1. Personnes physiques et personnes morales.

        1.1. Nature juridique de la personne morale

La doctrine a proposé 3 systèmes pour fonder la notion de personnalité morale.

            1.1.1. Le système de la fiction

C'est la théorie d'un juriste allemand Savigny : selon lui, seules les personnes humaines peuvent être des sujets de droit car elles seules ont une volonté ; reconnaître des droits issus de la volonté à d'autres personnes qu'humaines, ce ne peut être qu'en vertu d'une fiction. De cette théorie, il résulte que la personne morale ne peut exister qu'en vertu d'une concession de la loi et que seul le souverain peut déterminer l'étendue de cette personne morale.

Ces arguments supportent cependant 3 critiques : 

- cette théorie n'est pas réaliste au regard des réalités commerciales

- elle ne permet pas d'expliquer l'Etat lui-même.

- elle est différente de la réalité historique : les communes sont apparues au 12ème siècle alors que la loi n'est apparue de façon claire qu'au 18ème siècle.

            1.1.2. Le système des patrimoines collectifs

Cette idée a été défendue pour Planiol : ce système se contente de nier l'utilité de la personne morale en posant que dans une société c'est la cohabitation des patrimoines de ses membres qui forme le patrimoine de cette société.

De nombreuses critiques ont été apportées à cette théorie : 

- le droit français ne connaît pas la propriété collective

- la notion de personne morale comporte un élément de durée dont la théorie du patrimoine collectif ne permet pas de rendre compte : un patrimoine collectif est soumis à la mort de ceux qui le forment alors qu'une personne morale peut être perpétuelle.

            1.1.3. La théorie de la réalité.

Selon cette thèse, on considère que les personnes morales sont des êtres réels et pour cela on avance plusieurs arguments : 

- un argument historique : la plupart des personnes morales sont apparues spontanément sans intervention étatique

- un argument juridique : ceux qui ont nié a personne morale sont partis d'un postulat aux termes duquel seules les personnes humaines ont des droits parce qu'elles ont seules la volonté ; cependant, il existe des personnes humaines sans volonté qui jouissent de droits.

- un argument sociologique : l'existence des personnes morales est une nécessité, un moyen de défense contre l'Etat.

La Cour de Cassation a consacré cette thèse de la réalité dans un arrêté du 25 janvier 1954. Finalement, la question qui se pose est celle du degré d'autonomie juridique qu'il faut accorder à ces groupements.

 

        1.2. Les différentes personnes morales

On distingue : 

            1.2.1. Les personnes morales de droit public

Elles sont traitées plus spécialement dans le cadre du cours de Droit Public. Elles correspondent : 

- soit à des circonscriptions territoriales

* État

* Département

* Communes

* Régions

- soit à des services d'intérêt général : 

* les établissements publics

            1.2.2. Les personnes morales de droit privé

                1.2.2.1. Les sociétés

Selon l'article 1832 du Code Civil : "la société est un contrat par lequel deux ou plusieurs personnes conviennent de mettre en commun des biens ou leur industrie en vue de partager le bénéfice ou de profiter de l'économie qui pourra en résulter. Les associés s'engagent de contribuer aux pertes".

On distingue les sociétés civiles et les sociétés commerciales : une société sera commerciale lorsque son objet est la réalisation d'opérations commerciales ou lorsqu'elle emprunte une forme commerciale. Une seconde distinction s'opère au niveau des sociétés commerciales entre sociétés de personnes et sociétés de capitaux. Les sociétés de personnes reposent sur l'intuitus personae, c'est-à-dire, la considération de la personnalité des membres de la société et les associés seront responsables personnellement et indéfiniment sur leurs biens des dettes sociales. Dans les sociétés de capitaux comme la société anonyme, la personnalité des associés s'efface devant les capitaux ; le législateur existe un capital minimum (37 000 euros pour la Société Anonyme) et les associés ne sont pas responsables qu'à concurrence de leurs apports.

                1.2.2.2 Les associations

Elles sont régies par la loi du 1er juillet 1901 qui édicte "l'association est la convention par laquelle deux ou plusieurs personnes mettent en commun d'une façon permanente leurs connaissances ou leur activité dans un BUT AUTRE QUE DE PARTAGER DES BÉNÉFICES".

Pour obtenir la personnalité morale, l'association doit faire une déclaration à la Préfecture ou à la sous Préfecture du siège social et déposer en même temps deux exemplaires des statuts et enfin publier au Journal Officiel dans le délai d'un mois le récépissé de la déclaration délivré par l'Administration.

L'association simplement déclarée n'a pas une complète capacité puisque le législateur lui interdit de recevoir des dons et des legs autres que les subventions de l'État, des départements et des communes et des cotisations de ses membres et elle ne pourra acquérir des immeubles autres que ceux qui sont destinés à son administration ou nécessaires à son fonctionnement.

L'association reconnue d'utilité publique a une capacité plus étendue qui lui permet de recevoir des dons et des legs avec l'autorisation du gouvernement. La reconnaissance d'utilité publique est accordée par décret en Conseil d'Etat.

En outre, les associations régies par la loi de 1901 et qui exercent une activité économique peuvent sous certaines conditions, émettre des obligations depuis la loi du 11 juillet 1985.

                1.2.2.3. Les syndicats professionnels

C'est la loi du 21 mars 1884 qui a reconnu aux individus le droit de se grouper pour l'étude et la défense de leurs intérêts professionnels.

Si un syndicat peut être constitué sans autorisation préalable, il doit pour le faire valablement déposer à la Mairie (ou à la Préfecture pour Paris) deux exemplaires des statuts avec l'indication de ses directeurs et cette déclaration confèrera au syndicat la personnalité morale.

Le syndicat ainsi doté de la personnalité morale pourra acquérir des biens mobiliers et immobiliers sans limitation et recevoir des dons et aura la capacité de contracter et d'agir en justice.

La loi a reconnu l'existence et l'exercice du droit syndical dans l'entreprise en 1968, et les syndicats les plus représentatifs des travailleurs jouent un rôle important dans la vie économique et sociale.

                1.2.2.4. Les fondations

Ce sont aussi des groupements à but désintéressé qui ne réunissent pas des personnes mais des biens affectés à un certain but.

Les avantages découlant de ce groupement ne profitent pas aux membres mais à des personnes extérieures à ces groupements, les bénéficiaires.

                1.2.2.5. Les groupements d'intérêt économique

Le GIE a été créé par l'ordonnance n°67821 du 23 septembre 1967 dans deux buts : favoriser la concentration et affronter la concurrence étrangère.

Il permet à deux ou plusieurs personnes physiques ou morales de mettre en oeuvre, pour une durée déterminée, tous les moyens propres à faciliter ou à développer leur activité économique, à améliorer ou accroître les résultats de cette activité (article 1 de l'ordonnance).

Le GIE peut donc s'appliquer : 

- pour des problèmes intérieurs à l'entreprise

- pour des problèmes en dehors de l'entreprise (chercheurs qui s'associent pour être financés par des tiers).

            1.2.3. Des catégories intermédiaires

Entre les entreprises privées et les entreprises publiques, nous avons les sociétés d'économie mixte dans lesquelles l'État ou des personnes morales de droit public ont une participation fréquemment majoritaire. Ici, sont associés financement public et initiative privée en vue de la réalisation de travaux ou missions d'intérêt général dans le cadre de sociétés anonymes soumises au droit commercial en même temps qu'à un contrôle de l'État.

 

        1.3. Les attributs de la personnalité morale

La personnalité morale confère des attributs analogues à ceux de la personnalité physique.

            1.3.1. Nom

Il est choisi par les représentants qualifiés de la personne morale. Pour les sociétés, le nom s'appelle raison sociale ou dénomination sociale.

            1.3.2. Domicile

Il est choisi par les représentants de la personne morale ; pour les sociétés le domicile, s'appelle siège social. Il peut y avoir pluralité de domiciles (domiciles aux lieux des succursales).

            1.3.3. Nationalité

Elle est déterminée par le domicile.

            1.3.4. Capacité

Les mêmes principes que pour les personnes physiques s'appliquent.

La capacité est la règle, l'incapacité l'exception.

 

2. L'État Civil

        2.1. Organisation

L'état civil est un service public qui fonctionne sous le contrôle de l'autorité judiciaire. Les registres de l'état civil sont tenus dans chaque commune par un officier de l'état civil qui est en principe le maire mais qui peut être remplacé par un adjoint ou un conseiller municipal, la désignation devant se faire dans l'ordre du tableau de nomination.

Les officiers de l'état civil sont placés sous le contrôle du parquet, plus précisément du procureur de la république, qui exerce un droit de contrôle général. Ce système présente cependant des lacunes : les renseignements fournis par les registres ne sont ni complets ni centralisés.

- les renseignements sont incomplets : les faits et les actes qui influent sur l'état des personnes sont très nombreux et parmi ces faits et actes, trois seulement donnent lieu à l'établissement d'actes d'état civil stricto sensu, à savoir la naissance, le mariage et le décès. Cette lacune tient à l'origine des actes de l'état civil qui se trouve dans les registres ecclésiastiques qui étaient tenus avant la révolution par le clergé catholique et les actes ont été sécularisés par une loi de 1792 mais on n'a pas amélioré le système. Par conséquent, des événements tels que l'adoption, l'émancipation ou la reconnaissance d'un enfant naturel ne donnent pas forcément lieu à la rédaction d'un acte d'état civil.

- les renseignements ne sont pas centralisés :  chaque acte de l'acte civil est dressé au lieu où s'est produit l'événement qu'il constate et cela peut rendre les recherches compliquées, surtout à supposer que l'on ignore le lieu où s'est déroulé un des événements. D'où l'importance d'un système d'appoint : celui des inscriptions et des transcriptions marginales.

Les mentions marginales sont des inscriptions en marge des actes d'état civil qui notent les principaux faits et actes qui concernent l'état de la personne sans pour autant donner lieu à la rédaction d'un acte spécial. Ces mentions sont souvent prescrites par la loi : ainsi l'article 62 du Code Civil prescrit de mentionner la reconnaissance d'un enfant naturel en marge de l'acte de naissance ; l'article 76 fait la même prescription pour al mention du mariage et du nom du conjoint : l'article 79 pour la mention du décès.

Toutefois, ce système demeure imparfait (pour les jugements déclaratifs, les déclarations ne sont pas obligatoires) et de plus il peut être défectueux en raison des risques d'erreurs dues aux surcharges et aux ratures des marges. Aussi préconise-t-on l'institution d'un casier civil où se trouveraient centralisés tous les événements concernant l'état de chaque personne et qui serait l'équivalent en matière civile du casier judiciaire en matière pénale.

 

        2.2. Règles communes aux actes de l'état civil

Les actes sont dressés par un officier de l'état civil dont la compétence est limitée au territoire de sa commune et ceci à 2 conséquences : d'une part, chaque officier n'est compétent que pour les actes reçus dans sa commune et d'autre part, il ne peut dresser d'actes qu'à propos des événements qui s'y sont déroulés.

Les actes sont en principe obligatoirement consignés sur les registres consacrés à cet effet ; pourtant le décret du 3 août 1962 (sous article 54 du Code Civil) permet parfois de les inscrire sur des feuilles mobiles moyennant des conditions qui garantissent leur sérieux : ils sont cotés, paraphés et l'autorisation du garde des sceaux est nécessaire. Ces feuillets seront reliés en fin d'année.

Quant à leur contenu, les actes doivent obligatoirement contenir certaines énonciations dites substantielles, c'est-à-dire, celles dont l'omission entraîne la nullité de l'acte (article 34 et 37 du Code Civil). L'officier doit, après avoir dressé l'acte, en donner lecture aux personnes appelées à le signer et aussi en vertu de l'article 38 les inviter à en prendre directement connaissance. On a ensuite signature par les déclarants et les témoins seulement requis pour l'acte de mariage.

 

        2.3. Règles particulières

            2.3.1. L'acte de naissance : article 55 et suivants du Code Civil

                2.3.1.1. Déclaration de naissance

Selon l'article 55 elle doit intervenir dans les 3 jours et ce délai est sanctionné pénalement et surtout civilement ; en effet, une déclaration tardive n'est pas recevable par l'officier de l'état civil et il faut alors un jugement déclaratif de naissance du tribunal de grande instance qui suppléera l'acte de naissance. L'obligation pèse d'abord sur le père (article 56) et à défaut sur le médecin ou la sage-femme ou toute autre personne ayant assisté à l'accouchement.

Théoriquement il ne s'agit que d'une déclaration reçue sans vérification par l'officier de l'état civil mais en pratique il exige toujours un certificat médical.

                2.3.1.2. Contenu de l'acte de naissance

L'article 57 énumère les énonciations substantielles qui se combinent avec elles de l'article 34. Il convient de s'arrêter sur l'indication des père et mère de l'enfant : ces indications, surtout le nom des parents, n'ont pas un caractère obligatoire.

Ceci ne pose pas de problème pour l'enfant légitime ; mais si l'enfant est naturel et s'il n'est pas reconnu par ses auteurs, on ne mentionne le nom des parents qui si le déclarant le fait connaître. Pourtant, une pratique qui consiste à indiquer au moins le nom de la mère à moins qu'elle ne s'y oppose formellement, est admise et sanctionnée par les tribunaux alors qu'il ne devrait pas en être ainsi. Depuis la loi du 3 janvier 1972, cette mention du nom de la mère fait preuve de la maternité naturelle lorsqu'elle est corroborée par la possession d'état (article 337). D'autre part, si le déclarant n'indique pas de nom à l'officier public, dans ce cas il ne doit être fait aucune mention dans les registres à ce sujet depuis une loi du 22 juillet 1922 qui a modifié l'article 57 : par conséquent l'enfant ne doit plus être inscrit comme né de père et mère inconnus comme il était usuel de le faire auparavant, ceci dans le but d'éviter la révélation directe de l'illégitimité de l'enfant.

                2.3.1.3. Actes de naissance concernant les enfants trouvés

Autrefois, on ne dressait pas d'acte de naissance, mais seulement un procès verbal détaillé dressé d'après les indications fournies par le déclarant. L'article 58 al. 3 prescrit désormais d'établir en outre un acte provisoire qui tiendra lieu d'acte de naissance pour permettre à l'intéressé de justifier éventuellement de son état sans avoir à révéler sa qualité d'enfant trouvé. Ces actes pourront être ultérieurement annulés si on vient à connaître les conditions dans lesquelles l'enfant est né.

            2.3.2. L'acte de mariage

C'est l'officier d'état civil qui célèbre le mariage.

L'article 76 du Code Civil indique les mentions que doit comporter l'acte de mariage.

            2.3.3. L'acte de décès : article 78 et suivants du code civil

                2.3.3.1. Déclaration du décès

Cette déclaration doit avoir lieu dans les 24 heures qui suivent l'événement mais ce délai n'est pas sanctionné en matière civile et une déclaration tardive est recevable. L'obligation de déclaration du décès ne pèse sur personne en particulier : l'article 78 est vague à ce sujet. En fait, la famille du défunt est indirectement contrainte à une déclaration rapide en raison de l'exigence d'un permis d'inhumer que l'officier d'état civil a qualité de délivrer sur production d'un certificat médical constatant le décès.

                2.3.3.2. Contenu de l'acte de décès

Il est mentionné dans l'article 79. Aucune autre mention que celles énumérées dans l'article 79 ne doit y figurer en particulier l'article 85 interdit de relater les causes de la mort.

Une fois dressé, l'acte de décès doit être mentionné en marge de l'acte de naissance (article 79 in fine) : de plus, si le décès a lieu en dehors de la commune où le défunt avait son domicile, il doit être transcrit sur les registres de l'état civil du lieu du domicile (article 80), ceci étant destiné à éviter l'usurpation de l'état civil d'une personne décédée.

            2.3.4. L'acte de reconnaissance volontaire d'un enfant

La déclaration de reconnaissance peut être reçue par l'officier d'État Civil.

L'acte de reconnaissance énonce les prénoms, nom, date de naissance, ou à défaut, âge, lieu de naissance et domicile de l'auteur de la reconnaissance. Il sera inscrit sur les registres de l'état civil.

 

        2.4. Sanctions des règles relatives à la rédaction des actes de l'état civil

            2.4.1. Sanctions civiles et pénales.

Des peines d'amende et d'emprisonnement des condamnations à des dommages et intérêts sont prévues contre les officiers publics qui ont enfreint ces règles et parfois aussi contre les particuliers qui ont omis de faire des déclarations obligatoires. En ce qui concerne l'officier de l'état civil, toute irrégularité de sa part engage sa responsabilité civile envers la personne lésée (article 1382).

            2.4.2. Nullité des actes irréguliers

La nullité est la sanction normale de l'inobservation des formalités prescrites par la loi pour l'établissement des actes. Mais, pour les actes de l'état civil le législateur n'a pas prévu de nullité et la jurisprudence en a conclu que l'inobservation des formalités légales ne devait pas être sanctionnée par la nullité automatiquement.

La jurisprudence a procédé à une distinction dont il résulte que la nullité n'est encourue que dans le cas d'irrégularités particulièrement graves, c'est-à-dire, l'omission d'une formalité substantielle dont l'absence fait perdre tout caractère à l'acte : 

- acte rédigé sur une feuille volante ni cotée, ni paraphée et sans l'autorisation requise

- acte rédigé après coup au lieu de l'être au moment même de la déclaration ainsi que la loi le prescrit.

- acte dressé par une personne qui n'a pas la qualité d'officier de l'état civil ou encore un officier hors de sa commune.

Au contraire, des irrégularités légères comme l'inexactitude du nom ou du domicile n'entraîneront pas la nullité de l'acte, mais donneront lieu à une procédure de rectification de l'acte, tantôt administrative ou judiciaire. Enfin, même en présence d'une irrégularité grave, les tribunaux se reconnaissent un pouvoir d'appréciation pour prononcer ou non la nullité : ainsi l'incompétence territoriale de l'officier de l'état civil qui a procédé à la célébration d'un mariage n'entraîne la nullité qu'en cas de fraude à la loi, par exemple, celle où les époux choisissent délibérément de se marier en un autre lieu que celui de leur domicile ou de leur résidence. Cette jurisprudence restrictive se justifie en considération des effets de la nullité qui prive de tout effet l'acte annulé, ceci au détriment des intéressés qui n'y sont pour rien alors que l'irrégularité qui est à la base de l'annulation est le fait de l'officier de l'état civil et non des particuliers.

            2.4.3. Rectification des actes de l'état civil

Les articles 99 à 101 prévoient une procédure double : administrative ou judiciaire.

                2.4.3.1. La rectification administrative

Elle s'applique au redressement des erreurs et omissions purement matérielles, par exemple, la date, l'orthographe. Cette procédure est une innovation due à une ordonnance du 23 août 1958 ; selon l'article 99 in fine, le procureur de la république peut ordonner directement au dépositaire des registres de procéder à la rectification.

                2.4.3.2. La rectification judiciaire

Puisque l'autorité judiciaire a chargé de veiller sur l'état civil, il est normal qu'elle ait compétence pour la rectification de toutes les erreurs matérielles de moyenne gravité, en particulier celles qui portent sur des mentions essentielles de l'acte. La rectification est ordonnée par le président du tribunal de grande instance dans le ressort duquel l'acte a été dressé sur une simple requête présentée soit par tout intéressé soit par le procureur de la république lui-même. Le dispositif de la décision sera ensuite transcrit en marge de l'acte rectifié et après, on ne délivre d'extraits ou de copies qu'assorties de la rectification (article 101). Enfin, au terme de l'article 100, la décision rectificative a désormais autorité absolue de chose jugée.

 

        2.5. Conservation et communication des registres de l'état civil

            2.5.1. Conservation

Les registres de l'état civil sont rédigés en double exemplaire et en fin de chaque année un exemplaire est envoyé au greffe du tribunal de grande instance tandis que l'autre va aux archives de la mairie.

            2.5.2. Communication

Les actes de l'état civil sont destinés à faire la preuve des événements concernant l'état et à renseigner le public sur l'état des personnes.

Mais la publicité des actes ne consiste pas dans la mise des registres à la disposition du public et la consultation directe n'est autorisée que pour les registres vieux de plus de 100 ans. Le décret du 3 août 1962 organise la publicité, c'est-à-dire la délivrance de copies ou d'extraits des actes de l'état civil aux intéressés : 

- la copie est une reproduction intégrale

- l'extrait est une reproduction partielle qui ne contient que des indications essentielles

- depuis deux décrets de 1953 et 1954, la preuve de l'état peut également se faire par la production du livret de famille qui a la même force probante que les copies et extraits

- enfin les fiches d'état civil sont également utilisables en preuve mais avec une valeur bien moindre : l'administration les reconnaît jamais un tribunal.

D'autre part, le décret du 3 août 1962 édicte des règles restrictives de publicité pour les copies et extraits des actes de naissance pour couper court à des curiosités intempestives car l'absence sur la copie du nom des parents révèle la filiation illégitime de l'intéressé et la même raison a conduit ces règles à la publicité des actes de mariage.

- pour la copie, la loi limite le droit d'obtenir à un certain nombre de personnes (l'intéressé, les ascendants, les descendants, le conjoint, le représentant légal et le procureur de la république) ; par ailleurs, toute personne ne peut obtenir une telle copie que moyennant une autorisation du procureur de la république qui exercera un contrôle sur les motifs de la demande et s'il refuse c'est le président du tribunal de grande instance qui statuera en référé.

- pour l'extrait qui contient des indications relatives au nom des parents, il peut être délivré en plus des personnes mentionnées pour la copie, aux héritiers et aux administrations publiques. L'extrait qui ne porte aucune indication relative aux parents peut être délivré à tout requérant.

 

3. Le nom

Le nom est l'élément de base de l'identification des personnes ; il ne peut être défini comme l'appellation qui permet de désigner chaque individu et de le distinguer des autres dans la société.

En France, la pratique du nom remonte seulement au 12ème siècle ; jusqu'à la révolution les changements de nom étaient autorisés et fréquents et c'est une loi du 6 fructidor an II qui a interdit cette pratique. Enfin, il faut noter que le nom était à l'origine  une matière coutumière bien qu'actuellement les prescriptions légales se fassent très nombreuses. Le nom des personnes comporte plusieurs éléments : nom patronymique, un prénom au moins et parfois des éléments exceptionnels, pseudonymes, particules. 

Le nom patronymique constitue l'élément héréditaire du nom qui appartient à tous les membres d'une même famille descendant d'un auteur commun dans la branche paternelle. Son étude soulève trois questions : l'acquisition du nom, sa nature juridique et enfin sa protection.

        3.1. Acquisition du nom patronymique

            3.1.1. Règles d'attribution

                3.1.1.1. Le nom en cas de mariage, de divorce, de séparation ou de décès d'un conjoint

- En cas de mariage, la femme mariée conserve légalement son nom de jeune fille. Elle doit obligatoirement l'utiliser pour tout acte officiel.

Toutefois, elle peut, si elle le souhaite, faire ajouter le nom de son conjoint sur ses pièces d'identité, cartes, permis et documents officiels.

Dans la vie quotidienne, la femme mariée peut utiliser soit son nom, soit celui du conjoint, soit les deux. L'homme marié peut utiliser son nom ou lui adjoindre celui de sa femme.

- En cas de divorce, chacun des époux reprend l'usage de son nom de naissance s'il utilisait celui de son conjoint (article 264 du code civil). 

L'un des époux peut continuer à utiliser le nom de son ex-conjoint : 

* soit avec l'accord de son conjoint

*soit avec l'autorisation du juge si l'époux justifie d'un intérêt particulier pour lui-même (par exemple, dans l'exercice de son activité), ou pour ses enfants s'il exerce l'autorité parentale.

- En cas de séparation de corps, chacun des époux conserve l'usage du nom de l'autre, mais le jugement de séparation de corps ou un jugement postérieur peut, dans l'intérêt respectif des époux, le leur interdire (article 300 du code civil).

- En cas de décès, si l'un des époux utilisait le nom de son conjoint décédé, il peut continuer à le faire. Il peut faire mentionner sur les documents officiels sa qualité de veuf suivie du nom de son ex-conjoint. En cas de remariage, l'époux ne peut faire figurer le nom de son conjoint décédé sur sa carte d'identité.

                3.1.1.2. L'attribution du nom des enfants

La loi du 4 mars 2002 relative au nom de famille a modernisé les modalités de dévolution du nom. Cette loi a ensuite été complétée par celle du 18 janvier 2003. 

Initialement prévue au 1er septembre 2003, l'entrée en vigueur de la loi a été reportée au 1er janvier 2005.

                    3.1.1.2.1. Le nom des enfants nés avant le 1er janvier 2005

Le nom légal de l'enfant est celui qui résulte des indications mentionnées sur l'acte de naissance.

Il est attribué en fonction des règles propres à chaque filiation.

Les parents peuvent décider d'ajouter au nom légal à titre d'usage, le nom du parent qui ne lui a pas transmis le sien. Ce nom, qui n'est pas transmissible peut figurer, accolé à l'autre, sur ses papiers d'identité.

- L'enfant légitime prote légalement le nom du père.

- L'enfant naturel porte légalement le nom de celui des parents qui l'a reconnu le premier. 

Si les 2 parents l'ont reconnu ensemble, il porte le nom du père.

Lorsque l'enfant a été reconnu en second lieu par son père, les parents peuvent, durant sa minorité, par déclaration conjointe devant le greffier en chef du tribunal de grande instance, substituer le nom du père à celui de la mère.

Dans tous les autres cas, un jugement est nécessaire pour changer le nom de l'enfant.

Si l'enfant à plus de 13 ans, son consentement personnel est nécessaire.

- En cas d'adoption simple, le nom de l'adoptant s'ajoute au nom de l'enfant. Toutefois, à la demande de l'adoptant, le tribunal peut décider que l'adopté ne portera que le nom de l'adoptant. Si l'enfant adopté a plus de 13 ans, son consentement est nécessaire.

En cas d'adoption plénière, l'enfant prend légalement le nom : 

* du mari s'il est adopté par un couple marié

* de la personne qui l'adopte s'il est adopté par une personne seule.

Il existe un cas particulier, si une femme mariée adopte un enfant, sans que le mari soit co-adoptant, le tribunal peut décider avec le consentement du mari que l'enfant prendra le nom du mari.

Si le mari est décédé ou dans l'impossibilité de manifester sa volonté, le tribunal consultera ses héritiers ou ses successibles les plus proches.

                    3.1.1.2.2. Le nom de l'enfant nés après le 1er janvier 2005

- Le principe du choix du nom

Depuis le 1er janvier 2005, les règles d'attribution du nom de famille permettent aux parents de choisir quel(s) nom(s) porteront leurs enfants.

Ainsi par exemple, après le 1er janvier 2005, dans le cas de la naissance d'un premier enfant dont la filiation est établie à l'égard de ses deux parents, ceux-ci pourront lui donner par déclaration conjointe remise à l'officier de l'état civil lors de la déclaration de naissance soit : 

* le nom du père

* le nom de la mère

* leurs deux noms accolés dans un ordre choisi par eux et dans la limite d'un seul nom de famille pour chacun d'eux s'ils portent un double nom, résultant de l'application de la loi nouvelle.

Les noms composés existant avant l'entrée en vigueur de la loi constituent un nom unique, qui est indissociable et est donc transmis intégralement.

 Le choix du nom de famille s'effectue par une déclaration conjointe de choix de nom.

La déclaration conjointe de nom doit être faite par écrit, et remise à l'officier de l'état civil du lieu de naissance lors de la déclaration de naissance du premier enfant commun, par le père, la mère ou l'une des personnes habilitées à déclarer la naissance (fonctionnaire de la maternité).

Le choix ne peut être fait qu'une seule fois. Il est fait pour l'aîné des enfants communs et détermine le nom porté par les autres enfants communs du couple.

En l'absence de déclaration conjointe de choix, depuis le 1er janvier 2005, les premiers nés portent le nom du père lorsque la filiation (légitime ou naturelle) est établie simultanément à l'égard des deux parents à la date de la déclaration de naissance (enfant né de parents mariés ou reconnu conjointement par ses père et mère).

En cas de filiation naturelle, ils portent le nom du premier des deux parents qui les a reconnus, ou en cas de reconnaissance simultanée, le nom du père.

 - La déclaration conjointe des parents lors de la déclaration de naissance (article 311-21 du code civil).

La déclaration conjointe de choix de nom permet aux enfants à l'égard desquels la filiation est établie au jour de la déclaration de naissance, de choisir le nom que portera leur premier enfant commun né à partir du 1er janvier 2005. Le choix peut porter soit sur : 

* le nom du père

* le nom de la mère

* les noms des deux parents accolés dans un ordre choisi par eux et dans la limite d'un seul nom de famille pour chacun d'eux (lorsqu'ils portent eux mêmes un double nom).

La déclaration conjointe de choix de nom doit être remise à l'officier de l'état civil qui établira l'acte de naissance : 

* par les parents ou l'un d'entre eux.

* ou par l'une des personnes habilitée à déclarer la naissance (docteur en médecine ou en chirurgie, sage-femme, un officier de santé ou une personne ayant assisté à l'accouchement).

Remarque

Si l'enfant est né à l'étranger, la déclaration conjointe de choix de nom doit être remise à l'officier de l'état civil du ministère des Affaires Étrangères chargé de la transcription de l'acte de naissance dans les 3 ans suivants la naissance.

- La reconnaissance simultanée de l'enfant postérieurement à sa déclaration de naissance

Les parents pourront effectuer la déclaration de choix de nom en cas de reconnaissance simultanée postérieure à la déclaration de naissance, pour un premier enfant commun. Il portera sur : 

* le nom du père

* le nom de la mère

* les noms des deux parents accolés dans un ordre choisi par eux et dans la limite d'un seul nom de famille pour chacun d'eux (lorsqu'ils portent eux mêmes un double nom)

Lorsque la filiation de l'enfant résulte d'un acte de reconnaissance simultanée postérieur à sa déclaration de naissance, la déclaration conjointe de choix de nom doit être remise par les parents ou l'un d'entre eux à l'officier de l'état civil ou au notaire chargé d'établir l'acte.

La déclaration est ensuite remise à l'officier de l'état civil détenteur de l'acte de naissance.

Cette déclaration conjointe est portée en marge des actes de l'état civil de l'enfant et reportée sur le livret de famille.

                    3.1.1.2.3. Le nom des enfants devenus français par l'effet collectif de l'acquisition ou de la réintégration dans la nationalité française de leur parent.

Les parents d'un enfant acquiert la nationalité française par l'effet collectif de leur acquisition ou de leur réintégration dans la nationalité française peuvent faire une déclaration conjointe de changement de nom identique à celle des enfants nés français.

La déclaration conjointe est remise par l'un ou l'autre des parents : 

- lors du dépôt de la demande d'acquisition de la nationalité française

- lors du dépôt de la demande de naturalisation

- lors du dépôt de la demande de réintégration par décret

- lors de la souscription de la déclaration d'acquisition de la nationalité française. 

La déclaration est transmise par l'autorité chargée de conférer la nationalité française : 

- au service central de l'état civil du ministère des affaires étrangères s'il est nécessaire d'établir des acte de l'état civil français au profit des parents ou de leur enfant

- à défaut, à l'officier de l'état civil communal détenteur de l'acte de naissance du premier enfant commun bénéficiant de l'effet collectif.

La mention du changement de nom est portée sur les actes de naissance des enfants concernés par les officiers de l'état civil compétents.

            3.1.2. Adjonction facultative de l'usage du deuxième nom parental

Dans ses dispositions diverses, la loi du 23 décembre 1985, relative à l'égalité des époux dans les régimes matrimoniaux et à l'égalité des parents dans la gestion des biens des enfants mineurs, édicte une règle concernant l'usage par les enfants du nom de leurs parents. Elle ouvre à l'enfant le droit d'ajouter à son nom, à titre d'usage, le nom de celui de ses parents, qui ne lui a pas transmis le sien. Il s'agit d'une faculté générale, ouverte à toute personne déjà née, quel que soit son âge, et à l'égard des enfants mineurs, cette faculté sera mise en oeuvre par les titulaires de l'exercice de l'autorité parentale.

            3.1.3. Changement de nom

Le principe posé par la loi révolutionnaire du 6 Fructidor an II est l'immuabilité du nom patronymique. Toutefois, le changement de nom est possible. 

                3.1.3.1. Le changement de nom (article 64 du code civil).

La loi du 8 janvier 1993 a modifié la procédure pour changer de nom. Toute personne justifiant d'un intérêt légitime (consonance ridicule, confusion déshonorante, le désir d'éviter l'extinction d'un nom, nom à consonance étrangère...) peut en faire la demande au gouvernement.

                3.1.3.2. La procédure de changement de nom

Un dossier de demande de changement de nom est à adresser au Garde des Sceaux, ministère de la Justice ou au procureur de la République du tribunal de grande instance du domicile.

Les pièces à fournir sont les suivantes : 

- un exemplaire de chacun des journaux dans lesquels l'(les) annonce(s) a (ont) été publiée(s)

- la copie intégrale de l'acte de naissance de chaque intéressé majeur ou mineur

- la copie d'une pièce prouvant la nationalité française

- le consentement personnel écrit pour les mineurs de plus de 13 ans

- le bulletin n°3 du casier judiciaire pour les personnes majeures

- une requête personnelle sur papier libre, adressée au Garde des Sceaux. Elle doit être signée et comprendre les raisons de l'abandon du nom d'origine et les raisons du choix du nom demandé. Tout document établissant le bien fondé de cette demande doit être joint pour l'appuyer.

Si la demande est faite au nom d'enfants mineurs, il est nécessaire de le mentionner et d'indiquer leur date de naissance. Si plusieurs personnes sollicitent le même nom, chacune d'elles doit souscrire une demande séparée.

Un décret signé par le Premier ministre et le Garde des Sceaux, portant notification du changement de nom, est publié au Journal Officiel, si le changement de nom est accordé. Un exemplaire du décret est remis au demandeur.

Si la demande de changement de nom est refusée, le refus doit être motivé et notifié à l'intéressé.

Avant la publication du décret, il est possible de s'opposer  à la demande de changement de nom, en donnant des raisons précises, par simple lettre au Garde des Sceaux, direction des affaires civiles et du sceau. 

A partir de la publication au Journal Officiel, des tierces personnes peuvent, pendant deux mois, s'opposer au changement de nom envisagé, en engageant une procédure devant le Conseil d'État.

Si aucune opposition n'est émise pendant deux mois ou si le Conseil d'État les a rejetées, il pourra être demandé au secrétariat de la section du contentieux du Conseil d'État, selon le cas, un certificat de non-opposition ou une copie de la décision rejetant l'opposition.

Si le décret est annulé par le Conseil d'État, il ne peut être envisagé de renouveler la même demande de changement de nom, sauf en cas d'éléments nouveaux tout à fait exceptionnels.

 

        3.2. Nature juridique du nom

Pour la théorie classique adoptée par une bonne partie de la jurisprudence, le nom s'analyse en une propriété ; il fait l'objet d'un droit subjectif de propriété. Cette analyse a été contestée au début du siècle par Planiol et d'ailleurs cette qualification est très critiquée en doctrine. Planiol voyait en effet dans le nom une institution de police civile correspondant à un besoin social d'identification des personnes ; aussi rejetait-il l'idée même d'un droit subjectif au nom. Il admettait cependant la nécessité de protéger le nom, mais sans pour autant faire appel à la notion d'un droit au nom ; pour lui l'atteinte au nom est une faute qui engage la responsabilité de son auteur, le préjudice éventuel résidant dans un risque de confusion qu'engendre l'usurpation d'un nom entre l'usurpateur et le porteur légitime du nom.

            3.2.1. L'obligation de porter le nom

A l'appui de la qualification d'institution de police civile, on fait valoir que le port du nom est obligatoire, il ne fait pas intervenir la volonté du porteur du nom ; de même celui-ci ne peut pas décider de renoncer au nom qu'il porte alors qu'habituellement on peut renoncer à un droit subjectif.

Toutefois, il ne faut pas exagérer la portée de cette obligation : en effet, si le caractère obligatoire existe bien dans les rapports de droit public ou qui supposent une intervention de l'autorité publique, elle est beaucoup moins marquée dans les rapports de droit privé ; ainsi est-il permis dans la mesure où on ne se cause de préjudice à personne de conserver l'anonymat ou de désigner par un pseudonyme de préférence à un patronyme, exceptée une obligation légale spécifique (par exemple une fiche d'hôtel). Le fait qu'il existe une limite à la liberté d'user d'un pseudonyme lorsqu'il s'agit du nom d'une autre personne montre bien qu'il y a autre chose qu'une pure obligation de le porter : le nom comporte un aspect subjectif.

            3.2.2. Contenus et caractères

La doctrine dominante ne s'est pas laissée arrêter par les objections de Planiol et pour la doctrine la réparation des droits attachés au nom n'empêche pas d'envisager la même règle sous l'angle de la prérogative individuelle d'un droit au nom.

                3.2.2.1. Contenu d'un droit au nom

Ce droit comporte le droit de s'en servir pour se désigner soi-même, mais si on est en droit de faire le commerce sous son propre nom, on ne peut pas profiter du fait que le nom est déjà rendu notoire par un concurrent. Ce serait alors un acte de concurrence déloyale générateur de responsabilité civile, d'où la nécessité de prendre des précautions. Ceci est l'application de la théorie jurisprudentielle de l'abus de droit selon laquelle les particuliers ne peuvent pas faire de leur droit un usage discrétionnaire susceptible d'abus de leurs propres droits, ceci entraînant une faute civile susceptible de s'appliquer à n'importe quel droit.

A côté du droit d'user du nom, le droit au nom comporte celui de réclamer la protection des tribunaux en cas d'atteinte au nom que l'on porte.

                3.2.2.2. Caractères du droit au nom

Le nom des personnes se caractérise d'une part par l'indisponibilité, d'autre part par l'imprescriptibilité.

                    3.2.2.2.1. Indisponibilité

Le titulaire du nom ne peut se priver de son droit, soit en y renonçant, soit en le cédant à un autre.

On trouve l'application de l'incessibilité du nom dans un arrêt de la cour de cassation de 1964 : dans cette affaire la cour de cassation devait se prononcer sur la validité d'une convention : l'autorisation du mari donnée à son ex-femme de porter son nom. La cour d'appel de Paris avait déclaré qu'une telle autorisation était possible et valable, l'article 299 n'étant pas d'ordre public, d'autre part, la cour ajoutait que l'autorisation une fois donnée ne pouvait être retirée à la femme que si elle faisait du nom un usage abusif et anormal, donc avait un caractère irrévocable sauf motif légitime. Or la cour de cassation a déclaré que l'autorisation ne peut revêtir qu'un caractère précaire. Elle est toujours révocable, sinon, la convention passée serait incompatible avec l'indisponibilité du nom. Il s'agit là d'une solution excessive, l'autorisation initiale n'ayant plus de sens et le fait que l'article 229 ne soit pas d'ordre public est inutile. Cette solution revient à traiter l'ex-femme moins bien qu'un tiers quelconque qui viendrait à user du nom du mari. Le succès d'une telle action est subordonné à la preuve d'un risque de confusion, or ici ce n'était pas le cas et enfin l'arrêt de 1964 est difficilement conciliable avec la jurisprudence qui admet les conventions relatives à l'usage du nom, à des fins commerciales par exemple.

                    3.2.2.2.2. Imprescriptibilité

Le nom ne peut s'acquérir par l'usage, pas plus qu'il ne peut s'éteindre ou se perdre par le non-usage. Le nom des personnes échappe ainsi au jeu de la prescription acquisitive ou extinctive. Cette solution d'imprescriptibilité ne comporte aucune réserve en ce qui concerne la prescription extinctive et cela est vrai de manière absolue, par contre, la question se pose de savoir s'il n'y a pas une certaine prescription acquisitive applicable au nom, c'est le problème de l'acquisition d'un nom par une longue possession. Un certain nombre de décisions l'a admis. Mais il faut une possession très longue : 100 ans au moins et de plus pour que l'action puisse aboutir à l'acquisition du nom, il faut qu'elle présente certaines qualités : publique, incontestée et loyale.

                3.2.2.3. La qualification du droit au nom

L'analyse des caractères qui appartiennent au nom a conduit les auteurs à écarter la qualification de droit de propriété. En effet, cette qualification est difficilement applicable au nom car la notion même de propriété évoque des droits qui représentent des éléments de richesse et qui sont transmissibles, cessibles, exploitables.

Étant admis que le droit au nom constitue un droit extra-patrimonial d'une part et que d'autre part, il ne peut s'analyser comme une propriété, on peut hésiter à le classer. Et des appellations comme élément de l'état des personnes, droit de la personnalité, droit de la famille sont des appellations qui se défendent. Toutefois, l'opinion la plus répandue de nos jours et que le droit au nom s'analyse comme état un droit de la personnalité. Et en tant que droit de la personnalité, le droit au nom est un droit à la non-confusion, c'est-à-dire un droit de ne pas être présenté aux tiers autrement que ce que l'on est.

L'atteinte au nom sera sanctionnée dans la mesure où elle provoque une confusion ou un risque de confusion dont l'auteur pourrait pâtir. Et cette qualification de droit de la personnalité commence à apparaître dans la jurisprudence.

 

        3.3. Protection du nom patronymique

Les atteintes se ramènent à 2 cas : usurpation de nom proprement dite, c'est-à-dire, l'usage sans droit du nom d'autrui comme nom de famille et l'usage du nom d'une personne à d'autres fins qu'une désignation personnelle.

            3.3.1. Usurpation à titre du nom de famille

La jurisprudence accorde une action permettant au titulaire du nom usurpé de s'opposer à l'usage de son nom, de la faire interdire : action en interdiction ou en usurpation.

                3.3.1.1. Personnes pouvant exercer l'action

Ce sont d'abord le ou les titulaires du nom usurpé. La doctrine préconise de donner l'action aux parents, dont l'un des ancêtres a porté le nom alors même qu'ils ne le portent pas eux-mêmes. Certains suggèrent de l'étendre à tous les membres de la famille : le droit au nom est envisagé comme droit de famille.

                3.3.1.2. Conditions de succès de l'action

La question qui se pose est de savoir si l'usurpation est suffisante ou si le succès de l'action n'est pas subordonné à une condition supplémentaire d'un préjudice résultant de cette usurpation. Cette question est liée à la nature juridique du nom : 

- si l'on considère le droit au nom comme un droit de propriété, le demandeur n'a pas à justifier d'un préjudice car c'est une règle générale qu'un propriétaire peut interdire à autrui d'usage de la chose, même si cette utilisation ne lui cause aucun dommage.

- si l'on considère le nom comme un droit de la personnalité (doctrine), le titulaire du droit au nom ne doit pouvoir s'opposer à l'usurpation qu'autant que celle-ci est préjudiciable.

La jurisprudence est partagée : dans de nombreux arrêts le demandeur n'a pas à justifier d'un préjudice autre que celui de l'usurpation lui-même. Cependant, on s'aperçoit que dans les cas où il a été jugé ainsi, il existait en fait un risque de confusion morale ? Certains arrêts relèvent même formellement ce risque de confusion préjudiciable au demandeur tout en continuant de qualifier la non-propriété : on a donc ici une solution contradictoire.

Et il semble qu'en dépit des formules de certains arrêts qui paraissent exclure la nécessité d'un préjudice, le risque de confusion soit une condition d'action en usurpation de nom. D'ailleurs, la solution contraire reviendrait à admettre des actions en justice dépourvues de tout intérêt, or, l'intérêt d'agir est une condition d'existence.

            3.3.2. Usage du nom d'autrui autrement que comme nom de famille.

                3.3.2.1. Utilisation comme pseudonyme

Le pseudonyme est un nom de fantaisie librement choisi par une personne pour masquer au public sa personnalité véritable dans l'exercice d'une activité particulière. Le pseudonyme peut être le patronyme d'une personne et dans ce cas, les tribunaux admettent que le porteur du nom patronymique peut faire interdire cet usage s'il y a risque de confusion. Mais ce risque n'est pas toujours suffisant et il y a considération de l'intérêt du défendeur, du préjudice qu'il subirait du fait de l'abandon du pseudonyme. D'autre part, le silence du porteur du nom pendant longtemps s'interprète comme ne l'ayant pas gêné. Les sanctions en interdiction sont donc soumises à plus de restrictions.

                3.3.2.2. Utilisation à des fins commerciales ou publicitaires.

Il ne faut pas un risque de confusion.

Cependant, l'usage prolongé d'un pseudonyme sans protestation équivaut à un accord tacite. D'autre part, il est admis que des accords exprès peuvent intervenir : ils sont possibles et licites. Ces solutions sont cependant peu conciliables avec l'inaliénabilité et l'imprescriptibilité du nom.

                3.3.2.3. Utilisation pour la désignation d'un personnage fictif

Cette utilisation est à des fins littéraires ou artistiques. L'utilisation peut donner lieu à des réparations (article 1382 du Code Civil) lorsque l'usage du nom est fautif et préjudiciable.

                    3.3.2.3.1. La faute

Elle ne résulte pas du seul fait d'attribuer le nom d'une personne réelle à un personnage imaginaire car cela imposerait aux auteurs des recherches interminables. Il faut une faute distincte de l'auteur : volontaire (intention de nuire) ou involontaire (imprudence, négligence).

                    3.3.2.3.2. Le préjudice

Il réside dans le caractère ridicule et odieux du personnage imaginaire et dans le risque de confusion : le préjudice doit donc être caractérisé et l'action n'est admise que dans ce cas.

En conclusion, nous pouvons voir donc le caractère presque exclusivement jurisprudentiel du régime de protection du nom.

 

        3.4. Le prénom

La détermination du ou des prénoms soulève 2 questions : l'attribution et les changements de prénoms.

            3.4.1. Attribution

Cette attribution préside 2 caractères :

- En premier lieu, elle est volontaire : l'attribution du prénom est volontaire conformément à l'article 57 selon lequel les prénoms attribués à l'enfant sont choisis par ses père et mère qui le déclare au service de l'état civil ; l'officier de l'état civil a donc seulement qualité pour recevoir les prénoms et non pour les attribuer.

- L'attribution du prénom présente aussi un caractère obligatoire : un prénom au moins est obligatoire à titre d'élément d'identification de la personne.

L'article 57 du Code Civil (loi du 8 janvier 1993) consacre le principe de la liberté du choix des prénoms de l'enfant par ses parents. En effet, la loi du 11 Germinal an XI a été abrogée. La référence aux nom en usage dans les différents calendriers et ceux des personnes de "l'histoire ancienne" disparaît : l'officier d'état civil ne peut plus rejeter le prénom qui ne lui semble pas pouvoir être inscrit. Désormais, il est tenu d'inscrire le ou les prénoms choisis par les parents, et s'ils lui paraissent contraires à l'intérêt de l'enfant (ex : prénoms ayant une apparence ou une consonance ridicule, péjorative ou grossière) ou au droit des tiers à voir protéger leur patronyme (ex : choisir comme prénom un patronyme dont l'usage constitue une usurpation de nom), il doit en avertir sans délai le procureur de la république qui peut saisir le juge aux affaires familiales (JAF).

            3.4.2. Changements de prénoms

On distingue différentes hypothèses :

- l'adoption : selon l'article 357 du code civil, sur la demande du ou des adoptants, le tribunal peut modifier les prénoms de l'enfant.

- en cas d'acquisition de la nationalité française, l'étranger peut demander en même temps que la francisation de son nom celle de son prénom.

- le changement de prénom : il est possible en cas d'intérêt légitime.. Toutefois, si le prénom peut nuire à l'enfant (prénom ridicule...), l'officier d'état civil peut avertir le procureur de la république. Celui-ci saisit le juge aux affaires familiales, qui peut demander le changement du prénom (article 57 du Code Civil).

 

4. Le domicile

La notion juridique de domicile diffère du sens courant usuel : le domicile est un lieu fixé par la loi pour constituer le siège légal de la personne juridique, il est destiné à permettre de localiser la personne en la rattachant à un point déterminé du territoire où elle est censée pouvoir être touchée.

        4.1. Le domicile volontaire

L'article 102 du Code Civil dispose que le domicile est le principal établissement. Cette disposition appelle une remarque : la volonté n'est nullement souveraine puisqu'elle ne vaut qu'autant que l'individu installe en un endroit son principal établissement ; il ne peut pas fixer son domicile en un lieu où il n'aurait aucune attache.

            4.1.1. Localisation du principal établissement

L'article 102 ne lie pas le domicile à la résidence ; la raison en est que bien des personnes ont plusieurs résidences et donc lier le domicile à la résidence engendrerait une multiplicité de domiciles et partant son instabilité. D'où la fixation au lieu du principal établissement de la personne :c'est le lieu où la personne se trouve en contact juridique avec les tiers et ce sera souvent la résidence, mais ce peut être aussi le centre des affaires de la personne, par exemple le lieu où elle exerce sa profession.

La localisation concrète prête à difficulté et ce sont les tribunaux qui apprécient le cas échéant les éléments qui permettent de déterminer le principal établissement car le code ne les définit pas. Pour leur appréciation, les tribunaux ont égard à la fois à un élément matériel et à un élément intentionnel :

- l'élément matériel : par exemple, un des établissements l'emporte nettement sur l'autre ; s'ils ont la même importance, pourront intervenir des éléments accessoires tels le lieu d'imposition fiscale ou d'inscription sur les listes électorales.

- l'élément intentionnel : c'est "l'animus manendi", c'est-à-dire que l'individu sera domicilié au lieu où il a manifesté l'intention de s'établir.

La Cour de Cassation a jugé que la détermination du domicile était une question de fait, donc laissée à l'appréciation souveraine des juges de fond : par conséquent, aucune règle générale n'est posée.

            4.1.2. Le changement de domicile

L'article 103 subordonne ce changement à 2 conditions :

- une condition matérielle : l'habitation réelle dans un autre lieu

- une condition psychologique : l'intention d'y fixer son principal établissement.

Par conséquent, le déplacement de la résidence ou du centre d'affaire ne suffit pas ; il faut que s'y ajoute une volonté de changement sans esprit de retour. On en revient donc à l'appréciation de la donnée psychologique qui donne lieu à de nouvelles difficultés de preuve et c'est pourquoi l'article 104 impose une double déclaration, en mairie, l'une à la mairie du lieu que l'on quitte et l'autre à la mairie du lieu où l'on s'installe. Mais ces déclarations sont facultatives et il est rare qu'elles soient accomplies. Et on a à nouveau recours à l'appréciation des tribunaux : selon l'article 105 la preuve de l'intention dépend alors des circonstances tranchées souverainement par les juges du fond au moyen d'éléments de détermination du domicile. En l'absence de circonstances caractéristiques de l'intention de changement, on présume que l'ancien domicile de la personne a été conservé, cette dernière solution montrant l'importance du domicile d'origine des personnes.

 

        4.2. Le domicile légal

Il s'agit d'un domicile attribué d'office par la loi à certaines personnes et par opposition au domicile volontaire, il est fixé sans tenir compte du principal établissement de la personne. La notion de domicile peut donc prendre un caractère purement fictif et correspondre à un lieu où la personne ne vit pas, n'habite pas.

            4.2.1. Le domicile légal fondé sur la profession

                4.2.1.1. Les fonctionnaires nommés à vie (article 107 du Code Civil).

Ce sont des personnes exerçant des fonctions publiques perpétuelles et irrévocables (magistrats du siège) : elles sont domiciliées dans le lieu où elles doivent exercer leurs fonctions, dès lors qu'elles les ont acceptées, c'est-à-dire à partir de la prestation d serment même avant d'avoir rejoint leur poste.

La jurisprudence assimile à ces fonctionnaires ceux des officiers ministériels qui sont astreints à la résidence du lieu de leurs fonctions (notaires, avoués, huissiers).

                4.2.1.2. Bateliers, forains et nomades

L'article 102 alinéa 2 modifié par l'ordonnance du 7 octobre 1958 oblige les bateliers et autres personnes vivant à bord d'un bateau de navigation intérieure immatriculé en France qui ne justifient pas d'un domicile de droit commun à choisir un domicile dans l'une des communes dont le nom figure sur une liste établie par l'administration.

L'ordonnance du 7 octobre 1958 avait introduit dans l'article 102 alinéa 3 une disposition analogue pour les forains et nomades ; la loi du 3 janvier 1969 a abrogé l'alinéa 3 mais a conservé le système des communes de rattachement.

            4.2.2. Le domicile légal fondé sur la dépendance

                4.2.2.1. Le mineur non émancipé

Le mineur non émancipé est domicilié chez ses parents et s'il est en tutelle, chez son tuteur. Si les père et mère ont des domiciles distincts, le mineur est domicilié chez celui des parents avec qui il réside (article 108-2 du Code Civil).

                4.2.2.2. Le majeur en tutelle

Le majeur en tutelle est domicilié chez le tuteur (article 108-3 du Code Civil).

                4.2.2.3. Les domestiques et employés

Les domestiques et employés sont domiciliés chez "la personne qu'ils servent ou chez laquelle ils travaillent" (article 109 du Code Civil) à condition :

- que le domestique ou l'employé travaille chez son employeur habituellement ce qui exclut par exemple les garde-malades.

- qu'il demeure dans la même maison, ce qui exclut par exemple les femmes de ménage.

Naturellement il doit s'agir de domestique ou employé majeur ou mineur émancipé : le mineur non émancipé conserve son domicile chez ses parents ou tuteur.

 

 

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